lundi 30 avril 2012

Lucette, ombre et lumière de Céline - Le Journal du Dimanche - 29 avril 2012

Un demi-siècle après la mort de l’écrivain controversé, "Madame Céline" habite toujours Meudon. Fantasque et secrète, elle reste la gardienne des lieux et d’une œuvre… Visite dominicale. 

"Qui c’est, celle-là ?", lance parfois en riant Lucette lorsqu’elle surprend son reflet dans l’un des innombrables miroirs de sa maison de Meudon, en banlieue parisienne. Elle approche des 100 ans et conserve cette élégance de s’amuser de tout. On n’est pas sérieux quand on a bientôt un siècle. Sur la tombe de Louis-Ferdinand Céline, en 1961, la veuve avait fait graver "Lucette Destouches, 1912-19…". Mais elle a survolé le millénaire avec la légèreté d’une fée. Cinquante ans qu’elle est "Madame Céline". Dans l’ombre du géant, trop discrète pour accepter les ponts d’or offerts et figer sa vie sur papier. Elle préfère le silence : "C’est Céline qui est le plus important. Moi, je ne suis rien."
Ces prochains jours, une poignée d’amis vont lui opposer un joli démenti. Elle n’en sait rien encore, mais David Alliot a rassemblé, dans Madame Céline, route des Gardes*, les témoignages d’une dizaine de proches. Le portrait impressionniste de celle qui, pendant vingt-cinq ans, a partagé l’intimité d’un des plus grands écrivains français du XXème siècle. L’un des plus controversés aussi, tant les pamphlets antisémites de l’auteur de Voyage au bout de la nuit sont sulfureux. De Lucette, il disait : "Ma femme, la meilleure âme du monde, Ophélie dans la vie, Jeanne d’Arc dans l’épreuve, tout en gentillesse, dons, bienveillance, amour."

L’âme de Meudon

Une grille bleue écaillée, un jardin en pente raide égayé de tulipes, sur les hauts de Meudon. La villa Maïtou, un pavillon de style Louis-Philippe, offre au regard une façade grise, hérissée de fissures. Des gouttières de guingois. Derrière, c’est un chaos d’herbes folles et de myosotis. Un univers hitchcockien. Lucette et Céline s’y sont installés en 1951 au retour de six ans d’exil. Jusqu’à sa mort, l’écrivain y a alimenté sa légende, ermite dépenaillé entouré de chiens, de chats et du perroquet Toto. Aujourd’hui, les traces de sa présence s’estompent : des photos intimes, des portraits punaisés aux panneaux de liège…
"Cette maison est comme moi… Elle tient le coup, mais il ne faut plus trop lui en demander!", lance Lucette. De longs cheveux blancs encadrent son visage étonnamment juvénile. Elle se tient à demi allongée, dans le salon du rez-de-chaussée où elle ne descend que pour dîner. Elle a mis du rouge à lèvres. Son pied nu de danseuse s’échappe d’une couverture. Un chat se faufile. Près de la fenêtre, une cage abrite Toto 2, le perroquet. "Elle a une spatule pour le faire taire, mais ne s’en sert jamais", sourit David Alliot, nouveau membre de "la secte dans la secte" : les derniers visiteurs de Meudon. Cette poignée de fidèles la protège encore des vautours rôdant autour du fantôme. Elle les accueille d’un "Raconte, raconte!", gourmande d’une vie dont elle s’est retirée voilà quinze ans.
Sergine, qui a connu Lucette en 1936, gère l’intendance et le planning des trois "anges gardiens" veillant jour et nuit sur elle. Derrière les voilages de sa chambre, au premier, s’étendent la Seine et Paris. "Voilà quinze ans qu’immobile elle assiste au spectacle de sa vie", dit Véronique Robert, son amie depuis les années 1970. Sa mémoire est un oiseau libre de tout butiner et malaxer : passé, présent, vrai, faux, gens, animaux. "Vieillir, ce n’est pas grave, c’est juste changer de vêtements", dit-elle à Véronique. On s’éclipse. Lucette, espiègle : "Il faudra revenir, on fera un boeuf bourguignon!"

La veuve fidèle

Comme elle monte la garde sur la villa Maïtou, Lucette veille sur l’oeuvre de Céline. Il l’a choisie pour cela, pense-t-elle. Elle s’y tient. Très vite après sa mort paraissent deux Cahiers de l’Herne et un inédit, Le Pont de Londres — Guignol’s Band II. "Lucette est une veuve assez exemplaire, qui a toujours défendu son mari et son œuvre", assure François Gibault, son ami et conseil depuis cinquante ans. "Elle parle de Céline au présent, comme s’il allait surgir derrière son épaule", note David Alliot. Années 1960… Présenté à Lucette par l’avocat André Damien, Gibault décrypte avec elle les pattes de mouche du manuscrit de Rigodon. Chaque dimanche à Meudon, Lucette ajoute sa fantaisie à ce travail : dîner au champagne, saumon fumé et foie gras. Mais avant, gymnastique, sauna et bain glacé! En 1969, le roman paraît. Elle accorde des interviews. Depuis, elle n’a plus été filmée.
Elle a, en revanche, ouvert sa porte et sa mémoire aux biographes et céliniens, de Frédéric Vitoux à Henri Godard. "Correspondances, archives… Elle n’a rien de la veuve abusive qui ne laisse rien passer", relève David Alliot. "Certes, elle est protégée par un avocat pénaliste dissuasif! Mais sa seule limite, c’est de ne pas republier les pamphlets." Fidèle à la volonté de Céline, elle a attaqué en justice la tentative de réédition des textes antisémites (Bagatelles pour un massacre, L’École des cadavres, Les Beaux Draps). Ainsi, au début des années 1980, Lucette en fait détruire des éditions italiennes. "Cela lui valut d’être appelée 'la veuve Pilon' par Libération", note l’éditeur Marc Laudelout. Des originaux se vendent chez les bouquinistes. Des éditions clandestines existent. Mais Lucette pose sa vie en rempart : "Tôt ou tard, ils vont ressurgir en toute légalité.Mais je ne serai plus là et ça ne dépendra plus de ma volonté", écrit-elle**.

La danseuse à l’étage

À 85 ans, Lucette a dû accorder un répit à son corps. Jamais, depuis son entrée au Conservatoire de Paris, soixante-dix ans plus tôt, la danseuse n’avait dérogé à la discipline, au geste parfait. C’est grâce à cet art que Céline croise le chemin de Lucette Almanzor. Elle a 23 ans, lui 41. Fasciné par la légèreté des danseuses, il assiste au cours d’Alessandri, à Montmartre. "Elles incarnaient tout ce qu’il désirait : un poème en ondes, face aux hommes si lourds", raconte Christophe Malavoy, qui prépare un film sur lui. Céline la courtise. "Il ne parlait pas, il cherchait ma force", écrit Lucette. Par la suite, des dizaines d’élèves feront le chemin de Meudon pour y suivre la "méthode Almanzor". "Je les redressais, je leur apprenais à respirer, à être dans leur corps", confie-t-elle.
Au deuxième étage, on danse. Finesse du geste. En bas, Céline écrit. Ciselage du texte. Il ne monte jamais. Aux yeux de Lucette, il reste "comme une fleur" dont elle doit "sans cesse tenir la tige droite". Maroushka, future danseuse de Roland Petit, n’a pas 5 ans lorsqu’elle débarque route des Gardes. Lucette lui donne "la subtilité et l’expression" et répète : "Souris, ne montre pas que tu as mal." L’art forge aussi l’esprit. À bientôt 100 ans, Lucette dégage cette alchimie : énergie de chair et de sang, grâce céleste. "Un frisson d’eau sur la mousse", écrit Malavoy, empruntant à Rimbaud. Elle ne pèse pas. C’est pour cela qu’elle a pu vivre avec Céline, pense-t-elle.

L’anticonformiste

Avec l’écrivain et le chat Bébert, Lucette a plongé sans hésiter dans six ans d’exil : une fuite en Allemagne en 1944 avec les derniers pétainistes ; une épopée "hallucinatoire" vers le Danemark ; la clandestinité, la prison ; la vie dans une cabane sur la Baltique… Pour passer ensuite dix ans au côté d’un Céline malade, reclus. Lucette sort "brûlée" de cette vie. Puis sort de sa réserve. François Gibault découvre une femme drôle, une "intelligence à fleur de peau". Avec Bob Westhoff, l’ex-mari de Sagan, ils font tous trois les quatre cents coups. "On allait aux autotamponneuses, voir un match de boxe thaïe à Bangkok." Un jour, leur avion tombe en rade audessus de l’océan Indien. "Avec des requins sous nos pieds!", se souvient Lucette. En safari à Zanzibar, prise d’une envie pressante, elle sort de la voiture et se trouve nez à nez avec un lion. "Il bâillait. Ils n’attaquent pas les hommes, je crois…"
À Meudon, les dimanches, le monde entier vient dîner. Des céliniens fascinés d’approcher Lili, héroïne des romans de son mari, en vrai. Des artistes comme Jean Dubuffet, Marcel Aymé, Moustaki ou Françoise Hardy. Jean-François Stévenin la connait depuis vingt ans. Il lui a encore téléphoné vendredi : "Lucette a toute sa tête, elle est une leçon de vie. Elle illumine chacun de sa joie de vivre. Elle voit la féérie des choses. Pour mes quatre enfants, elle est une sorte de grand-mère magique." Des gens de lettres : les Gallimard, Philippe Sollers ou Marc-Édouard Nabe, qui lui consacre un roman. Des inattendus : Carla Bruni ou Dominique Rocheteau, "ému", qui convie Lucette au Parc des Princes. Un autre jour, Gibault invite une bande de breakdancers qui lui offre un show. Les futurs 2Be3, premier boy’s band français.
"Lucette est une anticonformiste", sourit Véronique Robert. Avec elle, la moindre virée à Dieppe, Saint-Malo ou Paris tourne à l’aventure cocasse. Au BHV, "Madame Céline" s’extasie au rayon cadenas. Au Café de la Mairie, elle épate les clients avec l’un des premiers portables. Chez Habitat, elle part à la renverse dans un canapé. Elles rient comme des gamines. C’était avant. Mais en septembre, elles ont encore inauguré le restaurant de l’Opéra de Paris. L’une de ses dernières sorties. Lucette avoue ne rien faire à moitié. "Heureusement que tu n’as pas connu le bordel!", s’exclamait Céline.

Juliette DEMEY
Le Journal du Dimanche, 29 avril 2012.

* Textes de Sergine Le Bannier, Serge Perrault, Maroushka, François Gibault, Frédéric Vitoux, Marc Laudelout, Véronique Robert-Chovin, Gang Peng, Christophe Malavoy et David Alliot. Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 144 p., 16,90 euros. En librairies le 15 mai.
** Céline secret, Véronique Robert avec Lucette Destouches (Grasset, 2001).


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Nord de L.-F. Céline : une réécriture des chroniques médiévales par Bernabé Wesley

Bataille de Crécy (1346)
Mémoire présenté à la Faculté des Arts et des Sciences de Montréal en vue de l’obtention du grade de M.A en Littératures de Langue Française en août 2010. Bernabé Wesley prépare aujourd'hui une thèse "L'altérité formelle du paradigme du passé dans l'oeuvre de Louis Ferdinand Céline".

Résumé
À partir du projet d’écriture d’une chronique que Céline met en avant lorsqu’il parle de son oeuvre dans l’après-guerre, ce mémoire examine l’hypothèse selon laquelle le genre des chroniques médiévales fait, dans Nord, l’objet d’une réécriture permanente et déterminante pour la version de la Seconde Guerre mondiale de Céline. La notion d’horizon d’attente de Jauss permet d’abord de démontrer comment Nord reconstruit le discours testimonial et l’éthos de la vérité qui fondent la légitimité de chroniqueurs comme Villehardouin ou Clari afin d’accréditer une version illégitime des événements de 39-45. Au récit magnifié de la « Libération », Céline oppose en effet une chronique de l’épuration et un témoignage sur la vie quotidienne dans l’Allemagne de 1944. Idéologiquement nationalistes, les chroniques médiévales forment une lignée de la francité à partir de laquelle Céline crée une fiction politique passéiste qui projette sur les événements de 39-45 la géopolitique d’une Europe médiévale afin de cautionner les partis pris d’extrême droite de l’auteur. Par ailleurs, Nord accentue la propension autobiographique de certaines chroniques et la confond avec une lignée de mémorialistes disgraciés. Ceux-ci lui fournissent le plaidoyer pro domo qui orchestre toute la rhétorique d’autojustification de l’écrivain dans l’après-guerre : s’autoproclamer victime de l’histoire afin de justifier a posteriori les pamphlets antisémites et ainsi s’exonérer de tout aveu de culpabilité. Enfin, Céline qualifie Nord de « roman » par référence à la part d’affabulation des chroniqueurs. Pour représenter l’histoire en une Apocalypse advenue sans justice divine et sans héros, Nord procède en effet à une réactivation des genres fictionnels comme la légende, l’épique et le chevaleresque qui s’entremêlaient à l’histoire dans les Chroniques de Froissart. Cette réécriture entre fabula et historia est donc d’abord une création de romancier qui, dans le contexte de crise de la fiction de l’après-guerre, procède à un épuisement du roman par l’histoire.


Introduction
À l’occasion de la parution de Nord, Céline met en avant un tournant majeur de son activité littéraire : « J’ai cessé d’être écrivain pour devenir un chroniqueur (1)», déclare-t-il en 1959. Or nous savons que Céline, en exil à Baden-Baden en 1944 (2), se fit envoyer un exemplaire des Chroniqueurs et Historiens du Moyen Âge (3), anthologie de la Pléiade établie par Albert Pauphilet. Deux ans plus tard, il précise dans une de ses Lettres de Prison avoir trois livres dans sa cellule, dont une anthologie qui ne peut être que celle des chroniqueurs (4). De Baden-Baden au Danemark en passant par Sigmaringen, Céline aura traversé toute la fin de la Seconde Guerre mondiale avec cette anthologie d’historiographes médiévaux en main. Ce recours à la lignée littéraire des chroniqueurs doit d’autant plus être pris au sérieux qu’il est annoncé dès Féerie II, toujours à l’appui d’une prétention à la véracité : « le chroniqueur consciencieux se reprend !... errare… humanum !... chroniqueur à une bourde près (5) ! » Et moins de dix pages plus loin : « voyez, je suis précis… je vous agace par les menus détails ? ah, tant pis ! tant pis !... je fais pas l’artiste, l’à-peu-près-iste ! “j’étais là, telle chose m’advint” voilà ma loi ! » (FII, 103). Dans le dernier opus de la trilogie allemande, il réitère encore la même préférence générique : « je pourrais inventer, transposer… ce qu’ils ont fait, tous… cela passait en vieux français… Joinville, Villehardouin l’avaient belle, ils se sont pas fait faute (6) ». L’ambition d’écrire une chronique à la façon des médiévaux est une constante de la trilogie allemande. Après la Seconde Guerre mondiale et jusqu’à sa mort, Céline n’écrira d’ailleurs plus que des chroniques.
On peut certes faire une étude de la réécriture des chroniques médiévales dans Féerie I et II ainsi que dans toute la trilogie allemande, mais c’est dans Nord que le projet de Céline trouve son point d’achèvement. Dès l’ouverture du livre, un dialogue avec le lecteur affirme une parenté générique avec la chronique, qui occupe alors une place inaugurale : « Vous vous dites en somme chroniqueur ?/-Ni plus ni moins ! » (N, 304) L’affirmation initiale est accompagnée dans le livre de nombreuses références aux chroniqueurs médiévaux qui qualifient « de l’intérieur » le texte comme une chronique. C’est donc à partir du pénultième livre de l’écrivain que nous entreprendrons notre étude.
S’interroger sur la réécriture des chroniques dans Nord suppose d’abord de définir quelle empreinte le livre de Céline garde de ce genre. Le concours de travaux de Jauss permet de se demander comment ce texte reproduit un ensemble d’attentes et de règles qui instaure chez le lecteur un horizon d’attente propre à la chronique, notamment lié au discours testimonial et à l’éthos de la vérité qui distinguent la chronique d’autres genres historiographiques comme l’histoire, l’abrégé, les annales mais également de genres voisins comme les mémoires et l’autobiographie. En le distinguant de l’horizon d’attente propre à la chronique, on peut alors identifier le processus de création qui module, corrige et modifie les marques de ce genre dans Nord.
C’est que Céline reconfigure ce genre en fonction de sa situation historique et de la version de la Seconde Guerre mondiale qu’il veut écrire. Dans le contexte historique de l’après-guerre, l’illégitimité de l’auteur par rapport à la version officielle de la Seconde Guerre mondiale impose une stratégie particulière à sa réécriture de la chronique. Celle-ci est d’abord la contestation d’une histoire à la gloire de la Résistance qui narre les événements de la fin de la Seconde Guerre mondiale du côté de l’Allemagne et de ceux qui ont perdu la guerre. Elle suppose un récit de l’histoire mais également une réinterprétation idéologique des événements de 39-45 à la lumière de l’idéologie et de l’imaginaire géopolitique médiévaux que véhiculent les chroniques. Enfin, ces dernières sont pour Céline une manière de se réinscrire dans une lignée politico-éthique de la francité afin de retrouver une légitimité et de s’autoproclamer victime de l’histoire. Étudier cette stratégie, c’est interroger l’éthos du chroniqueur et la place qu’il occupe dans la permanente rhétorique d’autojustification de l’auteur dans l’après-guerre.
Toutefois, Nord reste, comme l’indique son sous-titre, un roman. Que l’écrivain se déclare « chroniqueur » au sein même d’un récit qui présente des épisodes et des personnages fictifs et dont l’exagération semble aller de soi, cela a souvent fait hésiter la critique à accorder une crédibilité à la chronique de Céline. Or c’est par référence à la part d’affabulation des chroniques médiévales que l’auteur appelle son livre un « roman ». L’écriture de l’histoire entre historia et fabula, les innombrables modes d’interruption du récit ou le mélange des registres et des genres sont autant de caractéristiques des chroniques médiévales que Céline se réapproprie en envisageant la chronique comme un épuisement du roman qui répondrait à la fois aux enjeux propres à sa poétique romanesque et au contexte de crise de la fiction d’après-guerre.
Enfin, la réécriture des chroniques médiévales dans Nord pose la question de la représentation d’une histoire à dimension apocalyptique. Dans Nord, l’Allemagne de 1944 est le poste d’observation d’une catastrophe généralisée qui laisse penser que cette chronique opère une représentation de la Seconde Guerre mondiale en Apocalypse advenue. Ce récit à vocation eschatologique est inédit dans les chroniques médiévales. Il emprunte pourtant à l’historiographie médiévale le système de références et de valeurs traditionnelles à partir duquel elle interprète l’histoire pour métaphoriser la débâcle de 39-45 en fin d’une civilisation et d’une culture. Ce qui suppose, en outre, de se demander en quoi la résurgence de ces visions de l’histoire propres au Moyen Âge est liée chez Céline à l’écriture d’une version profane des Écritures. On pourra alors envisager comment, par rapport à la rupture historique de la Seconde Guerre mondiale, cette réécriture de la chronique médiévale est une tentative de retrouver une forme de continuité historique par la littérature, ne serait-ce qu’en reprenant des lignées littéraires oubliées comme celle des chroniqueurs médiévaux.

1. La vocation historique d’un genre
1.1 Chroniques, annales et histoire
Bernard Guenée (7) a défini la chronique par rapport aux genres qui, comme l’histoire et les annales, lui sont limitrophes dans l’historiographie médiévale. C’est l’historien de langue grecque Eusèbe de Césarée qui, le premier, distingue la chronique de l’histoire et donne un modèle de chacun des deux genres.




Bernabé WESLEY
Nord de L.-F. Céline : une réécriture des chroniques médiévales (Mémoire, Université de Montréal)


Notes
Godard), vol. II, Paris, Gallimard, coll. « Les Cahiers de la NRF », 1976, p. 126. Pour d’autres
revendications du titre de « chroniqueur » et de « mémorialiste » dans des entretiens, accompagnés souvent de références aux chroniqueurs français du Moyen Âge, voir ibid., p. 25, 38, 169.
2- Lettre de Céline à Karl Epting expédiée de Baden-Baden en juillet 1944. Voir François Gibault, Céline, Cavalier de l’Apocalypse (1944-1961), vol. 3, Paris, Mercure de France, 1985, p. 27.
3- Historiens et Chroniqueurs du Moyen Âge. Robert de Clari, Villehardouin, Joinville, Froissart,Commynes, (éd. Albert Pauphilet), Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de La Pléiade », 1942.Dorénavant désigné à l’aide des lettres HCMA, suivies des numéros de page.
4- Dans les Lettres de Prison, réclamant qu’on lui rende les Mémoires d’outre-tombe, il écrit : « J’ai trois livres à demeure dans ma cellule. Une anthologie, un recueil de vers, et l’Henriade de
Voltaire », Lettres de prison à Lucette Destouches et à Maître Mikkelsen, 1945-1947, (éd. François Gibault), Paris, Gallimard, 1998, p. 103. Céline n’évoquant aucune autre anthologie que celle des chroniqueurs dans ces lectures de la fin de la guerre, il y a fort à parier que ce soit l’anthologie des chroniqueurs dont il parle.
5- Louis-Ferdinand Céline, Féerie pour une autre fois, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1995, p. 95. Ce livre réunit en un seul volume deux romans de Céline précédemment parus sous les titres Féerie pour une autre fois [1952] et Normance [1954]. Dorénavant désigné à l’aide de la lettre F, suivie de I pour Féerie et de II pour Normance ainsi que du numéro de la page.
6- Les trois volumes de la trilogie allemande sont réunis dans Louis-Ferdinand Céline, Romans,
vol. 2, (éd. Henri Godard), Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de La Pléiade », 1974. Dorénavant désignés à l’aide des lettres CA pour D’un Château l’autre, N pour Nord et R pour Rigodon, suivies des numéros de page. La citation est tirée de L.-F. Céline, Rigodon, op. cit., p. 841.
7- Je reprends ici l’essentiel des distinctions génériques que fait Bernard Guenée entre chronique, histoire et annales. Voir Bernard Guenée, Histoire et Culture historique dans l’Occident médiéval, Paris, Aubier-Montaigne, coll. « Historique », 1980, chap. « Le choix du genre », p. 203-210 ; « Histoires, Annales, chroniques. Essai sur les genres historiques au Moyen Âge », Annales : économies, sociétés, civilisations, vol. 28, mai-juin 1973, Paris, Armand Colin, p. 997-1016 ; enfin, « Histoire et chronique. Nouvelles réflexions sur les genres historiques au Moyen Âge », dans Daniel Poirion (dir.), La Chronique et l’Histoire au Moyen Âge. Colloques des 24 et 25 mai 1982, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, coll. « Cultures et civilisations médiévales », 1986, p. 3-12.

samedi 28 avril 2012

Un texte inédit de Louis-Ferdinand Céline aux enchères le 16 mai 2012 à Paris

La maison Artcurial mettra aux enchères un texte inédit de Céline le 16 mai 2012 à Paris.

Il s'agit d'un manuscrit autographe de 4 pages datée de 1937 titré « La vigne au vin », destiné, selon l'auteur du catalogue de la vente, à aider Gen Paul qui s'était engagé à peindre une grande fresque de 100 personnages destinée au Palais des Vins de France à l'Exposition Internationale de 1937. Une « apologie de Céline sur la vigne, le vin et l'esprit bachique » d'autant plus surprenant que le médecin hygiéniste s'est toujours revendiqué buveur d'eau et a toujours dénoncé les ravages de l'alcoolisme !

Extrait : « Cette décoration murale a été conçue dans un esprit "allègre optimiste, dans une facture joyeuse. L'artiste a voulu représenter les diverses phases de la production du vin dans la gaîté. L'oeuvre entière est baignée, interprétée dans l'allégresse. Une représentation impassible, une description seulement objective de ces tableaux champêtre eut été absolument contraire à l'esprit même de la vigne. [...] tout à la vérité même de cent décorations. Il eut été facile et d'ailleurs tout à fait défendable de forcer encore les qualités bachiques de notre ensemble. Mais avec les [sacrifices] "classiques" auxquels nous nous sommes astreints nous jugeons que notre projet tout en tenant compte des traditionnelles exigences réussit à donner une saine et joyeuse impression des différentes étapes de ce jus-là... des pampres à la bouteille. La même oeuvre conçue par un buveur d'eau n'aurait eu sans doute que de tristes et sévères reflets mais l'auteur même de ces petits tableaux se vante d'avoir toujours heureusement et copieusement honoré la vigne. Il se juge trop heureux d'avoir pour l'occasion pu rendre un hommage combien mérité à la source de tous les courages ! A la fée bienfaisante des jours adverses et sombres. »

Estimation 4 000 - 6 000 €. (lot 310)

Lors de la même vente, un exemplaire de presse de Voyage au bout de la nuit dédicacé à Eugène Dabit (lot 188) est estimé entre 3 500 et 4 500 €, une lettre au Docteur Blouët du 1er décembre 1954 (lot 311) entre 1 200 et 1 500 €.

Aussi, un volumineux dossier judiciaire provenant du cabinet Tixier-Vignancour (lot 312), défenseur de Céline, qui contient la correspondance entre Thorvald Mikkelsen et Tixier Vignancour, les pièces de la plainte intentée contre les éditions Froissart, celles du procès en diffamation contre Julliard, de l'affaire Coquillaud (Robert Le Vigan), une lettre de son oncle Louis Guillou du 21 avril 1947, les lettres de Tixier au sujet de la polémique sur les meubles de Céline, ou encore la lettre du Ministère de la Guerre décernant la médaille militaire à Céline. Un ensemble estimé entre 10 000 et 12 000 €.


ARTCURIAL
7 rond-point des Champs-Élysées
75008 Paris
Exposition du 12 au 14 mai, de 11h à 19h, le 15 mai, de 11h à 17.

 A la même date, la maison de vente Alde proposera un des 65 exemplaires sur pur fil Lafuma de Bagatelles pour un massacre accompagné d'un envoi au photographe Pierre Duverger. Lot 405. Tous les détails ici.

« Le retour des collabos ? » par Grégoire Leménager - Le Nouvel Observateur - 26 avril 2012

Céline, Chardonne, Morand, Rebatet: les écrits impubliables de la bande des affreux dorment encore dans les placards. Mais après l'entrée de Drieu la Rochelle dans la Pléiade, la question de leur réédition se pose. Enquête.

On lit parfois d'étranges choses dans la Pléiade. « Comptez sur moi pour mettre Juifs, Jésuites, maçons, synarchistes, curés, anglais, protestants, tièdes, mous, antisémites vagues dans le même bateau et sans fond et dans les eaux de Nantes ! Tous ces gens pour moi se raccrochent à cette civilisation pourrie - et doivent disparaître. A nous le Racisme pour quelques siècles au moins ! »
Ces lignes datées du 28 février 1942 ne figurent pas dans le volume récemment consacré aux romans de Pierre Drieu la Rochelle, qui se garde bien de contenir ce genre d'horreurs [lire l'article de Philippe Sollers sur le sujet]. Elles sont de Céline, on les trouve au milieu de ses « Lettres » parues sur papier bible en 2009. Le volume, par ailleurs passionnant, ne fit guère scandale. « C'est passé comme une lettre à la poste », s'étonne encore son maître d'oeuvre, le professeur Henri Godard, qui, pour ne rien occulter de ce qu'était Céline, avait tenu à y intégrer « des choses qui font sursauter ». Notre époque serait-elle assez mûre - ou assez pourrie ? - pour regarder en face, et sans sursauter, ce que furent capables d'écrire certains auteurs compromis sous l'Occupation ? Pas si simple.
Pierre Drieu la Rochelle
Au fil des années, les plus talentueux des « collabos » qui furent inscrits sur la fameuse « Liste noire » du Comité national des Ecrivains ont, certes, retrouvé assez de respectabilité pour figurer au catalogue des meilleures maisons. Si l'oeuvre de Brasillach semble désormais condamnée à l'oubli et aux discours de Jean-Marie Le Pen, les textes littéraires de Céline, Morand et Montherlant ont précédé ceux de Drieu dans la Pléiade. Jouhandeau est en poche, dans « l'Imaginaire ». Et Albin Michel, qui fête cette année Pierre Benoit, en réédite trois romans assortis d'une bio où Gérard de Cortanze entend « le sortir enfin du purgatoire » en montrant qu'il fut « injustement jeté en prison » en 1944.
Même Lucien Rebatet, l'antisémite enragé des « Décombres », est en librairie avec ses « Deux Etendards » (republié par Gallimard en 2007), son « Histoire de la musique » (dans « Bouquins », chez Robert Laffont), des « Lettres de prison » et  « Les Epis mûrs » (au Dilettante).
« La dissociation entre écrivain et polémiste était apparue lors des procès de l'épuration, résume la sociologue Gisèle Sapiro. Le cloisonnement entre écrits littéraires et politiques a été largement maintenu dans le monde des lettres. » En somme, à condition que cela ne heurte trop violemment ni la loi ni la morale, la distinction entre homme et oeuvre a aidé l'histoire à trier ce qui relève de l'art. Et comme disait Claude Simon, « en art, cela ne veut rien dire, un salaud ».
Mais que faire du reste ? Car près de soixante-dix ans après la Libération, il reste d'encombrants fantômes dans les placards de la littérature française, qui alimentent toutes sortes de fantasmes, de rumeurs, et de commerces plus ou moins licites.

Le cas le plus connu est celui des pamphlets antisémites de Céline dont la veuve, Lucette Destouches, 100 ans cette année, refuse toute réédition, conformément aux volontés de l'auteur des « Beaux Draps ». Un avis partagé par son avocat, maître François Gibault: « Il y aurait là beaucoup d'argent à gagner, et on m'a souvent approché pour que cela se fasse ! Mais il y a en France un antisémitisme dormant qui ne demande qu'à se réveiller. Rééditer pour le grand public ces textes de circonstance serait de la pure propagande. » En attendant, on raconte bien des choses dans le milieu célinien. Qu'une édition critique de « Bagatelles pour un massacre » attend son heure dans un ordinateur chez Gallimard. Qu'un fada a fait imprimer à 300 exemplaires les trois pamphlets en un volume qu'il refuse de vendre, mais offre autour de lui. Qu'une édition originale de « Bagatelles » en bon état se monnaie pour 250 à 300 euros. Et que de nombreuses versions pirates sont commercialisées, comme celles des très militantes Editions de la Reconquête qui, officiellement domiciliées au Paraguay, proposent sur leur site des tee-shirts affirmant que « Louis-Ferdinand Céline n'était pas plus un salaud que vous et moi ». Mais « les pamphlets de Céline, qui contiennent aussi de très belles pages, sont l'arbre qui cache la forêt ! », prévient l'écrivain Emile Brami, libraire spécialisé en livres anciens à qui l'on doit notamment un « Céline à rebours » (Archipoche). Et de citer tous ces titres reniés par leur auteur qui hantent les bacs des bouquinistes. Ainsi « France la Doulce », roman de 1934, où Paul Morand « met en scène, avec tous les clichés possibles, des cinéastes apatrides allemands qui arnaquent un producteur français ». Ou encore « le Péril juif », plaquette parue en 1938 « que Marcel Jouhandeau avait fait retirer de la liste de ses oeuvres et dont on dit qu'il détruisait les exemplaires qu'il trouvait ». Plus rare, on peut encore dénicher pour 1 500 euros le trop germanophile « Ciel de Niefheim », que Jacques Chardonne a fait pilonner en 1943 juste avant sa mise en vente, mais dont il avait adressé quelques épreuves à ses amis. « Même si ce livre n'a jamais existé, y compris dans sa bibliographie, explique l'avocat Emmanuel Pierrat qui en possède un, on considère qu'il a été publié. Il finira donc comme les autres par tomber dans le domaine public. Pourra-t-il alors être réédité ? La question va bientôt se poser pour Brasillach, mort en 1945. Et tant qu'à publier des textes pareils, autant être le premier ! » Que faire enfin des « Décombres » de Rebatet, qui fut l'un des plus gros best-sellers sous l'Occupation ? « Pauvert en a publié une version expurgée dans les années 1970, mais ces "Mémoires d'un fasciste" ne veulent du coup plus rien dire », note encore Pierrat. C'est sans doute pourquoi l'ayant droit de Rebatet, le romancier Nicolas d'Estienne d'Orves, se déclare prêt à « pousser une réédition critique de ce livre, augmentée de 600 pages restées inédites. II faut tout republier, sinon c'est du révisionnisme. Mais attention, c'est une bombe, donc ça se manipule avec des pincettes! », ajoute-t-il en vous mettant sous le nez une page où l'on peut lire que, « d'une façon ou d'une autre, la juiverie offre l'exemple unique, dans l'histoire de l'humanité, d'une race pour laquelle le châtiment collectif soit le seul juste ».

Paul Morand
C'est toujours la même affaire, au fond. Faut-il tout publier d'un écrivain ? Oui, semblaient indiquer les parutions du haineux journal de guerre de Drieu en 1992, puis du souvent consternant « Journal inutile » de Paul Morand en 2001. L'étape suivante, annoncée depuis des années, se fait pourtant attendre. Ce devait être la Correspondance entretenue par Morand et Jacques Chardonne de 1949 à 1968. « Rien à voir avec des fonds de tiroir, des inédits de deuxième ordre, estimait après consultation François Dufay dans « le Soufre et le Moisi » (Perrin): ces milliers de missives croisées, signées de deux grands épistoliers, sont un monument d'abandon et de style sec, une éblouissante leçon d'écriture à l'usage des générations futures, en même temps qu'un témoignage irremplaçable sur l'âge d'or de la littérature française que fut le XXe siècle.» Problème, notait le même Dufay: on y trouve beaucoup de vacheries sur des contemporains, comme Brigitte Bardot, mais aussi, principalement sous la plume de Morand, des avis aussi raffinés que celui-ci, daté du 7 mai 1960: « Là où Juifs et P.D. s'installent, c'est un signe certain de décomposition avancée; asticots dans la viande qui pue. » Ce rabat-joie d'Albert Camus n'avait peut-être pas tort de signaler que « le style, comme la popeline, dissimule trop souvent de l'eczéma. » Chez Gallimard, on promet enfin la sortie d'un premier volume de cette fameuse Correspondance en novembre 2012, et son intégralité, un jour, en version numérique. Mais pas du tout « pour censurer, ou essayer de cacher quelque chose », s'empresse de préciser Bertrand Lacarelle, qui vient de récupérer cet impossible bébé: « J'ai 5 000 pages sur mon bureau, dont 3000 restent à saisir. Il va donc falloir faire des choix, sans forcément se contenter des plus belles lettres. » Il tient d'ailleurs à minimiser l'importance « de l'homophobie, du racisme et de la diffamation » dans cette somme: « On est très loin du cas des pamphlets de Céline. Bien sûr, ils ne renient rien de leurs engagements de 1940, mais ils ne font pas non plus de compliments à Hitler. » Il s'agirait d'abord d'une « grande conversation littéraire et géopolitique » où, chacun à sa manière, les deux anciens vichystes racontent leurs voyages (au Portugal pour Morand, en Grèce pour Chardonne), élaborent des stratégies pour entrer à l'Académie, évoquent Chateaubriand, le Journal des Goncourt et les jeunes hussards comme Nimier, Blondin ou Bernard Frank, dont ils se sont rapprochés pour s'assurer une postérité littéraire. Pourquoi ne pas l'avoir publié plus tôt, alors que le testament de Morand l'autorisait dès 2001? Le travail d'édition commencé par Philippe Delpuech a été interrompu il y a quelques années par sa mort, « et tout doit être relu par nos services juridiques, comme pour n'importe quel livre d'ailleurs. » Mais voilà qu'on apprend que la publication d'une correspondance Morand-Nimier a par ailleurs été abandonnée. L'universitaire Marc Dambre avait été chargé par Gallimard de son édition critique, et puis plus rien: « Les hommes de loi qui l'ont lue ont jugé que des passages sur certaines personnes pouvaient causer des ennuis. Et l'on m'a dit que, tout bien réfléchi, cela manquait d'intérêt littéraire. » C'est aussi, à la Table ronde, l'avis d'Alice Déon, à qui Gallimard avait transmis le manuscrit: « Ce n'est pas une patate chaude qu'on se refile, il n'y a là rien d'extraordinairement sulfureux, mais j'y ai surtout lu des blagues autour des bagnoles et de la bouffe, avec des traits d'esprit déjà vus ailleurs. » Faut-il, surtout, en déduire que les anciens collabos n'ont plus tant la cote, et que Morand serait retourné en quarantaine ? Pauline Dreyfus, qui vient de lui consacrer un bon roman chez Grasset, « Immortel, enfin », n'est pas loin de le penser: « Beaucoup de gens ont été très échaudés par son «Journal inutile». Mon manuscrit a été refusé par deux éditeurs, dont Gallimard. Et j'observe depuis sa sortie que la presse de gauche en rend compte volontiers, tandis que la presse de droite semble éprouver une gêne, comme si elle traînait toujours le complexe de Vichy. » Peut-être. Ca n'empêche pas Emile Brami de songer que des tabous sont en train de sauter: « Notre époque ressemble de plus en plus aux années 1930, avec une crise et la montée des extrêmes. Des clients me parlent désormais du «lobby juif». Et « le Péril juif » de Jouhandeau, qui ne valait presque rien il y a quelques années, peut se vendre aujourd'hui 700 euros. »

Grégoire LEMÉNAGER
Le Nouvel Observateur, 26 avril 2012

Ces écrivains rattrapés par leur passé - La Liberté (Suisse) - 27 avril 2012

Jugé à la Libération, Louis-Ferdinand Céline s’en est bien sorti et reste aujourd’hui un auteur génial, mais controversé pour ses positions antisémites. D’autres écrivains ont eu moins de chance avec la justice.

Paris, fin de la Seconde Guerre mondiale. L’heure est à la libération, l’épuration bat son plein. L’écrivain et médecin Louis-Ferdinand Céline a pris les chemins de l’errance depuis 1944. Maudit dans son pays en raison de ses positions antisémites affirmées, l’auteur du « Voyage au bout de la nuit » quitte Montmartre pour Sigmaringen, en Allemagne. Il y rejoint les derniers meneurs du régime de Vichy, avant de se rendre à Copenhague en 1945 avec son épouse Lucette et le chat Bébert.
C’est au Danemark que Louis-Ferdinand Céline sera arrêté puis emprisonné, à la suite d’un mandat d’arrêt lancé par Paris. La France ne parvenant pas à obtenir son extradition, son procès commence dans son pays par contumace. Les pamphlets qu’il a signés entre 1936 et 1941 sont de lourdes pièces à conviction, portés qu’ils sont par une étrange musique de l’insulte antisémite qui, à leur parution, a partagé les critiques entre laudateurs et pourfendeurs.

Trahison, antisémitisme
Leur auteur nie en bloc tout ce dont on l’accuse: trahison, antisémitisme, intelligence avec l’ennemi – de quoi encourir la peine de mort. Il va jusqu’à faire porter le chapeau à son éditeur, Robert Denoël. Condamné en 1950, il est amnistié l’année suivante en raison de son état de grand invalide de guerre.
Depuis, Louis-Ferdinand Céline fait régulièrement l’objet de controverses. La dernière en date est survenue l’an passé. Elle concernait l’opportunité d’une célébration officielle du cinquantenaire de son décès, considérée comme scandaleuse par des personnalités comme Serge Klarsfeld.
En filigrane, c’est l’homme et l’écrivain qu’on oppose. Si l’homme s’est fait remarquer par des propos antisémites aujourd’hui encore condamnés, l’écrivain fait preuve d’un génie qui a transformé la littérature telle qu’elle s’écrit dans le domaine francophone et a frappé plus d’un lecteur. Bertrand Delanoë, maire de Paris, a résumé cette opposition par une formule qui a fait parler d’elle: « Céline est un excellent écrivain mais un parfait salaud. »

Dans la Pléiade
A l’instar de celle-ci, d’autres situations et polémiques passées tendent à dissocier l’homme, perçu comme odieux, de l’écrivain, dont l’excellence est reconnue. Du vivant de Louis-Ferdinand Céline déjà, la presse hésite à lui donner la parole, prend d’infinies précautions lorsqu’elle s’y résout. Louis-Ferdinand Céline assiégeait Gaston Gallimard, éditeur, afin que ses écrits entrent dans la prestigieuse collection la Pléiade. Ce sera chose faite en 1977, longtemps après son décès. Régulièrement, des « anti-céliniens » viennent rappeler les côtés sombres du personnage, accusant par exemple tel ou tel préfacier de se montrer trop complaisant. Depuis, la présence de Louis-Ferdinand Céline dans les manuels scolaires interpelle parfois, mais elle tend à démontrer que chez lui le génie de l’écrivain doit primer les aspects les plus abjects de l’homme.

De Brasillach à Bonnard
Si Louis-Ferdinand Céline a échappé à la peine de mort, d’autres hommes de plume partisans de la collaboration n’ont pas bénéficié d’une telle grâce. Au terme d’un procès que d’aucuns qualifient d’expéditif, l’écrivain Robert Brasillach, rédacteur en chef de l’influent journal nationaliste et antisémite « Je Suis Partout », a par exemple été fusillé en février 1945, en dépit d’une pétition en faveur de sa grâce, rejetée par le général de Gaulle. Lancée par Claude Mauriac, elle a été signée par des écrivains de tous bords, tel Albert Camus, au nom de ce que Jean Paulhan nommait « le droit à l’erreur de l’écrivain ».
L’épuration a aussi laissé des traces parmi les écrivains membres de l’Académie française. « Les deux Abel », à savoir Abel Bonnard et Abel Hermant, en ont été exclus, le premier pour avoir été ministre du gouvernement de Vichy (on le retrouve à Sigmaringen), le second pour faits de collaboration.
Suprême humiliation, leurs fauteuils d’académiciens ont été repourvus de leur vivant, alors qu’en temps normal, seul le décès d’un immortel ouvre la porte à sa succession. Abel Hermant tente de justifier après coup, par ses écrits, ses positions favorables à la collaboration. Abel Bonnard, quant à lui, finit ses jours en exil en Espagne, seul et oublié, frappé d’indignité nationale.

Réfugiés en Suisse
Egalement contraints au départ, d’autres se sont installés en Suisse, tels Paul Morand, qui a occupé le château de l’Aile à Vevey, ou Jacques Boutelleau, dit Jacques Chardonne, qui doit son pseudonyme à son village vaudois d’adoption, où il a vécu quelque temps, craignant d’être fusillé en France pour faits de collaboration. Refusant de croire qu’il n’y a pas une possibilité de rebondir après la Libération, ces deux écrivains seront, dans les années 1950, à l’origine du mouvement littéraire des Hussards.
D’autres destins encore attendent les écrivains qui se sont prononcés en faveur de la collaboration. Versatile dans ses convictions, les yeux dessillés à la fin de la Seconde Guerre mondiale, Pierre Drieu la Rochelle se suicide en 1945.
Auteur du texte « Les décombres » désignant les juifs comme responsables de la défaite de 1940, Lucien Rebatet, quant à lui, mettra à profit son long séjour à la prison de Clairvaux pour achever l’écriture, commencée à Sigmaringen, de son ample roman « Les deux étendards », publié « d’urgence » par Gallimard en 1951. Cela, tout en menant une correspondance d’idées avec Pierre-Antoine Cousteau, journaliste pour « Je Suis Partout » et frère de l’océanographe Jacques-Yves Cousteau. 

Daniel FATTORE
La Liberté, 27 avril 2012

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vendredi 27 avril 2012

Céline, écrivain et pamphlétaire - du 23 au 29 avril 2012 sur Radio Télévision Suisse

La RTS (Radio Télévision Suisse) consacre une série d'émissions à Louis-Ferdinand Céline cette semaine, du 23 au 29 avril 2012 : Cinq émissions radio du lundi au vendredi de 15h à 16h (sur la chaîne La 1ère) et le documentaire Le Procès Céline dimanche 29 sur La Deux.

Lundi 23 avril 2012
Céline, écrivain et pamphlétaire (1/5) - Entretien avec Jérôme Meizoz et évocation de Céline :



Mardi 24 avril 2012
Céline, écrivain et pamphlétaire (2/5) - Les plumes s'aiguisent :



Mercredi 25 avril 2012
Céline, écrivain et pamphlétaire (3/5) - En plein déluge :

 

Jeudi 26 avril 2012
Céline, écrivain et pamphlétaire (4/5) - Aux armes etc... :



Vendredi 27 avril 2012
Céline, écrivain et pamphmétaire (5/5) - Entretien avec Antoine de Meaux :




Merci à FP (http://e-gide.blogspot.fr/) pour la communication de cette information.

Dans la presse :
> Ces écrivains rattrapés par leur passé, La Liberté, 27 avril 2012

jeudi 26 avril 2012

« Le bruit et la douceur de Louis-Ferdinand Céline » par Thomas Ravier (artpress, mai 2012)

Le magazine artpress publie, dans son numéro de mai, un compte-rendu du dernier volume des Cahiers Céline (Lettres à Milton Hindus 1947-1949) qui vient de paraître chez Gallimard.

Le 24 juin 1947, à Copenhague, après dix-huit mois de réclusion aux frais de la sorcière, libre, Céline prépare son retour sur la scène littéraire – rédaction de son chef-d'œuvre Féerie pour une autre fois – dans un état de délabrement physique indescriptible. Un épuisement que transcende toutefois allègrement son imaginaire vertigineux. Il écrit à Milton Hindus, conjurant Hadès : « Ma vie physique est un martyre – ma vie mentale, il faut l'avouer, une perpétuelle féerie. » Qu'on se le dise : le guignol... bande ! Pour Céline, cette correspondance avec l'universitaire Milton Hindus est l'occasion de récapituler ce qui fait l'importance objective de son oeuvre face à un admirateur qui présente l'intérêt d'être juif, évidemment, mais aussi américain (Céline pense émigrer en Amérique, qui reste malgré tout dans son esprit le continent d'une certaine innocence physique historique). Aussi multiplie-t-il les formules inoubliables concernant sa technique romanesque. Exemple : « Je fais le trust des diamants vivants du langage parlé. » Ou : « Je suis bien l'émotion avec les mots je ne lui laisse pas le temps de s'habiller en phrases... » Céline taoïste ? « Je ne me trouve bien qu'en présence de rien du tout, du vide. » Ou : « La vérité ne me suffit plus. » Olé ! Il faudrait en parler à Nietzsche. Quant au lecteur, ce dieu du 21 e siècle dont la librairie est le temple funéraire : « Ce qu'il veut le con c'est un miroir pour son âme de con où il puisse s'admirer. D'où le cinéma et les romans d'immenses tirages miroir pour les âmes du plus grand nombre de cons possibles. » N'est-ce pas ? Mais c'est surtout une conception, paradoxalement biblique, de l'écriture, qui se révèle dans cette cataracte de lettres : « Tout est écrit déjà hors de l'homme. » Ou bien : « Je ne crée rien à vrai dire. » Et : « Tout est fait hors de soi – dans les ondes je pense. » Autrement dit : au commencement était le verbe (ou, plus prosaïquement : « Ça a débuté comme ça ») et l'écrivain doit savoir s'effacer subjectivement au profit de ce magma émotif de mots. La joie polyphonique de Céline, celle de son style, vient, je crois, de cette découverte mystique qui est aussi un défi. Une joie ? Un rire ? Une « sorcellerire », si l'on veut : un sort à la mort, la mort scellée, harcelée, morcelée, dardée par un rire rare d'ire et d'or. Or, derrière la violence prophétique théâtrale de Céline (les prophètes, ces poètes courroucés comme disait Victor Hugo), il faut percevoir une sorte de gaieté pulsative enfantine. Sa violence littéraire n'est que trop reconnue, aussi Céline insiste-t-il auprès de Milton Hindus sur la délicatesse secrète qui irradie son style, une flûte (atomique, attention) lui tenant lieu de plume. Exit Voltaire, qu'on associe un peu trop rapidement à Céline aujourd'hui. C'est important : si Voltaire peut être considéré comme une référence pour Céline – sur le plan, disons, intellectuel –, jamais son nom n'apparaît dans l'oeuvre de ce dernier sur le plan littéraire, sinon pour être attaqué, présenté comme l'incarnation de tout ce que Céline réprouve dans l'histoire stylistique du français, Voltaire « trop intelligent » (argument éminemment proustien) et situé « entre Anatole France et Paul Bourget », au sein « d'une France cartésienne ». 

UNE SAUVAGERIE PEU RATIONNELLE
Le simple effroi puritain de Voltaire devant Shakespeare suffit, de toute façon, à situer irrémédiablement à part les deux hommes sur le plan de la création, c'est là que je veux en venir. En effet, s'il y a un nom qui revient dans ces Lettres à Hindus, c'est bien celui de Shakespeare. Pour une raison évidente, c'est que cette sauvagerie shakespearienne si peu rationnelle, qui choque tellement Voltaire, cette ivresse incantatoire, c'est précisément celle de Céline, qui se situe d'emblée aux confins de l'horreur (la boucherie de 1914) et de la farce (ce qu'il appelle son tempérament celte, son goût très purcellien pour les légendes, fées, elfes, etc.). Le bruit... et la douceur. Difficile de lire la messe noire rédemptrice du début de Guignols band sans penser à la scène de l'orage du Roi Lear. On peut parler d'un fantastique célinien, à l'opposé de sa réputation, un goût médiéval pour le surnaturel structuré harmoniquement – décanté – par la concision supersonique du français. Rappelons, au passage, que le père de Shakespeare était gantier et que, pour les plus luxueux d'entre eux, à l'époque, les gants sont doublés de dentelle. De dentelle ? On sait que Céline attribuait son raffinement au métier de sa mère, réparatrice de dentelles anciennes, un artisanat dans lequel il puisera ressources symboliques imaginaires pour contrebalancer l'effroyable spectacle du carnage. Conclusion ? La mort peut se retourner comme un gant. Les massacres possèdent leur envers soyeux, secret. Les hurlements de ce monde ouvrent sur un silence musical ouvragé. Ariel et Caliban, précisément une des métaphores favorites de Céline pour exprimer l'abîme qui réside entre lui et ses contemporains, entre l'écrivain et I'espèce humaine en général. J'ai dû mal entendre ? Céline n'a peut-être jamais souhaité une aryanisation, mais une arielisation... Non ? 1948. Dans l'attente de son extradition en France, Louis-Ferdinand Céline s'est réfugié avec sa femme au sud de Copenhague, au bord de la Baltique, au fond d'un bois. Le ne nom d'origine de la frêle chaumière qui leur sert refuge ? Fandens Hus. À savoir : « La maison du diable ». Il n'y a pas de hasard. Céline écrit à Hindus : « Je vendrais mon âme au diable – il ne m'attend plus – on lui a dejà tout vendu, soldé ! » Qu'est-ce qu'il dirait aujourd'hui. Céline ? Un rigodon avec Satan.

Thomas RAVIER
artpress n°389, mai 2012.


Lettres à Milton Hindus (1947-1949), nouvelle édition, Gallimard, coll. « Les cahiers de la Nrf », 2012.
Commande possible sur Amazon.fr.

mardi 24 avril 2012

« Céline millésime 2011 » par Jean-Paul Louis - Histoires littéraires n°49 (2012)

Dans son 49è numéro, la revue Histoires littéraires, revient sur l'année éditoriale 2011, qui a marqué le cinquantenaire de la mort de Louis-Ferdinand Céline, avec un article de Jean-Paul Louis. Un jugement sûr et sans concession sur la profusion des parutions 2011. De l'étude « qui n'a plus grand chose à nous apprendre » aux livres « dont on peut gager qu'ils sont déjà oubliés », rien de cette année Céline n'est oublié, et surtout pas ce trop court passage du film Le Procès Céline où l'on entend Serge Perrault évoquer avec délicatesse l'influence de la danse sur le style de Céline. Voici les premières lignes de cet article définitif...


« La plus parfaite salope de la littérature contemporaine. » 
(Un lecteur de 1936). 

La mode des célébrations participe des grands mythes de la République : discours et flonflons récupérateurs d’un héritage devenu glorieux, grâce à cinquante ans de vieillissement au minimum. Selon l’importance du célébré, ces anniversaires sont destinés à rehausser les mérites de la mère patrie ou d’un terroir plus réduit, d’une ville de naissance, ou encore plus petit, d’une place publique où se trouve une statue érigée par souscription, Quand il s’agit d’un anniversaire de mort, on peut aussi se réunir au cimetière avant de gueuletonner dans un lieu cher au disparu. Vaste thème de réflexion, qu’un jour devrait traiter Histoires littéraires.
C’est à un exercice plus modeste – et pourtant compliqué, et risqué – qu’on me demande de me livrer. J’ai opposé qu’en étant l’un des acteurs (non certes le plus en vue), je me trouvais mal préparé à un exposé lucide. Mais il paraît qu’au contraire, je serais le mieux à même d’examiner ce qu’a produit d’utile ou d’inutile, pour l’histoire littéraire, le cinquantenaire de la mort de Louis-Ferdinand Céline.
Le métrage des publications donne une indication quantitative : livres, revues (numéros spéciaux et dossiers), catalogues de ventes, enregistrements publiés en 2011, consacrés en tout ou en partie à Céline, s’allongent sur plus ou moins un mètre, selon qu’on y admet ou non les à-côtés, mentions, élucubrations, fantaisies passagères. On compte pour la construction des rayonnages de bibliothèque qu’on loge de 35 à 40 volumes au mètre linéaire. Mais aux volumes, il faut ajouter ce qui tient en peu d’espace : articles, échos de presse, courts témoignages, vindictes ou dissertations, logorrhée informatique, qui ont été par centaines, flot libéré brillamment dès janvier par notre gracieux ministre de la Culture – soit six mois avant l’anniversaire réel de sa mort, que Céline a eu le bon goût de situer pile au milieu de l’année 1961, ce qui rend légitime l’étalement des festivités sur l’année entière. Les morts de janvier risquent l’oubli dès le printemps, et ceux de décembre le débordement sur l’an suivant où ils se diluent.
De ce mètre linéaire et de ces myriades d’articles qui volettent au-dessus des volumes, comme poussière qui s’en échappe pour retomber bientôt, voici ce qu’on retient ou rejette, au gré de chacun, et sans garantie d’exhaustivité. Le premier opus à voir le jour est aussi, chose étrange, celui qui a le plus vite disparu : achevé d’imprimer à de nombreux exemplaires dès la fin de 2010 pour être fin prêt en janvier, le crû 2011 des Célébrations nationales est devenu une curiosité bibliophilique, ce à quoi sa présentation d’annuaire ou de catalogue de vente par correspondance ne le destine pas habituellement. Il a fallu que dans la section « Littérature et sciences humaines », qui vient en second après « Institutions et vie politique », se trouvent trois pages (98-100) consacrées à Céline, pour que la distribution en soit arrêtée brutalement et le volume voué à la destruction. Un arrachage de ce texte de circonstance, dont la présence a été jugée un peu tard difficile à soutenir, aurait amputé une page du prix Nobel de Maeterlinck qui le précède, à la table il aurait bien fallu faire disparaître, avec l’Odieux, Jean Cayrol, La Tour du Pin, Troyat, Maeterlinck à nouveau, Cendrars, Frantz Fanon et Michel Foucault, et quant aux pages 291-292 de l’index, l’extirpation de Céline aurait entraîné une hécatombe de A à P.
Pourtant, le texte autorisé d’Henri Godard, commandé et approuvé, avait de pondéré et de mise à distance tout ce qu’il convient aux moments solennels. Il faut croire que le célébré, lui, ne s’y laisse jamais plier. Cette pantalonnade a suscité de nombreux commentaires d’inspirations diamétralement opposées. On ne saurait dire si, privé de ce lancement magistral, le millésime aurait connu le même succès éditorial.

>>> Lire la suite : Commander un exemplaire de ce numéro à :
DU LEROT, éditeur
16140 TUSSON
Le numéro 25 €. 

 Abonnement 1 an, 80 € à :
HISTOIRES LITTERAIRES
32, Av. de Suffren
75015 PARIS

Jean-Paul LOUIS
Histoires littéraires, revue trimestrielle consacrée à la littérature française des XIXè et XXè siècles, (janvier-février-mars 2012), vol. XIII, n°49.


Au sommaire de ce numéro :

Études
M. Reid : Des femmes dans l'histoire littéraire
L. Bihl : Victor Bohain, le chevalier de papier
Documents
Un inédit d'Antonin Artaud
J.-P. Goujon : Une lettre d'Ange Pechméja
Propos
J.-P. Louis : Céline millésime 2011
Petites coupures
H. Scepi : Baudelaire au miroir d'un siècle qui s'enfuit
Entretien avec Henri Béhar
En lisant Histoires littéraires, par Delfeil de Ton
Chronique des ventes et des catalogues
En société
Livres reçus

lundi 23 avril 2012

71 Gower Street : l'appartement de Louis-Ferdinand Céline à Londres en 1915

En octobre 1914, Céline revient blessé des Flandres. Réformé en 1915,  il sera déclaré apte à occuper à partir du mois de mai un emploi au Consulat général de France à Londres, qu'il conservera jusqu'à la fin de la même année. Comme nous le précise François Gibault dans le premier volume de sa biographie (Céline 1894-1932) "c'est sans doute la période la plus obscure de la vie de Céline, au sujet de laquelle il ne s'est jamais étendu et dont il ne subsiste qu'un témoin, Georges Geoffroy, lui-même attaché au bureau des passeports du Consulat, où il vit un jour arriver Louis avec "sa batterie de cuisine", c'est à dire avec sa médaille militaire et sa croix de guerre. Comme Georges Geoffroy habitait au 71 Gower Street un appartement meublé trop vaste et trop coûteux pour lui seul, il demanda à Louis de le partager." Voici une photo de cet immeuble. (photo prise en 2009, DR).

dimanche 22 avril 2012

Le Petit Célinien - Lettre d'actualité n°25

Pour recevoir gratuitement par courriel à chaque parution la lettre d'actualité du Petit Célinien, laissez-nous votre mail à l'adresse habituelle : lepetitcelinien@gmail.com.

Le Petit Célinien - Lettre d'actualité n°25.

samedi 21 avril 2012

Louis-Ferdinand Céline - 1er mai 1917 - Retour d'Afrique

Louis Destouches vers 1916
Le RMS Tarquah
Le 1er mai 1917, le RMS Tarquah de l'Affican Steamship Company entre dans le port de Liverpool, en provenance d'Afrique, avec à son bord Louis Destouches dans un très piètre état. Il a vingt-deux ans et vient de passer un an au Cameroun, protectorat allemand occupé par les Anglais et les Français, au service de la Compagnie forestière Shanga-Oubangui. Après quelques mois au consulat de Londres où il avait découvert les bas-fonds et s'était même marié, le jeune réformé avait quitté l'Europe pour un poste en Afrique de « surveillant de plantations ». Avant même de débarquer à Douala, Louis avait écrit à ses amis pour leur faire part de sa désillusion. Ainsi, le 1er juin 1916, de Lagos, à Simone Saintu : « Votre vieil ami a bien changé, il est devenu encore plus vilain qu'avant, couleur rieur citron, secoué par une fièvre qui paraît m'affectionner, légèrement rendu myope par les doses exorbitantes de quinine absorbées, transpirant ou grelottant suivant les heures. » Et, le lendemain, à Albert Milon : « Rien n'est plus triste que les visages des colons d'ici jaunes, languissants, l'air miné par toutes les fièvres possibles. Tristes épaves dont la vie semble s'échapper peu à peu, comme absorbée par un soleil qui noie tout et tue infailliblement ce qui lui résiste.» Dès son arrivée à Douala, il est envoyé à Bikobimbo, village de la tribu des Pahouins, plus ou moins anthropophages, à vingt-sept jours de marche de Douala, à onze jours du premier Européen. En ce lieu perdu d'une terre étrangère, Louis Destouches souffre de solitude. Une des constantes de sa vie. Il s'organise du mieux qu'il peut, avec les moyens du bord : « du matin au soir je me promène entouré d'épais voiles contre les moustiques. Je fais ma cuisine moi-même de peur d'être empoisonné. Je m'intoxique à la quinine et à pas mal d'autres drogues pour me protéger des fièvres » (28 juin 1916, à Simone Saintu). Il est armé en permanence et craint d'être mangé par ses clients ou par ses employés. Et en plus, il n'aime pas les Noires : « Jamais je n'ai été aussi sage, j'ai horreur des Noires j’ai trop aimé les Blanches. » (14 septembre 1916, à ses parents). Louis se fait envoyer des livres, il lit le plus possible et s'adonne déjà un peu à la médecine : « Je tâche de faire un peu de bien, je suis à la tête d'une pharmacie, je soigne le plus de nègres possible, quoique je ne sois nullement persuadé de leur utilité » (12 octobre 1916, à Simone Saintu). Il se livre aussi à des petites expériences : « Pour me convaincre de visu de la nocivité des alcools, je fais sur les singes de petites expériences. ( ..) Vous me direz que les hommes ne sont point des gorilles, j'agrée¬rai en faisant toutefois certaines et même de nombreuses réserves. » (même lettre à Simone Saintu). Loin des combats, il suit les événements du front sur lesquels il jette un regard froid. Révolté contre les horreurs de la guerre, Louis rentrera d'Afrique avec le même sentiment d'indignation contre la condition faite aux Africains par l'Administration coloniale, qu'il exprimera avec autant de force que d'humour dans Voyage au bout de la nuit : « La chasse ne donnait guère autour du village, et on n’y bouffait pas moins d'une grand-mère par semaine, faute de gazelles.» Et ceci : « quelques tribus, extrêmement disséminées croupissaient çà et là entre leurs puces et leurs mouches, abruties par les totems en se gavant invariablement de maniocs pourris. ( ..) Peuplades parfaitement naïves et candidement cannibales, ahuries de misère, ravagées par mille pestes.» Et aussi : « La trique finit par fatiguer celui qui la manie, tandis que l'espoir de devenir puissants et riches dont les Blancs sont gavés, ça ne coûte rien, absolument rien! » Et encore : « Faut les voler avant qu'ils vous volent, c'est ça le commerce.» Enfin, pour en finir avec l'Afrique : « C'est par les odeurs que finissent les êtres, les pays et les choses. Toutes les aventures s'en vont par le nez j’ai fermé les yeux parce que vraiment je ne pouvais plus les ouvrir. L'odeur âcre d'Afrique, nuit après nuit, s'est estompée. Il me devint de plus en plus difficile de retrouver son lourd mélange de terre morte, d'entrejambes et de safran pilé. » 

François GIBAULT 
Figaro Hors-série, 2011. 

Sur le sujet : 
> Cahiers Céline IV : Lettres et premiers écrits d'Afrique, 1916-1917, Gallimard, 1977.
> Laurent Simon & Gaël Richard, « Retour au Cameroun », in L'Année Céline 2007, Du Lérot, 2008.

vendredi 20 avril 2012

Le poème rentré de Louis-Ferdinand Céline par Suzanne Lafont (1999)

« Il ravalait ma poésie, il crachait sur ma rose ».
Rimbaud, Un cœur sous une soutane.

Dans Bagatelles pour un massacre (1), Céline, désireux d'approcher le corps des danseuses, se voit refuser ses ballets par l'Opéra; il y voit l'effet d'un complot juif et explique sa furie à Gutman, son intermédiaire, en ces termes : « Tu me fais rentrer ma jouissance... [...] Tu vas voir ce que c'est qu'un poème rentré ! [...] Ah ! tu vas voir l'antisémitisme ! ».
Cette phrase où se trouvent liées les questions de l'écriture, du désir et de l'idéologie invite à aller à la recherche de ce « poème rentré » qu'on ne connaît que sous sa forme « dérangée » dans les pamphlets ou « dérobée » dans les romans : quelle sorte de poème Céline a-t-il rentré, pour quelles raisons et avec quelles conséquences, telles sont les interrogations qui permettent peut-être de repérer le point où la machine célinienne s'est enrayée jusqu'à produire le délire raciste que l'on sait mais auquel l'oeuvre ne se réduit pas.

Il m'a semblé que ce «poème rentré» renvoyait à Rimbaud, si scandaleux que puisse paraître le rapprochement. Céline n'évoque qu'incidemment Rimbaud dans une lettre à Hindus (2), mais cela rend paradoxalement plus plausible le lien que je vais essayer d'établir : Céline ne pratique pas la révérence, encore moins avec ceux dont il se sent soit le complice (comme Vallès) soit le rival (Proust) ; il a même l'art de brouiller les pistes, de rendre imperceptible une alliance afin de mieux garder le secret de ses complicités (c'est ce qu'il fait avec l'anarchisme libertaire comme l'a démontré Yves Pages (3)). On peut prendre pour emblème de cette esthétique de la clandestinité une phrase de Bardamu sur son double Robinson (4) dans l'épisode africain de Voyage (p. 170) : « En tout cas il pouvait compter sur mon silence et ma complicité ».
Le poème rentré de Céline l'est ainsi doublement : il ne s'exhibe pas comme tel et ne livre pas ses références. C'est cette stratégie du «retranchement» qu'il convient d'analyser : retrancher, c'est à la fois enlever et protéger par des fortifications, tenir en retrait et maintenir en instance. Il faut donc sortir le poème de ses retranchements, c'est-à-dire des romans et des pamphlets : Céline invite son lecteur à faire un travail de sage-femme qui doit accoucher un texte en convulsion, intriqué à une crise de l'histoire et du sujet de cette histoire. Le narrateur célinien de la trilogie allemande en appelle fréquemment à ce type de collaboration qui rend si malaisé un rapport serein à son oeuvre.
Il ne s'agit pas d'identifier les sources du texte célinien, à moins d'entendre par source le lieu d'où partir afin d'opérer « le dégagement rêvé » dont parle Génie (5) : la plus grande fidélité de Céline à Rimbaud est sans doute de défaire les liens de filiation, de paternité et d'autorité pour tenter d'en constituer d'autres, dissidents, nomades. Rimbaud aussi a dû en découdre avec ses pères, réel, symbolique et littéraires (Hugo, Banville et Baudelaire). C'est pourquoi la parenté entre les deux œuvres n'obéit pas au modèle de l'arbre généalogique, elle dessine plutôt une constellation ou un rhizome — je suis en cela les concepts proposés par Deleuze et Guattari à propos de Kafka (6). Il est bien évidemment alors que, dans tout ce qui va suivre, il sera question du Rimbaud de Céline, du mythe de Rimbaud tel que Céline se l'est approprié.
Il ne s'agit pas non plus de repérer les seuls effets d'intertextualité : si Céline poursuit l'aventure rimbaldienne, s'il reprend le fil, comme on dit en broderie, cette reprise déborde le cadre textuel et elle a une connotation libertaire : c'est « la reprise individuelle d'un bien commun » confisqué par l'institution littéraire que Céline appelle « L'Académie Pompes et funèbres ». Même s'il arrive à Céline de renvoyer textuellement à Rimbaud dans Mort à crédit ou de marcher sur ses traces dans l'Afrique de Voyage, le plus souvent il le trafique, il le bricole, il couple cette oeuvre-vie à la sienne, les inscrivant toutes deux dans une perspective plus vaste où elles se font écho à travers les déflagrations de l'histoire. Entre Rimbaud et Céline, il faudrait imaginer une course de relais interrompue par le silence de Rimbaud et les événements historiques : entre eux deux, il y a la défaite des idéaux de la Commune et la fracture de la guerre de 14. Comment poursuivre l'aventure poétique dans l'effondrement général du monde et de la pensée dont Artaud a fait entendre les cris ? (7) Rimbaud, dans la Lettre à Demeny, évoquait déjà l'épuisement possible du Voyant, et l'imaginait passant le relais à « d'autres horribles travailleurs » qui « commenceront par les horizons où l'autre s'est affaissé ». Cette image se retrouve dans le finale de Voyage : « Mon trimbalage à moi, il était bien fini. À d'autres ! » (p. 500).
Mon propos est donc de faire entrer en résonance les deux œuvres et de décrire leurs interférences (8). Si un nom propre vient plutôt qu'un autre, Rimbaud ici, c'est qu'il a des propriétés spécifiques : c'est le nom  d'un type de parcours plutôt que celui d'un auteur. Il permet de concevoir une oeuvre comme recherche, et la poésie comme toujours menacée par sa propre parodie. Ce qui rapproche Rimbaud et Céline, c'est en somme une affinité de devenirs et la ligne de fuite musicale qu'ils proposent.
Il se peut bien que les échos de cette rencontre soient en partie imperceptibles à Céline lui-même, pour plusieurs raisons qui tiennent à son refus affiché de toute nostalgie, à ses rapports contrariés avec la figure de l'Autre qui comme tel ne peut être reconnu qu'altéré, mais surtout parce que le poétique, tel qu'il le définit lui-même (9), est l'art de faire entendre l'inaudible à soi-même autant qu'au lecteur et de le rendre sous la forme d'une cadence émotive. Rimbaud me paraît présenter pour Céline cette figure de l'Autre nécessaire à la composition de l'oeuvre, l'Autre étranger et familier, archaïque et actuel. Rimbaud est peut-être, pour Céline, la première figure fantasmée du juif errant, le maître de l'Alchimie du Verbe, et pour cette raison il ne coïncide pas exactement avec celui des antisémites (10) : la formule de Rimbaud écrivant dans Mauvais sang qu'il est « de race inférieure de toute éternité » n'est pas si loin de celle de Céline dans Voyage qui définit la race comme « un ramassis de miteux » et qui, dans Rigodon, qualifie le sang gaulois de « prétentieux et christianémique ».
Avant de relire Voyage comme une balade en Rimbaldie — ce que nous nous réservons de faire une autre fois — , la lecture du prologue de Mort à crédit permet de repérer le lien avec Rimbaud qui va de l'apparent canular à la réécriture minutieuse des Lettres du voyant, Alchimie du verbe ou encore Nuit de l'enfer. Céline y est à la recherche d'une poétique qui ne soit pas un genre mais une « musique savante », pour reprendre l'expression de Rimbaud dans Conte. Il conviendra, plus tard encore, de suivre, des pamphlets à la trilogie allemande, le fil de la ritournelle (11) du juif errant. Quoi qu'il en coûte de l'admettre, les pamphlets présentent aussi un art poétique, et un livre comme Nord en est la réalisation la plus aboutie. La grande invention de Céline est, me semble-t-il, d'établir des passerelles entre des genres inconciliables, de mettre en oeuvre un concert de disharmonies mélodiques : étrange musique à coup sûr mais en laquelle un musicien comme Varèse s'est reconnu (12). 

LES INDICES DE LA PISTE RIMBAUD DANS MORT À CRÉDIT

Ces indices relèvent au premier abord du canular : de même qu'un certain Arthur au début de Voyage forçait Bardamu à parler et à partir à la guerre puis en Afrique, c'est l'oncle Arthur dans Mort à crédit qui donne à Ferdinand, le narrateur, ses premières idées de vadrouille (13). En plus de son prénom, Arthur emprunte bien des traits à son illustre prédécesseur; il chantonne une romance dont le titre semble un clin d'oeil : Un poète m'a dit (p. 120). Dans la hiérarchie des oncles, il vient après l'un de ceux que Rimbaud nommait les Assis, Antoine, le fonctionnaire, et avant Rodolphe, l'oncle complètement frappé qui s'engage dans un cirque. Arthur est proche de sa soeur Hélène au prénom rimbaldien (on l'entend dans Fairy (14)) qui s'est lancée à la poursuite d'un amant volage ; comme elle, Arthur est réceptif à tout ce qui est désir et musique — mais en plus subversif : il présente l'image du «vrai bohème vivant en marge de la société» (p. 61). Il aime les bateaux, des bateaux aussi ivres que lui, et il risque le naufrage en ramant à contre-courant sur un fragile esquif (15) qui frôle dans sa dérive un navire nommé allégoriquement «La Fleur des carrières» (p. 1 19) : on dirait un concentré du parcours de Rimbaud. Comme lui, il est réfractaire à tout travail, et il écrit ce mot vengeur là où il laisse des dettes : « je reviendrai jamais » (p. 118). Les commentaires de la famille font penser à ceux que Rimbaud provoquait : «Vraiment, cet Arthur! Il a des manières ignobles» (p. 162) « C'était plus possible sa fréquentation... Il nous débauchait... » . Dans la suite du roman, Ferdinand utilise l'expression «se faire appeler Arthur » qu'il s'applique à lui-même quand il se laisse ensorceler par la voix poétique de l'Anglaise Nora (p. 238). Inversement, le prénom de Ferdinand est donné par Rimbaud, dans Nuit de l'enfer, comme synonyme de Satan (16), ce qui convient bien au narrateur de Mort à crédit.


Suzanne LAFONT (Université Paul Valéry, Montpellier 3)
Littérature, N°116, 1999. Passage et langage. pp. 93-108.


Notes
1 - Bagatelles pour un massacre, Denoël, 1937, p 41. Voyage au bout de la nuit (Voyage), Denoël, 1932; édition choisie : Gallimard, «Folio», 1996. Mort à crédit, Denoël, 1936; édition choisie : Gallimard, «Folio», 1952. 
2 - Lettre à Hindus, Cahiers de l'Herne, 1972, p 1 15 : « On cherche toujours pourquoi Rimbaud est parti si tôt en Afrique — Je le sais moi — II en avait assez de tricher [...] Il y a une hantise chez le poète de ne plus tricher, d'où cette maladie chez eux de la Politique. »
3 - Y. Pages, Fictions du politique chez L. F. Céline, Seuil, 1994. Pour la complicité avec Vallès, je me permets de renvoyer à mon article : « Jacques et Ferdinand. Incipit du récit d'enfance », Les amis de Jules Vallès, Saint-Étienne, décembre 1994, n° 19.
4 - Le nom de Robinson peut être lu comme l'anagramme crypté (par le détour de l'anglais) de Rimbaud’son.
5 - pour Rimbaud, nous renvoyons à l'édition des Classiques Garnier, 1991.
6 - Deleuze et Guattari, Kafka, pour une littérature mineure, Éditions de Minuit, 1975. Dans cette constellation pourrait prendre place Molière, présence insistante dans l'oeuvre de Céline.
8 - P. Plouvier m'a précédée dans cette voie, créant la rencontre Nietzsche-Rimbaud dans Sous le regard de Nietzsche : Rimbaud ou le corps merveilleux, Théète éditions, 1996. Céline rencontre aussi sur sa route un Zarathoustra en guenilles car il revient de loin.9 - Dans Entretiens avec le Professeur Y par exemple (Gallimard, «Folio», 1955).
10 - C'est ce que montre l'écrivain israélien S. Zagdanski dans Céline seul (Gallimard, 1993).
11 - J'emprunte aussi ce concept à Deleuze et Guattari dans Mille Plateaux, Éditions de Minuit, 1980.
12 - Voir H. Jolivet, Varèse, Hachette, 1973, p. 85.
13 - Mort à crédit, p. 60-120.
14 - « Pour l'enfance d'Hélène frissonnèrent les fourrures et les ombres » (Fairy).
15 - « frêle comme un papillon de mai » (Le Bateau ivre).
16 – Satan, Ferdinand, court avec les graines sauvages » (Nuit de l'enfer).