jeudi 31 mai 2012

Louis-Ferdinand Céline - Revue de presse - mai / juin 2012

Ce mois de mai, c'est le recueil de témoignages Madame Céline, Route des Gardes qui a rassemblé la quasi totalité de la presse consacrée à Céline : Yann Moix lui fait l'honneur de sa chronique du Figaro littéraire le 24 mai 2012, Le Nouvel Observateur doit évoquer cette parution dans son numéro d'aujourd'hui jeudi 31 mai; Une dépêche AFP reprise par les sites L'Orient Le Jour et Paris-Normandie, l'article de Jérôme Dupuis (L'Express, 11 mai 2012) et celui de Juliette Demay (JDD, 29 avril 2012) complètent la liste.

> Le Figaro Littéraire, 24 mai 2012 (pdf)
> Le Nouvel Observateur, 31 mai 2012 (pdf)
> La Provence, 3 juin 2012 (pdf)
> Libération, 28 juin 2012 (pdf)
France-Info, enfin, consacre sa chronique "Le livre du jour" à cette sortie en s'entretenant avec David Alliot :


Se distinguent le mensuel artpress, qui publie dans son numéro 389 un excellent article de Thomas Ravier sur les Lettres à Milton Hindus (Gallimard, 2012) et  La Voix du Nord qui évoque la dernière de la pièce « Dieu qu'ils étaient lourds !... » de Marc-Henri Lamande et Ludovic Longelin, très belle interprétation de Céline, encensée par la critique et jouée depuis environ cinq ans un peu partout en France :  

Voyage au bout d'une pièce à la découverte de L-F Céline
 « Je me retrouve à présent à faire une interview dans un décor de chaise électrique, ça ne va pas me troubler du tout et je vais dire tout ce que je pense ». C'est par cette phrase prononcée par Louis-Ferdinand Céline que débute l'entretien avec le journaliste qui lui pose des questions sur sa vie, son oeuvre, son enfance et sa famille. Construite et adaptée à partir des interviews données par L-F Céline dans les années 50 à quatre grands journalistes de l'époque, cette pièce magnifiquement interprétée par Marc-Henri Lamande et Ludovic Longelin permet d'aller jusqu'au bout de la complexité de ce génie de la littérature. Encensée par la critique depuis 2007, date de la création de cette pièce, la dernière représentation donnée au théâtre « les Pipots » vendredi dernier vient couronner une tournée qui a duré cinq années. Concernant le choix des Pipots pour cette dernière, le metteur en scène et comédien Ludovic Longelin, explique : « Je travaille sur la confession, sur l'intimité qui convient parfaitement à la salle, on a un rapport avec le public qui est très intime, il faut donc que le public soit tout près ». 
Une ultime représentation 
Dans un décor simple et sobre à la fois, Marc-Henri Lamande est magnifique dans le rôle de L-F Céline. Celui qui a révolutionné la littérature est incarné sur scène à la perfection. Le souffle et le style de Céline sont bien présents, on entend les points de suspension, d'exclamation et même les silences. « La parole de Céline comme on peut la lire dans ses livres », tel était le pari de Ludovic Longelin qu'il a réussi à relever avec beaucoup de finesse et de talent. Lors de cette ultime représentation, les spectateurs présents, amateurs ou pas de Céline, ont eu le plaisir pendant plus d'une heure de rentrer dans l'intimité de l'auteur, d'écouter avec attention ses confessions et de flirter avec un humour qui saupoudre des propos parfois lourds et incisifs. •
La Voix du Nord, 29 mai 2012.

N'oublions pas, pour clore cette revue de presse, les deux seules revues entièrement consacrées à l'auteur de Voyage au bout de la nuit : le Bulletin célinien a consacré son numéro de mai à Claude Duneton, qui vient de nous quitter; et le trimestriel Spécial Céline qui a sorti son cinquième numéro ce 2 mai.

M.G.
Le Petit Célinien, 31 mai 2012.

Le Bulletin célinien n°342 - juin 2012

Vient de paraître : Le Bulletin célinien n°342. Au sommaire : 

- Marc Laudelout : Bloc-notes
- Juliette Demey : Lucette, ombre et lumière de Céline
- M. L. : Une soirée Céline aux Beaux-Arts
- Bernard Labbé : Dernier hommage à Claude Duneton
- M. L. : Céline et « Je suis Partout »
- M. L. : Gofman, le Marquis et les emmerdeuses
- René Miquel : En consultation chez le docteur Destouches [1933]
- M. L. : Le cinquantenaire vu par Jean-Paul Louis
- François Brigneau : Céline revient… Le retour de l’Aryen errant [1951]

Un numéro de 24 pages, 6 € franco.

Le Bulletin célinien, B. P. 70, Gare centrale, BE 1000 Bruxelles.

lundi 28 mai 2012

« D'un livre l'autre » : la librairie célinienne à Paris !

Emile Brami a décidé la réouverture de sa librairie D'un livre l'autre, en grande partie consacrée à l'oeuvre de Louis-Ferdinand Céline. Précédemment située dans le sixième arrondissement parisien, c'est à présent au 2, rue Borda dans le 3è arrondissement que pourront se retrouver les céliniens. 

Lettres, grands papiers, tirages courants seront proposés aux amateurs. Plus largement, c'est tout l'univers célinien que l'on retrouvera à cette nouvelle adresse : des nombreuses études parues depuis une cinquantaine d'années aux traductions de Marie Canavaggia, en passant par Albert Paraz ou Georges Oltramare et son livre Les souvenirs nous vengent pour ne citer que ces exemples. Tout sera fin prêt dans trois semaines environ. Un catalogue sera disponible en fin d'année.

Aussi, au 1er étage, une galerie d'art fera place, tout au long de l'année, à la création, en accueillant des artistes d'horizons divers. La première exposition sera consacrée en septembre prochain à Céline avec la présentation d'une quarantaine de ses portraits par José Correa. A suivre sur Le Petit Célinien...

M.G.
Le Petit Célinien, 28 mai 2012.


Librairie D'un livre l'autre
2, rue Borda
75003 PARIS
Du mardi au samedi de 10h30 à 19h

Tél : 01.57.40.79.01
Tél : 09.67.12.79.01
Courriel : dla.ebrami@gmail.com
http://dunlivrelautre.fr/

vendredi 25 mai 2012

Louis-Ferdinand Céline, chroniqueur du désastre par Anne Elaine Cliche

Céline à Meudon, juillet 1960

Féerie pour un temps sans mesure. Louis-Ferdinand Céline chroniqueur du désastre.

par  Anne Elaine CLICHE
(Université du Québec, Montréal)

C’est moi l’infirme sans doute. Le maniaque d’une sorte de façon de penser que le Temps seul compte, qui nous offre une trame, sa trame, pour y broder un certain Style, un certain rythme. Celui de la minute qui passe, l’instant, et c’est fini ! Instantanéiste, je suis. Le rendu émotif de la Seconde, rien d’autre. Déjà c’est du Passé. Le Temps l’emporte… (1) Louis-Ferdinand Céline

Au commencement : Braoum ! Vlaouf !

Le temps passe, paraît-il, et nous emporte avec lui. Est-ce si sûr ? Il va sans dire, en tout cas, que dans cet emportement général, chacun s’accroche à ses morceaux — épaves ou projets, souvenirs ou ambitions —, à jamais décalé de l’histoire et de la mémoire, et de ce fait livré à la hâte, au retard, à cette condition finalement indépassable d’existence inopportune, intempestive et déplacée. Seule la mort nous rend enfin adéquats à nous-mêmes, et nous arrache au contretemps qui est sans doute la conséquence la plus musicale de la chute. Je sais, le terme est fort et par surcroît biblique. Il suffit d’écrire quelques lignes sur le temps pour se voir aussitôt entraîné dans les méandres théologiques. C’est ce qu’on appelle un effet obligé, une nécessité logique.
Ce que je voulais dire, avant d’être embarquée sur le rail des causalités, c’est que le temps, qui passe et nous emporte avec lui, n’entraîne pas tout le monde à la même vitesse et ne le précipite au néant que selon des allures et des circuits variables que l’on pourrait évaluer à la densité des masses notoires ou insignifiantes, grégaires ou isolées — amalgames, conglomérats ou particules infimes — que nous sommes, pareilles à celles auxquelles nous nous raccrochons pour ralentir, inverser ou précipiter notre chute. Le mot est lâché, il vient où il veut et c’est à sa place; à la bonne heure! Évidemment le sujet nous aide un peu. Il n’y a qu’à commencer à parler, de tout et de rien, du temps qui passe, du temps qu’il fait, pour que la théologie nous rattrape, autant dire la Faute avec sa grande Faux; et l’infamie du monde n’a plus qu’à se donner dans ses plus beaux atours qui sont aussi les plus comiques; la chute — par peau de banane ou damnation — étant comme on sait la garantie absolue du rire terrestre. Elle est, cette infamie, la manière la plus sûre de nous garder en vie en nous ménageant le petit spasme d’écart entre le non-être et la mort. « Si les choses nous emportaient en même temps qu’elles, si mal foutues qu’on les trouve, on mourrait de poésie (2). » Ce n’est pas moi qui le dit, mais Louis-Ferdinand Céline qui en connaît un bout sur l’art d’être inopportun et déplacé, pour ne pas dire inconvenant, injuste, injustifiable. Quant à mourir de poésie ou d’autre chose, c’est une question d’aptitudes ou de méthode. Nous y viendrons.
En attendant, restons-en encore un peu à cette question du temps qui passe et nous avec lui. On se demande où tout ça va nous conduire… À la tombe ou dans les souvenirs. Ça promet. Le titre aussi promet : désastre et féerie, alchimie à la mesure de notre temps, spectacle et catastrophe… Ça fait un moment que ça dure, et ça semble installé; pendant que nous passons à contretemps du temps selon des courbes et des axes qu’il serait bien temps de prendre en compte pour savoir un peu mieux qui nous sommes et où nous allons. « Qui »? « Où »? C’est beaucoup dire. Restons humbles, ne visons pas l’inatteignable. Ne constatons pour commencer que la direction, l’orientation, le sens. À quel magma appartenez-vous, quelle est votre densité, votre épaisseur, votre masse, votre poids substantiel dans le plan universel de la gravitation? En un mot : quel corps êtes-vous donc parmi les corps en proie à la verticalité ascendante ou descendante? Car la chute trouve son exacte réciproque dans l’ascension, ce que la théologie, encore une fois, nous enseigne en accéléré.
Je n’ai pas choisi de parler de Céline par pur amour ni provocation. Céline est l’écrivain qui nous a révélé que le temps ne se mesure qu’au poids; c’est une affaire de pesanteur. Avant lui, à peu près personne, sauf les théologiens, n’y avait vraiment pensé (3). Les derniers mots de l’entretien avec Albert Zbinden nous donnent d’ailleurs une vue d’ensemble sur la condition humaine telle que la conçoit Céline : 

A.Z. Quel mot voudriez-vous prononcer, quelle phrase voudriez-vous écrire avant de disparaître ?
L-F.C. « Ils étaient lourds. » Voilà ce que je pense. Les hommes en général, ils sont horriblement lourds. Ils sont lourds et épais, voilà ce qu’ils sont. […] « Dieu qu’ils étaient lourds! » Voilà tout ce qu’ils me font comme effet. Surtout quand ils s’imaginent être malins… C’est encore pire. C’est tout ce que je vois.
 

De là, il convient de reconsidérer l’histoire de la métaphysique comme une conséquence directe de la physique; on aurait dû s’en douter. La chute n’est pas une allégorie mais une loi universelle de la matière; de même, la légèreté n’est pas un équivalent de l’innocence, de la frivolité, mais un art d’entendre, de voir et de dire en temps : musique! Voilà tout Céline, fils d’une réparatrice de dentelles, comme il va nous le redire jusqu’à la fin des temps. 

Oh, je n’ai pas besoin d’essayer d’être léger. […] je suis un des rares hommes à savoir différencier la batiste de la valenciennes, la valenciennes du Bruges, le Bruges de l’Alençon. Je connais très bien les finesses. Très très bien. Je n’ai pas besoin d’être éduqué. […] Mais pour être expert en ceci il faut s’en occuper. C’est dans son laboratoire intime qu’on s’occupe de ces choses-là (4).

La dentelle, c’est un fait, est le comble de la légèreté. Ce qui ne l’empêche pas d’être aussi l’équivalent général du saccage, des décombres et des ruines. Les villes bombardées et détruites que traverse le Céline de Nord et de Rigodon, en fuite vers Copenhague, laissent à nu toute une ferraille « bien rongée de rouille… pour ainsi dire en dentelle…(5) ». L’écriture de Céline vise l’époque, le trognon de l’époque, c’est-à-dire le souffle, la scansion de l’événement réduit à l’explosion des matières, à la déflagration des corps en loques, tournés en bouillie; elle vise à rendre la seconde en acte, en train de s’écouler dans les égouts de l’Histoire. 

Les péripéties de l’Époque! […] c’est la trame du Temps… le Temps! la broderie du Temps !… le sang, la musique, et dentelles!… je vous l’étends, éploye, déploye […] Voyez ! mirez!… le Temps, la trame!… […] jamais un brin de Temps sans note!… la broderie du Temps est musique…(6)

La dentelle est pour ainsi dire la matière même du Temps, celui qui reste avant d’en finir. Opéra, opérette, chansonnette, Tam-Tam, le Temps ne s’écrit pas : il est pur rythme ou halètement, une brisure, un effritement, l’irréparable outrage. 

… tout tourne! tout tourne!… et la musique!… c’est des filigranes la vie, ce qu’est écrit net c’est pas grand-chose, c’est la transparence qui compte… le dentelle du Temps comme on dit… la « blonde » en somme, la blonde vous savez ? dentelle fine si fine! au fuseau si sensible, vous y touchez, arrachez tout!… pas réparable… la jeunesse voilà!… myosotis, géraniums, un banc, c’est fini… (p. 113)

Le fils de la dentellière va donc écrire en prise directe sur la trame du Temps, pour une broderie en langue… en langue maternelle, bien entendu; transposée, rompue, rafistolée : profanée, saccagée. Je n’aurais pas pu trouver mieux pour éclairer notre lanterne.

Ayez pas peur de ressasser

En ce moment les temps sont durs. Je ne peux pas dire que ça m’affecte beaucoup. Ce qui m’affecte c’est d’avoir à m’occuper de choses qui ne sont pas transposées ni transposables si ce n’est qu’après des années, bien des années. Je ne voudrais pas mourir sans avoir transposé tout ce que j’ai dû subir des choses et des êtres. […] Ma mère travaille encore. Je me souviens au Passage, quand elle était plus jeune, de l’énorme tas de dentelles à réparer, le fabuleux monticule qui surplombait toujours sa table — […]. Cela m’est toujours resté. J’ai comme elle toujours sur ma table un énorme tas d’Horreur en souffrance que je voudrais rafistoler avant d’en finir (7).
Le style émotif, le rendu émotif, n’est pas sans produire un certain malentendu. Le professeur Y (8), incarnation de notre indécrottable bêtise, a justement été inventé pour nous confondre davantage. Car pour Céline, il ne s’agit pas tant de nous éclairer sur sa démarche d’écrivain, de traduire en langage clair sa poétique, que de nous précipiter dans le temps de l’Histoire où nous ne pouvons entrer, arrimés que nous sommes à la temporalité de l’Espèce fidèle au « pacte des Instincts » (p. 30). D’où sans doute cette envie de pisser irrépressible qui saisit le colonel Réséda, alias professeur Y, et qui impose aux entretiens un rythme d’urgence incontestable, une vitesse d’exposition qu’il faut rendre expéditive avant que la flaque répandue ne suscite l’attroupement et que l’interlocuteur-interviouweur ne retombe en enfance, ne roule dans sa fange et ses vagissements, pour être déposé, ivre mort, par Céline dans le hall de chez Gallimard où il réclamait d’aboutir (9). L’interlocuteur célinien est en proie à une régression brutale qui semble d’ailleurs provoquée par la parole même qui lui est adressée. Révulsion du corps sur sa chronologie, traitement-choc contre toute tentative de réduire l’enjeu du propos à des idéââs. L’effet pédagogique est on ne peut plus ravageant. Celui qui, au départ de l’entretien, proposait à Céline « un petit débat philosophique […] sur les mutations du progrès par les transformations du soi », serapour ainsi dire « saisi » par sa question retournée d’ailleurs comme un gant. Les Entretiens avec le professeur Y sont en ce sens une répétition de l’oeuvre célinienne tout entière, une sorte de lentille grossissante nous donnant à voir et à réaliser, si nous ne l’avions encore fait, que l’acte d’écriture célinien consiste à faire entendre l’adresse, autant dire l’atteinte, au principe de la parole. Ce qui devrait nous guérir à jamais du recours aux idéologies. Traitement, on l’aura compris, que Céline ne cesse de s’administrer à lui-même, et dont l’interlocuteur fictif fait les frais non pas tant pour permettre une vengeance contre les accusateurs qu’il incarne ou défend — comme l’écrivain voudrait nous le faire croire — que pour occasionner le paiement d’une dette contractée avec la langue, pour ne pas dire le Verbe. L’émotion ne se laisse capter que dans le parlé… et reproduire à travers l’écrit qu’au prix de peines, de mille patiences […] l’émotion est chichiteuse, fuyeuse, […] elle est d’essence : évanescente !… il n’est que de se mesurer avec, pour demander très vite : pardon (10) !

Le style émotif qui se définit comme l’injection du langage parlé dans l’écrit n’a rien à voir avec la transcription de l’oralité ni avec quelque oralité que ce soit. Voilà bien l’étrangeté de l’affaire. Cette injection est, j’insiste, un traitement, une sorte d’inoculation par intraveineuse de l’Instant, de l’actualité en train de s’évanouir, de l’Époque. Il s’agit d’un poison dont la recette exige un immense travail de transfert, de transposition, de transmutation des matières. Alchimie du verbe, disait Rimbaud, qui savait de quel Enfer est fait le temps, la saison.
L’émotion n’est donc pas là où on voudrait la trouver, dans l’expressivité du langage de l’écrivain, dans les effets de nature de son éloquence. Le rendu émotif est dans le corps produit par l’écriture. Un corps qui est celui de l’Époque. Laquelle? demandez-vous. La nôtre, celle de l’effondrement généralisé, de la catastrophe, de l’ébranlement en train, là, d’avoir lieu. Peut-être un jour parlerons nous de cette époque révolue et lointaine. Pour le moment nous y sommes et nous ne cessons de l’oublier. Céline va donc nous y plonger, comme son bout de bois dans l’eau du verre.

Le style, dame, tout le monde s’arrête devant, personne n’y vient à ce truc-là. Parce que c’est un boulot très dur. Il consiste à prendre les phrases […] en les sortant de leurs gonds. […] si vous prenez un bâton et si vous voulez le faire paraître droit dans l’eau, vous allez le courber d’abord, parce que la réfraction fait que si je mets ma canne dans l’eau, elle a l’air d’être cassée. Il faut la casser avant de la plonger dans l’eau. C’est un vrai travail. C’est le travail du styliste (11).

Il n’y a pas d’autres moyens que cette inoculation du temps en cours, emporté et qui nous perd — « Il nous perd le temps » (p. 588). Inoculation qui s’effectue par un travail incessant sur la langue, sur la phrase. En effet, chez Céline, le temps n’est pas perdu puis retrouvé comme chez Proust, avec toute la rumination, métaphorisation que cette perte engage. Céline ne perd pas de temps. Le retour au « temps jadis » s’opère à partir d’un présent que le récit ne cesse pas de vouloir rattraper. Racontant au présent les péripéties qui l’ont conduit là où il est, d’où il nous « parle » et où il s’attend lui-même, en quelque sorte, Céline fait de cette parole l’événement même de la lecture. « Le lecteur qui me lit! il lui semble, il en jurerait, que quelqu’un lui lit dans la tête!… dans sa propre tête!… […] Pas simplement à son oreille!… non!… dans l’intimité de ses nerfs! en plein dans son système nerveux (12)! » Lancé dans les souvenirs recomposés de ses aventures, il invente ainsi un art soutenu de la digression qui transcende la durée et crée un « espace-verbe (13) » qui est scansion, rythme, répétition, ressassement, motion, c’est-à-dire émotion : forme chronique de l’énonciation. Le présent d’où ça s’écrit est le pôle d’aimantation du passé déployé comme cause. C’est dire l’impératif de ce franchissement qui pourtant ne cesse de s’éterniser dans le « rendu », l’effort qu’il exige et les acrobaties qu’il suscite. Effets sonores : bruits de corps, de chute, de bombe, d’écrasement, de déchirure, d’éclatement; musique d’ambiance : chansons, gémissements, cris, hurlements, ronronnements, glouglous; décors : projections, éclairages, illusions, cadrages, gros plans, apparitions, vues panoramiques, perspectives intimes, éblouissements, hallucinations. Quoi qu’il en soit : délire, puisque la causalité qu’il s’agit de reconstruire n’est pas celle du Logos mais celle du chaos où nous sommes plongés. Je dis « nous ». Céline, lui, dit « je », mais c’est pour nous mettre dans l’oreille la secousse de notre participation à l’histoire dont il est, lui, l’effet, c’est-à-dire aussi le chroniqueur. C’est pour cette raison que ce « je » à vif ne doit jamais nous lâcher, qu’il nous interpelle en direct : pour nous faire entendre l’inouï. Travail de Sisyphe, car nous sommes pour ainsi dire encaqués, comme les locataires de l’immeuble précipités par les bombes et le poids de Normance sous la table au fond de la loge de la concierge : aveugles et sourds (14). « Il n’est pires sourds que ceux qui ne veulent pas entendre, ayez pas peur de ressasser », affirme le chroniqueur d’Un château l’autre. Il est vrai que ce que Céline ressasse, c’est sa plainte et ses récriminations. Justement, prenons-le aux mots, écoutons-le. Car cette plainte que l’on dit souvent omniprésente et insupportable, il faudrait en saisir le statut. Céline ne pleure pas sur son sort, loin s’en faut. Il porte plainte devant l’absolu qu’il appelle la Vérité, contre les idéaux de pacotille qu’il ne cessera jamais de dénoncer (15).

Féerie pour une autre fois a été écrit en deux temps, en deux livres, mais retrouve aujourd’hui, grâce à l’édition Folio, son unité incontestable. Récit d’une fin du monde rejouée après coup, « pour une autre fois », depuis la prison danoise — qui est le lieu premier de la mémoire où la vision se projette au présent de l’enfermement —, depuis l’exil au bord de la Mer du Nord, aussi, et puis depuis Paris, pour le second livre, retour d’exil après sept ans de procès enfin conclu par un non-lieu16. C’est le premier roman du condamné. Celui qui reprend la plume a crevé la poche narcissique de sa signature par excès d’exposition et théâtralisation d’une idée fixe dont on dira plus loin de quelle matière elle est faite. Féerie est donc le roman de l’après-coup, celui d’un « je » devenu immonde, et condamné à l’exil. Ce « je » coïncide d’ailleurs avec le nom de Céline depuis le passage par les pamphlets qui a occasionné quelque chose comme la saisie d’une fictionnalisation « radicale ». Cette écriture d’outre-là, pour reprendre l’expression chère à Céline, d’abord hallucinée sur les murs suintants de la prison de Copenhague, reprend dans une sorte de présent perpétuel les dernières heures du condamné poursuivi par l’Épuration; c’est la chronique in actu du Déluge, celui des bombes lancées sur Paris par les Alliés en 4417, qui constitue le point de départ de l’aventure qui a conduit Céline là où il est, et nous avec lui. Le présent de l’écriture est à lui seul une sorte d’expulsion brutale hors de la chronologie devenue factice et trompeuse en cette Époque de fureur. « L’Époque est généreuse en rien, sauf en étals, brûleries, penderies, c’est rare que vous trouverez pas quelque chose. » (p. 57) L’Époque est à la haine et la haine est à la mode. Mais pour le Traître, l’Ennemi radical qu’est devenu Céline, la haine est une vérité de l’Espèce qu’il s’agit de dévoiler; ce qui donne le ton au genre de plaidoyer singulier qui s’ouvre ici. Il s’agit de faire entendre l’inouï, pour ne pas dire l’inaudible; il s’agit de se mettre au diapason de l’affaire. Le roman n’est donc plus le récit d’un Voyage ni celui d’une enfance à crédit. Nous sommes passésde l’autre côté du temps, nous sommes dans la trame réversible d’un présent toujours en cours; la mémoire est une question d’actualité, de saisie sur le vif. Il faut se mettre en condition et livrer à la foule affamée le corps malade et couvert des stigmates de l’Histoire. Tout sauf la viande qu’elle attend, qu’elle espère, qu’elle réclame. Viande flasque et cloacale dont la fiction va, à rebours de l’attente, produire la voix — légère, chantante —, pour mieux dérober à la dévoration universelle la livre de chair.

« Voici Clémence Arlon ». Ce sont les premiers mots du premier livre de Féerie, au présent indéfini et pourtant définitif. Les pamphlets ont été publiés, lus, vendus au-delà de toute espérance, certains réédités. Le docteur Destouches alias Céline alias Ferdinand alias Louis (18) est cerné, dans son appartement de Montmartre, au 7e étage, par la France tout entière qui se réveille, au lendemain d’une collaboration instituée, acharnée à se refaire une innocence. Cette amie, Clémence, vient en visite avec son fils pour voir de près le traître dont la Bibici (BBC) annonce qu’il sera le premier à finir en pièces. 

Clémence Arlon me regarde de biais… c’est l’époque… Elle aurait dix… douze… quinze fils… qu’ils biaiseraient de la même façon ! Je suis entendu le notoire vendu traître félon qu’on va assassiner, demain… après-demain… dans huit jours… Ça les fascine de biais le traître… (p. 23-24)

Le présent quant à lui est frontal, principe de révélation : « vous êtes là avec moi, là-haut, au septième, vue sur les jardins… ma table… Clémence… ma petite histoire… son fils… mon pillage qui venait » (p. 46). Il faut entendre ce présent… à l’imparfait, cette apparition du souvenir qui est en quelque sorte un surgissement : voilà ! Regardez ! C’était tel que vous le voyez là, tel que je vous le dis, vous l’écris. La féerie est un ensorcellement, une projection dans l’espace, une manière d’écrire l’Histoire avec « ma petite histoire » qui se trouve précisément, par un point de perspective inédit, proposer une vue imprenable sur la grande. Céline est le point de mire, le signataire public à partir duquel toute la France peut retourner sa doublure, une sorte de trou, de centre-mort — c’est-à-dire un homme à tuer — pour inverser l’Histoire, retourner sa peau. Tous les regards se tournent, se tordent, louchent, biaisent, « je les fascine d’angle » (p. 29), et l’écriture de Céline est emportée par cette diagonale du fou dans une justification qui ira bien au-delà d’elle-même puisque le corps réclamé à grands cris par les justiciers de la dernière heure leur sera rendu à la juste mesure de l’idéal de l’Époque : non pas le corps sanglant du condamné — Céline fuit à temps pour éviter l’assassinat — mais le corps transfiguré de l’Expulsé. À la meute, Céline va offrir un corps fictif et pourtant bien réel, incorporé à la lettre de ses derniers romans qui commencent avec Féerie, corps écrit, mis à vif par ses accusateurs mêmes. « C’est bizarre de se sentir l’ennemi… chez soi ! c’est atroce… c’est incroyable… Je passais m’assurer que c’était vrai… que j’avais partout des guetteurs… ils me voyaient ils se tripotaient. » (p. 112) Il y a là comme une jouissance qui s’organise, voilà l’affaire, la seule, dont il faut se faire, de toute urgence, le chroniqueur intarissable. Le corps que Céline va rendre est un corps-Temps, celui d’une jouissance dont on devra, ici, tenter de saisir les résonances les plus intimes et les plus inavouables — corps célinien donné à dévorer pour une eucharistie sans rédemption. 

J’en ai connu au moins douze, des vierges merveilleuses et musclées, et des apollons de lycée qui voulaient m’avoir à l’extase, que je leur fasse toutes les privautés, la veille qu’on m’assasse ! J’en aurais trouvé plus d’un mille si j’avais passé une annonce… ainsi va le monde, ses hurrahs. […] Dix millions d’affamés qui vous hument à travers les murs ! (p.40)

C’est de Révélation qu’il s’agit, et celle-ci passe par le premier rouage de la machine à écrire le Temps : le ressassement. Ressassement lié à l’explosion orchestrée du discours, et dont la rationalité repose sur la capture du corps, justement, de la voix. Car la jouissance qui occupe l’Époque ne peut s’entendre dans les discours qui, par définition, la couvrent, la nient, l’ignorent, la méconnaissent. « L’intérêt des êtres est atroce c’est la mort en vous qu’ils viennent voir… […] Voilà ce que c’est d’être proche pendu. Ça fonce vous humer… » (p. 30-31). Il faut donc rendre le corps à son halètement de traqué, à sa fracture et à sa discontinuité, à sa masse et à son écroulement de chose bombardée puis jetée. La phrase célinienne ne sera plus pensable en termes de rhétorique, mais en termes de ruines : débris, fragments, magmas organisés tel le tohu-bohu en une Voix qui est le point géométral de la vision. Tout, ici, doit passer par l’oreille, la vision en découle. Dans cette logique musicale, le ressassement est un ostinato, une cellule sujette aux déploiements, à l’expansion et aux variations.

Le temps n’est rien mais les souvenirs

Je vous l’écris de partout par le fait ! de Montmartre chez moi! du fond de ma prison baltave! et en même temps du bord de la mer, de notre cahute ! Confusion des lieux, des temps! Merde! C’est la féerie vous comprenez… Féerie c’est ça… l’avenir ! Passé! Faux! Vrai! Fatigue ! (p. 36)

L’écriture célinienne, et cela depuis Voyage, se soutient d’une condition d’énonciation impérative : la maladie, la fièvre, les visions, le vertige, l’impotence, le corps « mutilé 75% »; corps réduit à son acuité la plus intense, celle qu’occasionne le délire (19). Avec Féerie, le temps de l’énonciation en vient à couvrir le récit, l’invagine, et la chronique qui s’achèvera avec les derniers mots de Rigodon exhibe le vif du sujet. La vision de l’Histoire n’est pas une rationalisation des faits, elle est une hallucination de sa causalité : jouissance de mort. Les romans de Céline ne parlent que de ça, mais il s’agit de le faire entendre, de le faire éprouver, de l’actualiser en langue. Travail sur la matière qui doit « prendre » cette jouissance dans sa scansion, l’emporter au delà du discours, l’arracher à la phrase dans la phrase. On ne se met pas impunément au service de cette vérité : il faut, dit Céline au Professeur Y, être un peu plus qu’un petit peu mort, ce qui a l’avantage de vous rendre rigolo.



Anne Élaine CLICHE, « Féerie pour un temps sans mesure. Louis-Ferdinand Céline chroniqueur du désastre », Jean-François Chassay, Anne Élaine Cliche et Bertrand Gervais [éd.], Des fins et des temps. Les limites de l’imaginaire, Université du Québec à Montréal, Figura , Centre de recherche sur le texte et l’imaginaire, coll. « Figura », nº 12, 2005, p. 59-113. 


Notes
1 - Louis-Ferdinand Céline, Lettres à la NRF 1931-1961, Paris, Gallimard, 1991, lettre du 16 janvier 1950.
2 - Louis-Ferdinand Céline, Mort à crédit, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 2002, p. 29-30.
3 - Proust, qui n’avait lui non plus rien à envier aux théologiens, mesurait quant à lui le temps par transsubstantiation et résurrection, ce qui est une autre manière de dire que le Verbe est l’opérateur premier de la physique de l’espèce. Le rapport de Céline à Proust est, sur ce plan, on ne peut plus direct.
4 - Ibid.
5 - Id., Rigodon, Paris, Gallimard, coll. « Folio », p. 299.
6 - Id., Féerie pour une autre fois, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1995, p. 83. Désormais, les références à ce texte seront indiquées entre parenthèses suite à la citation.
7 - Lettre à Lucienne Desforges [26 août 1935], Cahiers Céline 5, Lettres à des amies, Paris, Gallimard, 1979, p. 262-263. Céline est en train de rédiger Mort à crédit.
8 - Id., Entretiens avec le professeur Y, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1955 (1983). Après le four auquel a donné lieu la sortie en France de Féerie I en 1952, Céline, en train d’écrire Féerie II, annonce à Claude Gallimard qu’il veut s’occuper lui-même de la promotion de son prochain livre. Les Entretiens naîtront de ce projet. Le second volume de Féerie paraît le 10 juin 1954 en même temps que les Entretiens qui reprennent la poétique de Céline, comme sa critique du lecteur et de la librairie, déjà longuement élaborées dans Bagatelles pour un massacre en 1937. Les Entretiens sont donc publiés en cinq livraisons dans la NRF de juin 54 à avril 55.
9 - L’entretien conduit le professeur Y à l’incontinence, qui oblige Céline à inventer, pour la foule de curieux en transe que la scène attire, une identité à son interlocuteur : ancien combattant de 14 trépané qui ne sait plus ce qu’il dit. La traversée de Paris en taxi, ponctuée d’arrêts, en direction de chez Gallimard est une aventure folle : le professeur se jette dans une fontaine pour boire, réclame des fleurs pour Gaston, se lance, déchaîné, au bistrot, où il s’enivre devant Céline qui fait croire aux badauds qu’il s’agit d’un mariage. Le professeur ex-colonel, tombé dans un sommeil éthylique, est enfin déposé sur les dalles du hall des bureaux de la rue Sébastien-Bottin, couvert de fleurs comme une dépouille et enveloppé d’une couverture comme un poupon. Le parcours est complet, et Céline rentre chez lui rédiger ce qu’on vient de lire, refusant de laisser la publication de son entretien tourner en calomnie entre les mains de cet ivrogne.
10 - Ibid., p. 30.
11 - Louis-Ferdinand Céline vous parle. La transcription de cet enregistrement fait partie de : Louis-Ferdinand Céline, Appendices, Oeuvres complètes tome II, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1974, p. 934.
12 - Louis-Ferdinand Céline, Entretiens avec le professeur Y, p. 99.
13 - J’emprunte cette très juste expression à Marc Hanrez dans son article « Le massacre de la Saint-Bagatelles », L’Infini, n° 92, Été 1982, p. 66-76.
14 - « Brrroum! Brrroum! ça serait que des brrroum mon récit si je me laissais ahurir… mais non ! mais non !… les détails ! des exactitudes ! je vous égare pas dans les broum !… tous ces emmêlés sous la table, viandes la trouille, voient plus rien, comprennent plus rien… le vrai péril : dalle! […] J’annonce !… Je guette !… c’est mon rôle !… (p. 331 et p. 399)
15 - Voir à ce sujet la lecture de Serge André dans L’Imposture perverse, Paris, Seuil, 1993, qui analyse le « cas » Céline d’un point de vue psychanalytique. L’analyse est remarquable mais « oublie », si je puis dire, la transmission propre à l’art célinien pour ne retenir — de manière fort éclairante, toutefois — que la perversion du sujet.
16 - Pour les détails du procès, voir François Gibault, Céline, vol 3. « 1944-1961 Cavalier de l’Apocalypse », Paris, Mercure de France,1985. Où l’on constate que l’accusé a eu finalement de la chance; son exil, le temps puis ses avocats l’ayant dispensé d’un paiement et d’une condamnation dont il se chargera d’ailleurs lui-même à sa manière.
17 - Dans la nuit du 21 au 22 avril 1944 eut lieu sur Paris le plus spectaculaire et le plus meurtrier des bombardements que la ville ait eu à subir pendant la Seconde Guerre mondiale. Voir Henri Michel, Paris allemand, Paris, Albin Michel, 1981, p. 242-243.
18 - Dans Féerie, on trouve tous les noms de l’écrivain : Céline, « mon nom immonde », Louis, « mon nom intime », Destouches, le médecin attaché à son diplôme et Ferdinand ou Ferdine, le pote de Montmartre, le personnage d’avant les pamphlets. Le nom de Céline apparaît en effet pour la première fois associé au « je » de Bagatelles pour un massacre et des autres pamphlets, produisant une modification qui ne vise pas seulement l’identification entre l’écrivain et le narrateur mais peut-être surtout, et par la voie de cette identification, une fictionnalisation de l’auteur qui est l’invention même du « je » célinien dont je parlerai plus loin.
19 - Engagé au 12e cuirassier en 1912-1913, Louis-Ferdinand Destouches est blessé dans les Flandres le 27 octobre 1914 au retour d’une mission de liaison pour laquelle il s’était porté volontaire. Blessé au bras droit par une balle, il est aussi jeté à bas de son cheval par l’explosion d’un obus dont la puissance de déflagration sera la cause d’un violent traumatisme à partir duquel Céline construira l’histoire d’une trépanation (fictive), mais qui sera à l’origine de nombreuses hallucinations auditives et de vertiges qui deviendront, dans l’oeuvre, les conditions mêmes du style. Après quelques mois de convalescence, il est réformé et se voit octroyé un taux d’invalidité de 70%.

jeudi 24 mai 2012

Ça suffit comme boulot pour une vie tout entière...

Illustration de Loïk Rocques
La grande défaite, en tout, c’est d’oublier, et surtout ce qui vous a fait crever, et de crever sans comprendre jamais jusqu’à quel point les hommes sont des vaches. Quand on sera au bord du trou faudra pas faire les malins nous autres, mais faudra pas oublier non plus, faudra raconter tout sans changer un mot, de ce qu’on a vu de plus vicieux chez les hommes et puis poser sa chique et puis descendre. Ça suffit comme boulot pour une vie tout entière. 

Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, 1932.

mercredi 23 mai 2012

Ils ont connu Céline : Arletty

Celine et Arletty à Meudon, le 14 avril 1958
Comment avez-vous connu Céline ? 
Chez des amis, qui un jour m'ont dit : vous allez avoir une surprise... mais je ne m'attendais pas du tout à voir Céline, pas du tout. Ils savaient, mes amis, l'admiration que j'avais pour lui.

Qui datait de quand, l'admiration ? 
Je n'ai pas admiré quelqu'un, écrivain, comme j'admire Céline ; ça, Céline pour moi, c'est très vache peut-être, c'est possible, et c'est peut-être injuste ; mais je dis : il y a Céline, et les autres... et très loin les autres...

Même Marcel Aymé est loin derrière ?
C'est un original, c'est tout à fait différent. Il est hors série. Hors série, c'est ça; mais moi je ne suis pas juge, je ne suis rien du tout... un choix, voilà... c'est notre droit...

Et le Voyage au bout de la nuit, vous l'avez lu avec passion ? 
Dès qu'il est sorti, avec passion. 

De quoi avez-vous parlé avec Céline, la première fois ?
On a surtout parlé de Courbevoie : oui, puisque nous sommes tous les deux de Courbevoie ; c'était touchant comme rencontre, oui, parce que lui aussi avait une espèce de curiosité, comme ça... [...]

Lui parlait de livres; il parlait de politique ? 
Oui. Quand son procès est venu (je crois que c'est paru dans je ne sais quoi). J'ai un ami qui a le papier que moi j'ai écrit au juge d'instruction ; que moi, j'ai été dans des situations avec l'occupant ; moi oui, mais pas Céline, je le garantis : lui, jamais. L'homme valait qu'on fasse ça pour lui, l'homme valait qu'on dise ça. Moi, on peut dire tout, c'est possible, mais pas lui, c'est pas possible, et c'est pas vrai.

Quand il est revenu, alors vous l'avez vu tout de suite ? 
Alors je l'ai vu quand il a été à Meudon, tout de suite. Oui, il m'a fait dire de venir ; j'ai fait la connaissance de Lucette que je ne connaissais pas. Quand il est venu me dire : vous avez des coqs ? Je ne connaissais pas Lucette, j'en avais entendu parler, mais je ne la connaissais pas.

Comment était-il ? Fatigué, amer... ?
Ah oui, c'était un autre homme, avec une abdication vestimentaire, un renoncement, c'est ça, un renoncement ! Il avait renoncé à quelque chose, à la parade...

Différent de ce que vous l'aviez connu ? 
Je ne vous dirai pas que c'était Brummell, non, et d'abord il était très grand, très bien balancé, très beau, très joli de visage, des yeux merveilleux, un regard extraordinaire, il était très bien... on ne peut pas dire que c'était Brummell ; c'était un homme normal, quoi... peut-être une certaine élégance, oui peut-être... quand je l'avais vu...

Et là, après ?
Il était tassé... oui, presque voûté... oui, voûté, oui, les cheveux longs, oui, il y avait un renoncement dans ce sens-là, mais pas autrement.

Vous alliez souvent chez lui ?
Très souvent ; moi j'attendais qu'il me dise de venir..., je ne cours pas après comme dit l'autre... j'attendais qu'il m'appelle ; alors quand il avait un moment c'est lui qui me disait de venir ; et puis après il m'a demandé de faire le disque, j'ai tout de suite voulu faire, tout de suite, tout de suite, bien sûr.

Michel Simon, Céline et Arletty lors d'une écoute
Quel disque ?
Un disque que j'aime beaucoup, le certificat d'études de Mort à crédit. Oui, j'ai lu deux fois des textes de lui! mais tout de suite, je lui ai dit tout de suite! Personne ne faisait des choses de... lui à cette époque-là. Michel Simon a lu l'ouverture du Voyage, vous savez... Il faisait ça sur le même disque que moi, nous étions ensemble ; puis lui, Céline, était là ; il était content ce jour-là, très content ; ça lui faisait comme un petit retour; il avait de ces petites joies ; cet homme-là, au fond, était pudique et c'était surtout un timide... Par exemple, il mangeait très peu, très peu ; il le dit d'ailleurs dans ce disque, ça ne compte pas, ça ne comptait pas... je ne l'ai jamais vu à table cet homme-là, il prenait un morceau de pain, un biscuit, un peu de miel, il ne s'en apercevait pas, il ne mangeait même pas devant vous, il était d'une grande pudeur. Puis, alors là, naturellement on entendait à Meudon le va-et-vient des petites élèves qui dansaient, toujours... toujours; en somme, pour un homme qui avait les oreilles un peu fatiguées, il entendait toujours les mêmes exercices parce que les exercices de danse c'est au fond sur le même thème, ça devait lui faire une espèce de musique...

ARLETTY
La Défense, La Table ronde, 1971. (rééd. Ramsay coll. Poche cinéma, 2007)
Commande possible sur Amazon.


Sur le sujet :

vendredi 18 mai 2012

Les Entretiens du Petit Célinien (V) : Nicole DEBRIE

Nicole Debrie lors des Journées céliniennes de Puget-su-Argens (2009)
Née en 1928, Nicole Debrie est la première, avec Marc Hanrez, à avoir publié une étude sur Louis-Ferdinand Céline. Psychanalyste, essayiste, poète, elle est membre de la Société des Etudes céliniennes depuis 1979.

Vous avez écrit trois livres sur Céline, je crois…
Oui…

Est-ce que vous pourriez nous les présenter rapidement ?
Oui. J’ai écrit un premier livre sur Céline qui est sorti en 61, l’année de la mort de Céline. Et j’avais été voir Céline d’ailleurs pour lui dire que j’avais l’intention de parler de sa poésie, et c’est ce qui lui avait plu, vraiment ça lui plaisait, ça lui plaisait beaucoup. Et j’étais tellement pétrifiée d’admiration que je ne parlais pas, c’est lui qui me posait des questions, il voulait savoir ce que je lisais. Enfin, il était tout à fait charmant. Et son perroquet est venu me… s’est mis à ramper par terre pour me mordre la botte… (rires) Toto ! (rires) Donc j’ai fait ce premier livre et… Marcel Aymé, qui était un ami de Céline, et qui a aimé mon livre, m’a fait une préface. Il a fait une très gentille préface. Et il était quand même… Il avait pas… C’est pas quelqu’un qui fait des préfaces à tire-larigot, Marcel Aymé. Je lui ai demandé après si il voulait me préfacer mes poèmes, parce que j’écris des poèmes… Et je les auto-édite aussi. Mais il m’a dit : « Écrivez votre préface et je la signerais. » Alors là, j’étais pas d’accord du tout ! (rires) Donc ce premier livre, je l’ai fait en 61… Oui, en 61. Ensuite, comme je faisais des études de psycho… Je suis licenciée de philo, j’ai fait une licence de psycho et je pratiquais la psychanalyse... J’ai écrit un livre sur Céline et les résonances psychanalytiques dans son œuvre, qui est ce gros livre bleu, qui est en quelque sorte ma thèse… Que je voudrais… J’aurais dû l’alléger mais j’avais un tas d’ennuis personnels à l’époque et j’aurais dû bien l’alléger et garder que l’essentiel. C’est sorti en… Je ne m’en rappelle plus… C’est sorti en 90, quelque chose comme ça… En 90. Ensuite, j’ai trouvé que vraiment l’actualité reflétait toutes les critiques de Céline, autant ses critiques littéraires... Parce que dans Bagatelles, il y va pas de main morte contre les gens qui écrivent sans avoir le besoin d’écrire, sans avoir d’inspiration… Le commerce qui envahit tout !... Moi, j’appelle mon quartier Sainte Frusque… (rires) C’est le quartier de Sainte Frusque ! Donc j’ai fait ce troisième livre pour mettre en évidence tout ce qui était en jeu, c’est à dire la poésie, et l’authenticité, l’authenticité dans… Tout ce qui était en jeu, dans ce troisième livre, sur Céline, et sur ses pamphlets, sur tous ses pamphlets. Parce que dans le premier, qui est Mea culpa, qu’il écrit en rentrant d’URSS où il a été voir si les prolos avaient les mêmes chaussures que les patrons… (rires) En rentrant d’URSS, il fait un petit bijou... Mea culpa, c’est un bijou ! En disant : « Le peuple est roi !... Le roi la saute ! il n’a pas de chemise. » Enfin, un pamphlet merveilleux qui s’appelle Mea culpa. Ensuite il a fait ce deuxième pamphlet, qui est Bagatelles… qui est un pamphlet à la fois contre la guerre et contre les juifs qui poussent à la guerre… Et aussi il y a plein de choses dedans, c’est… Il y a tout ce qu’on veut dans Bagatelles pour un massacre

 
Vous trouvez plus de poésie dans les pamphlets que dans les romans ?
Ah non ! J’ai pas parlé des romans, c’est vrai… Non, le roman est un grand poème. Voyage au bout de la nuit, c’est un poème continu… Continu. Avec ce sens de l’intériorité qu’avait Céline. Il fait parler l’homme intérieur, hein… Et il dit : « Je voudrais que le lecteur ait l’impression qu’on lui parle à l’oreille… » Et c’est bien ça. Y’a aucune distance entre ce qu’on lit… Le Voyage qu’on lit, hein, y a pas de distance, on l’assimile, on y est… Comme pour toute poésie d’ailleurs réussie, hein… C’est pour ça qu’il touche, il touche n’importe qui d’ailleurs… Céline touche n’importe quelle classe de la société, des gens très modestes, des gens pas cultivés… Ils trouvent du plaisir à lire Céline… Y a pas de ça… Et Mort à crédit… Y a plusieurs romans dans Mort à crédit… Il y en a au moins quatre de romans dans Mort à crédit… Qui est aussi une satire de la famille... Enfin…

Comment vous jugez les romans d’après guerre, à partir de D’un château l’autre ou Féerie ?...
Oui, alors là, je dois dire qu’il y a une grosse différence entre Voyage au bout de la nuit, Mort à crédit et les romans d’après guerre, parce que… Céline, à un moment donné, dit : « Comment j’écris ? Je dis “Ah !” à l’entrée de la grotte, et ça me répond. » Voyage et Mort à crédit ont été en quelque sorte dictés. Enfin, il a eu du mal à recueillir ce qui lui était dicté intérieurement, mais c’était dicté. Après, ce sont des chroniques. Ça n’a rien à voir. Avec de temps en temps, et très souvent, des passages de poèmes en prose… Comme quand il dit : « Dans quelques années... » Alors ça c’est formidable ! « …il y aura plus un Céline, il y en en aura des douzaines, ils m’auront volé la carte d’identité, ils en auront fabriqué cinquante, et il y aura cinquante Céline !… » (rires) C’est dans Nord d’ailleurs ça, c’est dans Nord. Mais ce sont des chroniques. Alors, c’est pas pareil.

Ça vous touche moins cette écriture là ?...
Ça touche moins, oui. Ah oui, c’est pas pareil !… C’est pas du tout pareil.

Et ça touche moins le public que Voyage au bout de la nuit, notamment ?
Ah oui !

Qui est plus universel, peut-être…
Ah oui ! Voyage au bout de la nuit… On le compare quelque fois à Proust, Céline. Enfin… Je veux dire qu’on… On les compare pas mais on dit toujours : les meilleurs, c’est Céline et Proust. Mais je trouve tout de même que Proust est quand même réduit à un milieu. Un milieu... Y a des choses merveilleuses dans Proust. Il y a un comique extraordinaire aussi, très très drôle. Mais c’est quand même limité à un milieu. Tandis que Céline, c’est universel, hein… Moi, c’est la différence que je vois entre Proust et Céline. Céline est universel et Proust est quand même limité à un milieu.

Il est universel mais dans toutes ses œuvres, Céline ?

Parce qu’on a l’impression quand même que le Voyage au bout de la nuit est beaucoup plus lu que ses autres œuvres...
Oui, certainement. D’ailleurs, c’est quand même son chef d’œuvre, hein… C’est son chef d’œuvre… Avec Mort à crédit aussi, hein… C’est son chef d’œuvre. C’est ses deux chefs d’œuvre. Mais après y a quand même des choses extraordinaires. Dans Féerie pour une autre fois, y a des poèmes en prose. Mais c’est pas pareil… Ça sortait de lui. Je dis : « Je fais “Oh !” et ça répond ». Et il s’était enfermé pour écrire le Voyage. Il s’est enfermé et il a travaillé. (rires) Voilà… Et je voulais ajouter que j’avais été très intéressée par Céline aussi parce que j’ai fait de la danse, jusqu’à vingt ans, et je me suis coupé les extenseurs (rires) du pied droit, ce qui m’a coupé dans mes ambitions de danseuse. (rires)

Est-ce que vous avez travaillé sur la méthode de madame Almanzor ?
Un peu. J’ai fait un petit livret, que je n’ai plus, parce que je… Je ne sais pas… Elle l’a distribué. Lucette, c’est ça.

Qu’est-ce que cette technique avait de particulier ?
Ah !... C’était la fleur qui s’ouvre. (rires) C’était… (rires) C’était un peu naïf. Un petit peu naïf… Et j’aimais beaucoup Lucette, et j’aimais beaucoup y aller… La première fois que j’y suis allée, comme c’était très tard dans la journée, j’ai dormi chez elle. (rires) Elle m’a dit : « N’allez pas prendre le train, là-haut, à Meudon. » Donc, j’ai dormi chez elle. Et j’avais de très bons rapports avec Lucette. Maintenant, ils sont pas bons.

Pour quelle raison, si ce n’est pas trop indiscret ?
Je ne sais pas… Ça doit être à cause de Gibault. (rires)
 
Ah !
Enfin, ils sont pas mauvais, mais j’en ai pas, quoi, j’en ai pas…La dernière fois qu’on a été la voir, on était très content, on la vue. Elle est couchée, elle ne se lève pas, elle ne se lève pas du tout… Et… On a été content de la voir, et elle aussi a été très contente de nous voir. Bon… Ça s’est bien terminé. Elle peut durer longtemps comme ça… Sans bouger... Elle ne se lève pas.

Je voudrais revenir sur la psychanalyse… Céline s’est intéressé à la psychanalyse…
Beaucoup.

… notamment lors de ses voyages à Vienne.
Oui.

Vous pensez qu’il s’en est servi, dans son œuvre, de cet intérêt pour la psychanalyse ?

Des échos, peut-être ?
Peut-être, oui… S’il s’en est servi ?... Je ne pense pas qu’il s’en soit servi. Non. Non, je ne pense pas. Mais il était très intéressé par la psychanalyse.

Par l’inconscient ?
Par l’inconscient, oui. Je cherche une citation qui doit parler de l’inconscient qui est un tyran. Oh ! Je ne sais plus… Ça ne me vient pas… (pages tournées)

Céline parle beaucoup de danse et de musique…
Oui. Il parle de danse. Et… Comme il aimait la danse, il a transmuté son amour de la danse dans son écriture. Et, en particulier, y a des ballets. Y a des ballets dans l’œuvre de Céline. Dans le Voyage au bout de la nuit, vous avez la nourriture qui arrive aux armées. Elle est décrite… C’est une danse. J’avais sélectionné des passages qui étaient vraiment des ballets. (pages tournées) Je suis à vous tout de suite… Parce qu’ils sont trop jolis ceux-là… (pages tournées)

Ce sont donc des extraits tirés de votre ouvrage ?
C’est ça. Par exemple : les objets. Les objets les plus modestes ont leurs mouvements, hein, ont cette espèce de danse. Quand il parle de la… « Elle arrivait aux lignes d’avant-garde la nourriture, honteusement rampante et lourde, en longs cortèges boiteux de carrioles précaires, gonflées de viande, de prisonniers, de blessés, d’avoine, de riz et de gendarmes, et de pinard aussi, en bombonnes le pinard, qui rappellent si bien la gaudriole, cahotantes et pansues. » Vous voyez cette phrase pour décrire la nourriture qui était amenée aux armées, aux soldats ! C’est vraiment une danse. Y a une autre danse. Y a les plaignants noirs, dans Voyage, quand il est en Afrique : « Justiciables et simple public debout, mêlés dans le même cercle, tous sentant fortement l’ail, le santal, le beurre tourné, la sueur safranée. Tous ces êtres semblaient tenir avant tout à s’agiter frénétiquement dans le fictif ; ils fracassaient autour d’eux un idiome de castagnettes en brandissant au dessus de leurs têtes des mains crispées dans un vent d’arguments. » Un vent d’arguments... C’est extraordinaire, hein !? C’est… On les voit, on les sent, on les entend, même on les sent puisqu’il donne l’odeur, hein... Et y avait aussi… Même dans Bagatelles vous avez la danse du vent sur l’eau et la pierre, dans la description de Leningrad, sur la Neva. Alors je cite Céline : « Elle tient toute la ville dans sa main la mer !... diaphane, fantastique, tendue… à bout de bras… tout le long des rives… toute la ville, un bras de force… des palais… encore des palais… Rectangles durs… à coupoles… marbres… énormes bijoux durs… au bord de l’eau blême… A gauche, un petit canal tout noir… qui se jette là… contre le colosse de l’Amirauté, doré sur tranches… chargé d’une Renommée, miroitante, tout en or… Quelle trompette ! en plein mur… Que voici de majesté !... Quel fantasque géant ? Quel théâtre pour cyclopes ?... cent décors échelonnés, tous plus grandioses… vers la mer… Mais il se glisse, piaule, pirouette une brise traître… » Voyez, la danse, hein… « une brise de coulisse, grise, sournoise, si triste le long du quai… une brise d’hiver en plein été… L’eau frise au rebord, se trouble, frissonne entre les pierres… Plus loin, d’autres passerelles frêles, “à soupirs”, entre les crevasses de l’énorme Palais Catherine… puis implacable au ras de l’eau… d’une seule portée terrible… le garrot de la Neva… » Voilà. Voyez, c’est toujours de la danse, hein, mais une danse qui passe, à la fois dans les mots, dans les phrases et dans les images. Alors, évidemment... Et Céline dit une fois qu’il a regretté le plus, c’était de ne pas être musicien. Parce qu’il lui semblait que c’était plus direct. On arrivait à la musique plus directement.

La danse, c’est aussi la recherche de légèreté. On retrouve ça dans l’éclatement de la phrase chez Céline…
Oui ! La recherche de la légèreté : « Ils étaient lourds ! » Sa grande critique de ses contemporains : « Ils étaient lourds ! » (rires) « Un tiroir-caisse ! Gling ! Gling ! » Et voilà : « Ils étaient lourds ! » (rires) Voilà.
Et bien c’est fini... (rires) C’est fini. (rires)

Propos recueillis par Matthias GADRET et Emeric CIAN-GRANGÉ,
Le 14 octobre 2011, au domicile de Madame Nicole Debrie.
Transcription Emeric Cian-Grangé.
Le Petit Célinien, 18 mai 2012.
BIBLIOGRAPHIE
Études
Montherlant : l'Art et l'Amour, Ed. Emmanuel Vitte, 1960. Céline, Ed. Emmanuel Vitte, 1961. Préface de Marcel Aymé. (réédition en 1982, puis en 1995 aux éditions du Trident)
Il était une fois Céline. Les intuitions psychanalytiques dans l'oeuvre célinienne, Aubier, 1990.
Quand la mort est en colère. L'enjeu esthétique des pamphlets céliniens, Ed. Debrie, 1997.  

Communications
« Céline et Dostoïevski », IXè colloque L.-F. Céline, Paris, 1992. « Le lyrisle de Céline ou la quête du poétique dans le prosaïque », Xè colloque L.-F. Céline, Paris, 1994. « L'enjeu esthétique de Bagatelles pour un massacre », XIè colloque L.-F. Céline, Paris, 1996. « Céline et Zola », XIIè colloque L.-F. Céline, Paris, 1998. « Céline et l'individuation », Journées céliniennes, Puget-sur-Argens, 12, 13 et 14 juin 2009.  

Poèmes 
Reliques, Ed. Debrie.

Vente aux enchères du 16 mai 2012 - les résultats

Voici les résultats de la vente aux enchères du 16 mai 2012. Tous les détails et le catalogue de la vente ici. Les prix sont indiqués frais et taxes compris.

> Manuscrit inédit de 4 pages « La vigne au vin » : 8 366 €

> L.a.s au Docteur Blouët, sur Gallimard : 3 604 €

> Important dossier judiciaire de Céline (1948-1955) : 15 444 €

Théâtre : Dieu qu'ils étaient lourds !... le 18 mars 2012 à Boulogne (Nord)

Présentée en 2007 à Boulogne-sur-mer, la pièce « Dieu qu'ils étaient lourds !..., consacrée à Louis Ferdinand Céline, sera rejouée ce soir aux Pipots. Le point avec le metteur en scène, Ludovic Longelin, que l'on retrouvera sur scène au côté de Marc-Henri Lamande.

Quel drôle de titre ! 
C'est une phrase de Céline. On lui avait demandé les derniers mots qu'il aimerait dire avant de mourir. Il parlait des hommes... 
Quel est le propos de la pièce ? 
 Le texte est une adaptation des entretiens de Céline avec quatre grands journalistes en 1955, à un moment où sa littérature se vendait un peu moins, après la guerre, car il avait eu des positions antisémites. Il avait écrit deux pamphlets lamentables avant la guerre...
La pièce parle de littérature...
Céline explique son travail de création, d'écriture, de stylisation. Et on comprend à travers ces entretiens comment il a révolutionné la littérature en 1936... Il y a eu deux génies de la littérature : Proust et lui. On ne pouvait plus écrire après eux de la même façon...
Quid de la mise en scène ? 
 Il sort de l'obscurité pour y repartir. Le spectateur assiste à une rencontre intemporelle...
Et l'acteur principal ? 
Il incarne la parole et le souffle de Céline. Il est réellement rentré dans sa musique... Il est Céline. Je crois que c'est aussi ce qui a fait le succès national de cette pièce
C'est l'occasion de découvrir Louis Ferdinand Céline... 
En tout cas de redécouvrir son humanité. Quand on entend son amour de la langue, on se dit : il faut que je le lise !

Propos recueillis par E. DUPEUX 
La Voix du Nord, 18 mai 2012.
 
Ce soir à 21 h salle des Pipots, rue des Pipots, Boulogne.

mercredi 16 mai 2012

Vient de paraître : Céline poète

Les éditions du Petit Célinien font paraître leur premier titre avec ce recueil de citations de Louis-Ferdinand Céline choisies et présentées par Matthias Gadret.

Découvrez dans ce recueil un autre Céline, un Céline loin du Céline trop largement connu, celui du Céline vociférateur antisémite. Céline, c'est un style, un style poétique, sensible, tout de finesse, profondeur et drôlerie. Par le choix d'un mot, d'une ponctuation, Céline réussit à nous transmettre, à travers le verbe, toute sa sensibilité. En parcourant ses romans, de Voyage au bout de la nuit à Rigodon, mais aussi sa correspondance et ses interviews, c'est un Céline attachant que l'on prend plaisir à lire et relire...

Céline poète, Morceaux choisis, Le Petit Célinien Editions, 2012, 95 pages, format 12x18, 16 €. ISBN 978-2-7466-4635-3.


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Épuisé

mardi 15 mai 2012

Vient de paraître : Madame Céline, Route des Gardes

Dans les livres de son mari elle apparaît sous le nom de Lili. Ses amis l’appellent Lucette, pour ses élèves, elle est Madame Almanzor. Mais pour tous, elle est Madame Céline, la veuve du plus grand écrivain du XXe siècle.

De leur rencontre à Paris en 1936, jusqu’à la mort de l’auteur du Voyage au bout de la nuit à Meudon, le 1er juillet 1961, Lucette Destouches partagera son existence avec Louis-Ferdinand Céline. Une existence peu banale, jalonnée d’aventures et d’épreuves, mais avec Céline, pouvait-il en être autrement ? Céline disparu, c’est elle qui veille à la postérité de son œuvre. C’est à elle qu’il incombe désormais de lutter contre le plus sournois adversaire des créateurs : l’oubli. Depuis cinquante ans, le cercle des amis et des admirateurs n’a cessé de se resserrer autour de « Madame Céline », Route des Gardes. Autour de cette silhouette qui, modelée par des années de danse, demeurée éternellement jeune, semble leur enseigner la plus belle leçon de fidélité.

En cette année 2012, qui marque le centième anniversaire de Lucette Destouches, quelques voix se sont réunies pour lui offrir un bouquet de textes inédits. Et rendre ainsi hommage à une personnalité restée aussi mystérieuse que discrète. Ouvrage coordonné et présenté par David Alliot, avec les contributions de Sergine Le Bannier, Serge Perrault, Maroushka, François Gibault, Frédéric Vitoux de l’Académie française, Marc Laudelout, Véronique Robert-Chovin, Gang Peng, Christophe Malavoy et David Alliot.

Sous la direction de David Alliot, Madame Céline, Route des Gardes, Ed. P.-G. de Roux, 2012.
Commande possible sur Amazon.fr.

« L’enfant Ferdinand Céline »

La ville de Paris cherche à rénover différents passages couverts parisiens. Pour ce faire, elle tente de nouer des partenariats et d’attribuer diverses subventions aux propriétaires. Pour défendre ce projet et souligner l’intérêt architectural et historique d’un de ces lieux, le Passage Choiseul, situé dans le 2è arrondissement, il est fait appel à… Céline bien sûr. Sauf que Céline devient sous la plume du rédacteur averti « l’enfant Ferdinand Céline »… Personne n’est parfait…


Sur le sujet :
> Le Paris de Céline (I) : le square des Arts-et-métiers
> Le Paris de Céline (II) : Clichy-la-Garenne
> Le Paris de Céline (III) : 11, rue Marsollier