mardi 30 juin 2009

Louis-Ferdinand CÉLINE sur Radio Courtoisie (2008)

Une émission a été consacrée à Louis-Ferdinand Céline sur Radio Courtoisie le mercredi 2 juillet 2008. Emmanuel Ratier recevait David Alliot, Alain de Benoist, François Gibault, Marc Laudelout et Henri Thyssens :  








David Alliot
Ce jeune célinien a déjà cinq livres sur Céline à son actif : une anthologie (Céline en verve), une biographie express (Céline, la légende du siècle), un album iconographique (Céline à Meudon) et une étude documentaire sur les années d’exil (L’affaire Louis-Ferdinand Céline. Les archives de l’ambassade de France à Copenhague, 1945-1951).






Alain de Benoist
Grand collectionneur de livres de et sur Céline. Auteur d’une monographie (Céline et l’Allemagne, 1933-1945). Prépare, en collaboration avec Arina Istratova et Marc Laudelout, une bibliographie (Tout sur Céline. Bibliographie, filmographie, phonographie, internet). www.alaindebenoist.com






François Gibault
Auteur de la première grande biographie sur Céline (en 3 volumes), conseil de la veuve de l’écrivain, éditeur de Rigodon et des Lettres de prison. Président de la Société des Études céliniennes.








Marc Laudelout
Fondateur de La Revue célinienne, puis du Bulletin célinien, éditeur de livres sur Céline (signés Pol Vandromme, Alain de Benoist, André Parinaud et Henri Poulain). A également édité des disques (Arletty, Albert Paraz, Robert Le Vigan,…). Lien wikipédia ici


Henri Thyssens
Éditeur de la correspondance de Céline à Évelyne Pollet (in Cahiers Céline, 5) et fondateur de la série Tout Céline (1981-1990), sorte d’argus célinien recensant les livres, manuscrits et lettres passées en vente. Spécialiste de l’éditeur Robert Denoël auquel il consacre un site Internet.

lundi 29 juin 2009

Le Petit Célinien n°10

Le Petit Célinien n°10 :

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Le Petit Célinien n°10 - Semaine du 22/6/2009.

Au sommaire:
- Les idées politiques de LF Céline (I)
- Dresde : "écrabouillage et friterie totale au phosphore"
- Céline par Gilberto Giovagnoli
- LF Céline - Yvon Morandat
- Lectures

vendredi 26 juin 2009

Les idées politiques de Louis-Ferdinand Céline par J. Morand

Extrait de Les idées politiques de Louis-Ferdinand Céline de Jacqueline Morand, 1972 (réédition en 2010 chez Ecriture):

Au-delà de l'antisémitisme : Céline et le mythe national

L'antisémitisme de L.-F. Céline ne peut être apprécié sans tenir compte du style original et turbulent du romancier, style qui évoluera d'ailleurs d'un pamphlet à l'autre. Cette progression du ton célinien est liée à l'évolution de sa pensée qui l'entraîne, après Bagatelles pour un massacre, bien au-delà de l'antisémitisme.

I. - Le ton célinien

A. — Un style
Le style de Céline révélé par les romans est la seule invention dont il se soit réellement enorgueilli. Ce « rythme impétueux et indomptable d'un langage qui prend le siècle aux entrailles (1) » fut mis au service des pamphlets. S'y retrouvent en un même torrent tumultueux, l'argot lyrique, l'usage immodéré des points d'exclamation et de suspension, la fréquence des néologismes, des calembourgs mis au point dans Mort à crédit. Ample, turbulent, sans contrainte ce style qui s'épanouit dans Bagatelles donne en comparaison, selon Léon Daudet, l'aspect d'un « verre d'eau de fleurs d'oranger » à « La France juive » de Drumont et celui d'un « conte de Berquin » au « Juifs, rois de l'époque » de Toussenel. Le polémiste de L'Action française est catégorique :

Il n'existe pas dans notre littérature, depuis Ménippée et les poèmes d'Agrippa d'Aubigné de pareil hurlement de colère répercuté par les échos d'une syntaxe parlée, musclée, gaillarde et nue comme une fille du grand Courbet. (2)

Ce style va se conjuguer à merveille avec deux attitudes que l'écrivain a érigées en systèmes : l'outrance et la provocation. L'outrance, cette complaisance à amplifier, généraliser, à se lancer dans des thèses hasardeuses, à ne pas mesurer ses arguments ou à n'en point chercher. Ne confiait-il pas à Robert Poulet :

Tout se gâte par l'excès de raison, à mesure que la société devient plus rationnelle, plus logique, cartésienne. Les Français surtout ont la rage des explications (3).

Il y a pour Céline une impossibilité à la mesure, à la modération. Pensée trop tumultueuse, préoccupation d'un maniaque du "verbe", le moindre fait banal et quotidien prend avec lui la
mesure d'une épopée. Aux visions hallucinatoires qu'engendre une imagination riche, se mêlent dans l'esprit tourmenté de l'auteur la sollicitation des mots et de leur rythme. Le propos d'André Gide : "Ce n'est pas la réalité que peint Céline, c'est l'hallucination que la réalité provoque » (4) exprime parfaitement ce « ton » célinien. Ces échappées saisissantes dans les domaines de l'inconscient s'épanouissent magnifiquement dans les pamphlets, genre littéraire qui permet le mieux ce laisser-aller à la démesure. Cet étonnant passage de L'Ecole des cadavres illustre bien ce déferlement des hallucinations transcrit exactement par la richesse verbale et le rythme haletant de la phrase :

Toules les vallées ouraliennes, budipestiques, tartariotes, verminent, regorgent littéralement de ces foisons d'opprimés ! Et que ça demande qu'à foncer, déferler irrésistibles, à torrents furieux, renverser les digues, les mots, les prévenances, votre fol boccage ! et vous, l'oiseau cuicuiteur ! noyer tout ! Tous les souks,tous les brousbirs, lotis les khans, toutes les kasbahs, tous les sanhédrins, tous les caravansérails, tous les Comintern de tous les deltas empuants de toutes les véroleries du monde déverseront d'un seul coup toute leur ravagerie truande, toute l'avalanche démocratique de leurs mécréants en famine depuis cinquante siècles sur vos os ! (L'Ecole des cadavres, p. 95)

Il semble alors que l'écrivain se laisse entraîner par le rythme intense du verbe et que la violence du fond procède de la violence de la forme. Ce combattant attaque aveuglément ne connaissant que l'offensive. Il a besoin de panache, de brio, il parade, défie, il ne se soucie d'efficacité mais de rutilance. C'est pourquoi on a pu dire que Céline était le plus mauvais propagandiste qui soit. André Gide l'accusait de faire tout ce qu'il pouvait pour ne pas être pris au sérieux. Les pamphlets sonnent haut et ne sonnent pas juste. Céline s'en est expliqué lui-même, et la phrase est curieuse :

La politique, c'est la colère !... et la colère... est un péché capital oubliez pas ! celui qui est en colère déconne... (Entretiens avec le professeur Y, p. 19)

On ne lira donc pas les pamphlets ligne à ligne, mot à mot. On s'efforcera de s'adapter au « ton » célinien pour saisir sous l'apparence des mots la vérité de l'auteur et de sa pensée. On notera aussi que ce style a évolué d'un pamphlet à l'autre.

B. — L'évolution à travers les pamphlets
Avec le premier manifeste antisémite de Céline Bagatelles pour un massacre, une remarque s'impose : Bagatelles se rattache au genre romanesque, fait la transition entre les romans Voyage au bout de la nuit, Mort à crédit et les deux réels pamphlets L'Ecole des cadavres et Les Beaux Draps. Les critères du roman : personnages et construction, se retrouvent dans Bagatelles pour un massacre. Les personnages, à part Ferdinand, sont au nombre de trois, trois copains pratiquant la discussion avec autant de plaisir que Céline : un médecin juif Léo Gutman, le cousin Gustin Sabayotte et le peintre Popol. A la suite des démarches vaines de Gutman, qui a des relations, pour faire monter les ballets de Ferdinand, ce dernier décide de partir en croisade contre les Juifs. Il essaye de convaincre Popol à sa cause, puis Gustin Sabayotte. Devant son cousin, Ferdinand monologue l'espace de 150 pages. Gustin réplique, ne réussissant qu'à exciter davantage son irrascible vis à vis. Le livre se termine par un nouvel entretien avec Gutman et 20 pages sur la Russie. La construction est insolite sans doute, mais n'en existe pas moins.

Dans Bagatelles pour un massacre l'antisémitisme n'a qu'une place secondaire. Il y a trois thèmes dans l'ouvrage : le thème de la décadence, l'antisémitisme et ce que l'on pourrait appeler le populisme. Le thème de la décadence entraîne les deux autres. Ayant décidé que les Juifs étaient responsables et profitaient de la décadence de la France, Céline les prend à partie mais il paraît érronné de faire de l'antisémitisme le thème principal du livre. Enfin, les armes employées pour soutenir la polémique sont fréquemment l'ironie et le sarcasme. Il s'agit d'une discussion entre deux compères qui feront assaut d'humour, parade fanfaronne, pour briller l'un auprès de l'autre.

Dans L'Ecole des cadavres, le ton est différent. Il s'agit réellement d'un pamphlet. Une déconcertante introduction, vaguement romancée, ouvre le livre mais tout le reste est du domaine de l'invective. Parfois même une sorte de double de Céline intervient pour le rappeler à l'ordre :

Mais alors, dites donc ferdinand, vous allez pas terminer ce genre prétentieux ? Ces effets captieux ? Ces paradoxes imprécatoires ? Ce phrasouillis vétilleux ? Où que vous partez en zig-zag ? Vous allez pas aboutir ? Abrégez un peu vos facondes. (L'Ecole des cadavres, p.211)

Les thèmes de l'Ecole des cadavres se ramènent à trois principaux : le pacifisme, l'antisémitisme, et le rapprochement franco-allemand. C'est le pacifisme qui, dans ce pamphlet entraîne l'antisémitisme. Sentant la menace de la guerre, quasi inéluctable, Céline écrit sous l'empire de la peur et de la colère. L'ironie et le sarcasme de Bagatelles font place à des invectives beaucoup plus violentes parce qu'angoissées. Il n'y a aucun souci d'humour, aucune concession au burlesque.

Les Beaux Draps sont aussi un pamphlet, mises à part les quelques pages finales. Le thème des Beaux Draps c'est l'espoir de Céline en une possible rénovation nationale. L'écrivain exprime son amertume devant la situation de la France, mais manifeste pour la première fois une certaine confiance en un redressement national dont le racisme serait l'un des moyens. Ecrits par un Céline amer et douloureux après la défaite, Les Beaux Draps témoignent d'une modération dans le ton, style plus classique, invectives accompagnées de conseils et de voeux, insolites dans l'ensemble de l'oeuvre.

Cette progression dans le ton des pamphlets se relie à une progression dans les thèses. Il y a une évolution dans l'antisémitisme de Céline qui devrait permettre d'en apprécier le sens réel et la portée.


Notes
(1) Robert Poulet, Entretiens familiers avec L.-F. Céline, Plon, 1958, p. 8.
(2) L'Action française, 10 février 1938.
(3) Robert Poulet, Entretiens familiers avec L.-F. Céline, Plon, 1958.
(4) André Gide, NRF, avril 1938.

jeudi 25 juin 2009

Louis-Ferdinand Céline "parfaitement simple et parfaitement bon"

"Le Docteur Destouches serait un beau titre de roman et la place qu'y occuperait le médecin ne serait ni médiocre, ni banale - le docteur des pauvres était un vrai docteur, non un amateur - . J'ai pénétré dans l'intimité du praticien quand il a soigné mes enfants et, plus tard au milieu de ses malades, au dispensaire de Clichy... Une patience, une bonté, une gentillesse infinies, jamais découragées. Ceux qui jugent Céline uniquement d'après la véhémence de ses pamphlets ne peuvent imaginer l'homme de qualité, le soigneur qu'il était, parfaitement simple et parfaitement bon."

Lettre d'André Pulicani.

mardi 23 juin 2009

Louis-Ferdinand CÉLINE & Yvon MORANDAT

«Oui Yvon Morandat occupe mon local 4 rue Girardon - voilà un homme qui doit tout à Hitler — sans Hitler ce pignouf n'aurait jamais songé à venir faire des enfants dans mon lit... » (Du Danemark, à Victor Carré.)

«C'est Morandat foireux de 1939 qui occupe mon plumard, c'est la crapule Vox qui exploite mes livres et me salit à tour de bras [...] Je n'ai qu'un désir : rejoindre ma pauvre mère au Père Lachaise.» (A Albert Paraz, 20 août 1947.)

«Mon occupant rue Girardon m'a foutu à la poubelle la suite manuscrite de Guignol's band et encore trois autres romans en train. C'est un dénommé Morandat, ami de de Gaulle. Il écrit dans la Seine ! L'organe des noyés ? Il me hait ce Morandat parait-il.»

MORANDAT, Yvon [né Léon –] (1913-1972). Colonel Moïse - colonel Moimoi. Issu du milieu agricole, syndicaliste chrétien, mobilisé en 1939, il participa à la bataille de Narvik puis partit rejoindre la France Libre. Parachuté en France en 1941, renvoyé à Londres en raison de désaccords avec Jean Moulin en novembre 1942, il devint membre de l'Assemblée consultative d'Alger (1943). De retour en France en janvier 1944, il participa à la prise de possession de l'Hôtel Matignon le 25 août, et fonda l'Agence européenne de presse qu'il présida (1944-1947). Attaché au cabinet de Jules Moch, ministre de l'Intérieur (1947), il entra au conseil d'administration des Houillères de France (1949-1969). Gaulliste, membre fondateur du R.P.F (1947), il en est le délégué à l'Action ouvrière en 1951. Sur le conseil de Madame Chamfleury il occupa l'appartement de Céline 4, rue Girardon après son départ le 17 juin 1944, qu'il prit soin de faire vider dans un garde-meubles. Résistant, Compagnon de la Libération et membre du M.R.P., le journaliste habitait l'appartement en 1946 avec sa femme Monique (1920). À son retour du Danemark, Céline refusa la restitution des papiers et des meubles, arguant que les « définitifs manuscrits» avaient été pillés par les épurateurs, thème repris dans une lettre à Milton Hindus du 29 août 1947 : « Morandat [...] a jeté aux ordures mes manuscrits de trois romans que j'avais en train... la fin de Guignols !». Les meubles, dont Morandat lui demandait de régler les frais de garde à compter du 31 décembre 1951, furent vendus après transaction. Dans la version C de Féerie, Céline attaque le colonel Moïse, qui « a fait un petit tour à Londres» avant de retomber dans son lit rue Girardon.

Bibliographie : Céline 3 - Romans IV, Féerie C 869, 884-885, 890 ; Nord 505.

Sources
- Philippe Alméras, Dictionnaire Céline, Plon, 2004.
- Gaël Richard, Dictionnaire des personnages, noms de personnes, figures et référents culturels dans l'oeuvre romanesque de LF Céline, Du Lérot, 2008.

 En savoir plus :

> Le Point, 6 octobre 2022 (enquête sur Yvon Morandat)

Photos : Morandat dans l'appartement de Céline, rue Girardon, pour le magazine "Point de vue" en janvier 1946



 

lundi 22 juin 2009

Le Petit Célinien n°9

Le Petit Célinien n°9:

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Le Petit Célinien n°9 - Semaine du 15/6/2009.

Au sommaire :
- Rencontres céliniennes à Puget-sur Argens
- Lettres de Céline à Léon Daudet du 30/12/1932
- Les jeunes filles en fleur de Siegmaringen
- Nietzsche, Céline et les trois degrés de l'illusion
- LF Céline - Nicolas Sarkozy
- "Il ramène un peu de New York dans sa ville natale"
- Vient de paraître

vendredi 19 juin 2009

Louis-Ferdinand Céline - Nicolas Sarkozy

Longtemps, le chef de l'Etat n'a évoqué qu'un seul grand écrivain : Louis-Ferdinand Céline. Pas le moins sulfureux...

"On peut aimer Céline sans être antisémite, comme on peut aimer Proust sans être homosexuel !" glissait Nicolas Sarkozy à propos de Céline, son "écrivain préféré", à quelques journalistes qui l'accompagnaient en Inde, en 2008. Une sentence ferme visant à justifier son goût pour un auteur qui, il le sait, sent le soufre. Un goût plutôt courageux pour un président - on se souvient que Pompidou préférait réciter du Saint-John Perse, Valéry Giscard d'Estaing relire Maupassant et François Mitterrand se perdre dans les méandres de Chardonne...

En 1996, déjà, Sarkozy confiait à L'Officiel Hommes : "Tenez, prenez Céline. Voilà un homme qui n'était qu'un médiocre médecin de banlieue. Un jour, il écrit Voyage au bout de la nuit. Cela me fascine ! Cette action qui consiste à donner plus, ce ressort qui vous pousse à vous surpasser, à créer et agir par passion. Tout est là !" Toute ressemblance avec...

Mais le président, à qui ses collaborateurs ont offert un autographe de l'écrivain pour son 53e anniversaire, en janvier 2008, ne se contente pas de célébrer les mérites du trop fameux Voyage. Plus audacieux, il lui est aussi arrivé de confesser son penchant pour Nord, un roman paru en 1960 et considéré par les céliniens comme le sommet de l'oeuvre avec D'un château l'autre. Un penchant politiquement très incorrect, car, entre Voyage et Nord, Céline a signé des pamphlets antisémites (dont Bagatelles pour un massacre) et s'est réfugié dans l'Allemagne nazie à la fin de la guerre. Et Nord contient nombre de passages où affleure, sous une plume géniale, un racisme à peine voilé.

Il est une autre personne à revendiquer de longue date son amour pour Céline : Carla Bruni. Avant de rencontrer son futur époux, elle avait même demandé à un ami écrivain de la présenter à Lucette Destouches, l'épouse de l'écrivain qui, à 96 ans, vit toujours dans la maison de Meudon où le romancier a fini sa vie, en 1961. Carla est donc "montée" route des Gardes, pour un mémorable moment. "A la fin, Lucette et Carla sont tombées dans les bras l'une de l'autre", se souvient un convive.

Mais pourquoi lui et pas un autre ? Il est une phrase du romancier maudit que Nicolas Sarkozy cite régulièrement : "Le style, c'est final." Elle permet peut-être de deviner ce qui attire tant le président chez l'auteur de Voyage : une méfiance viscérale envers les grandes idées générales et une célébration du "style" personnel. Tous deux se sont sentis des parias par rapport à leur milieu, l'un pour antisémitisme, l'autre pour "balladurisme" (c'est moins grave...). L'un a vécu l'exil au Danemark, l'autre une traversée du désert en Chiraquie. L'orgueilleux Céline s'était fixé pour but de rendre tous les autres écrivains contemporains "illisibles". Un peu comme Nicolas Sarkozy avec ses concurrents politiques ?

Jérôme DUPUIS
L'Express, 18 juin 2009

jeudi 18 juin 2009

Il ramène un peu de New York dans sa ville natale

Le Télégramme.com, 14/05/2009 : Loudéacien d'origine, Julien Le Coq expose pour la troisième fois au Printemps des livres. Cette année, il y revient avec des clichés de New York, en noir et blanc.

«J'ai rêvé de New York bien avant d'y aller». La citation, extraite d'une oeuvre de Philippe Guégan, ouvre la série de photographies de Julien Le Coq. Enfant du pays, Julien est surtout passionné par les grandes métropoles. «C'est fascinant tout ce qui se passe dans une ville. Sans bouger, on peut observer une foule d'événements et de personnes différents». Berlin, Buenos Aires, Jérusalem, New York. Quatre mégalopoles qui lui ont toutes inspiré une exposition.

Le noir et blanc pour suspendre le temps
À bientôt 30 ans, le jeune homme vit à Clermont-Ferrand . Il revient régulièrement à Loudéac, sa ville natale. Et dévoile, pour la troisième fois, ses photographies lors du Printemps du Livre. Un rendez-vous vécu comme «un retour aux sources, confie le photographe amateur. Cette année, j'ai choisi de prendre le contre-pied de ce que j'avais proposé par le passé». Ceux qui connaissent son travail n'y trouveront cette fois pas de clichés colorisés. Le photographe est revenu au noir et blanc. «Travaillée avec un appareil argentique, cette technique offre un rendu incomparable. Elle rend les lieux et les personnes immuables». Preuve en est, les textes qui accompagnent ses clichés. Françoise Sagan, Jean-Paul Sartre ou encore Louis Ferdinand Céline. Leur témoignage de New York colle étrangement aux oeuvres de Julien Le Coq.

«Mon travail évolue»
Ses photographies, Julien les a réalisés lors de deux séjours à New York, en 2003 et en 2008. Les tirages ont ensuite été effectués en collaboration avec l'association Photo argentique de Clermont-Ferrand. Une fois n'est pas coutume, le photographe a immortalisé des personnes. «Avant, je me concentrais sur les lignes architecturales. Cet esthétisme est toujours présent, mais mon travail évolue. La présence humaine lui donne du mouvement.» Manhattan, Harlem, les grattes ciels, le métissage des habitants... Des mots, sur lesquels Julien a mis des images.

Pratique Exposition «New York 20mm» s'est déroulée la semaine du 14 mai au Palais des Congrès de Loudéac.

mercredi 17 juin 2009

Louis-Ferdinand Céline : Tout est dans La Fête des Fous

Maître,

Aujourd'hui seulement ai-je pu trouver Candide et votre admirable article qu'il contient ! Quelle leçon ! Quelle splendide leçon !
Vous connaissez certainement Maître l'énorme fête des Fous de P. Brughel. Elle est à Vienne. Tout le problème n'est pas ailleurs pour moi...
Je voudrais bien comprendre autre chose je ne comprends pas autre chose. Je ne peux pas.
Tout mon délire est dans ce sens et je n'ai guère d'autres délires.
Je ne me réjouis que dans le grotesque aux confins de la Mort. Tout le reste m'est vain. A bientôt maître et très sincèrement reconnaissant.

Destouches

Louis-Ferdinand Céline, lettre à Léon Daudet, Vienne, le 30/12/1932.

A lire sur le sujet :
>>> Louis-Ferdinand Céline, la peinture et les peintres.
>>> La Fête des fous (Wikipédia)

Les intellectuels fuient-ils le débat ?

Pierre Assouline, La république des livres, 9/6/2009 : Est-il de plus en plus difficile d’organiser de véritables débats d’idées à la radio ? Le journaliste Emmanuel Laurentin en est convaincu. Et même dépité. Depuis des années, il anime l’émission La Fabrique de l’Histoire, tous les matins de 9h05 à 10h sur France-Culture. Or il voit un symptôme inquiétant dans le fait que désormais, de plus en plus souvent, les intéressés se dérobent à ses invitations sous différents prétextes, par crainte d’affronter de vive voix et face à face des contradicteurs avec lesquels ils sont en conflit ouvert mais par voie de presse écrite. Et Laurentin de citer sur le site de idéeAjour de récentes controverses sur les traites négrières, le rôle des Arabes dans la transmission de ses racines grecques à l’Europe chrétienne ou la médiatisation sensationnaliste de recherches sur la Shoah par balles. Selon lui, les intellectuels, de plus en plus crispés, préfèrent fuir plutôt qu’affronter :

Nous avons de plus en plus de mal à organiser des débats structurés et francs. Combien de débats en histoire tombent à l’eau, parce que finalement les acteurs d’une polémique ou d’un échange un peu vif ne veulent plus assumer leurs positions. Ici dans l’affaire Desbois, c’est l’interpellé qui se dérobe, mais dans d’autres cas comme pour Olivier Pétré-Grenouilleau ou bien Sylvain Gougenheim, il s’agit des accusateurs. Cette attitude de démission tue toute vitalité du débat public.

lundi 15 juin 2009

Céline, Nietzsche et les trois degrés de l'illusion...

... la vérité ne me suffit plus - il me faut une transposition de tout - ce qui ne chante pas n'existe pas pour l'âme - merde pour la réalité. Je veux mourir en musique pas en raison ni en prose [...].
Relation entre la réalité et mes écrits ? Mon Dieu c'est simple la vie objective réelle m'est impossible, insupportable - J'en deviens fou, enragé tellement elle me semble atroce alors je la transpose tout en rêvant tout en marchant... Je suppose que c'est à peu près la maladie générale du monde appelé poésie...

Louis-Ferdinand Céline, Lettre à Milton Hindus, 1947.

C'est un phénomène éternel : l'insatiable volonté, par l'illusion qu'elle déploie sur les choses, trouve toujours un moyen de tenir fermement en vie ses créatures et de les contraindre à continuer de vivre. L'un est captivé par le plaisir socratique de la connaissance et l'illusion de pouvoir guérir de cette manière l'éternelle blessure de l'existence, l'autre se prend à la séduction de ces voiles de beauté que l'art laisse flotter devant ses yeux, un troisième va chercher dans la consolation métaphysique l'assurance que sous le tourbillon des phénomènes la vie continue de s'écouler, indestructible; pour ne rien dire de ces illusions plus communes et presque plus puissantes encore que le vouloir tient prêtes à tout instant. Ces trois degrés de l'illusion sont de toute façon réservés aux natures les plus nobles et les mieux armées qui ressentent avec un dégoût plus profond le poids et la difficulté de l'existence et qui doivent recourir à des stimulants choisis pour tromper ce dégoût. Tout ce que nous appelons civilisation consiste dans ces stimulants : selon le dosage, nous obtiendrons plutôt, soit une civilisation socratique, soit une civilisation artistique, soit une civilisation tragique —ou bien, si l'on veut bien nous permettre de nous référer à des exemples historiques, une civilisation alexandrine, hellénique ou bouddhiques.
Notre monde moderne est tout entier pris dans le filet de la civilisation alexandrine et se donne pour idéal l'homme théorique armé des moyens de connaissance les plus puissants et travaillant au service de la science. Socrate en est d'archétype et l'ancêtre.

Friedrich Nietzsche, La naissance de la tragédie, § 18.

Le Petit Célinien n°8

Le Petit Célinien n°8:

Épuisé
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Le Petit Célinien n°8 - Semaine du 8/6/2009.

Au sommaire :
- Louis-Ferdinand Céline et les communistes.
- Rencontres théâtrales avec L.-F. Céline.
- Céline dans le Pléiade fin 2009.
- Céline, tempo d'enfer (Le Monde, 5/6/2009)
- Vient de paraître : Une histoire des gares parisiennes

dimanche 14 juin 2009

Louis-Ferdinand CÉLINE - Jean-Paul SARTRE (Apostrophes, 1985)

Apostrophes du 25/10/1985 : Bernard Pivot reçoit Annie Cohen-Solal, Anna Boschetti, François Gibault et Henri Godard qui viennent de publier des ouvrages consacrés à Sartre et Céline, et en grand témoin de l'émission Maurice Nadeau qui connut Sartre :

Louis-Ferdinand Céline par José Correa

samedi 13 juin 2009

Les livres les plus empruntés

Pierre Assouline, La République des Livres, 7/6/2009 : " LivresHebdo publie sur plusieurs pages et pour la première fois la “liste des meilleurs prêts en bibliothèque”. Un palmarès qui manquait. Après tout, en 2007, 6 millions de personnes ont emprunté plus de 132 millions de livres dans des bibliothèques municipales, ce qui n’est pas négligeable. Le résultat est rien moins que bouleversifiant : Titeuf (Zep), Tom-Tom (Jacqueline Cohen) et des mangas japonais trustent une grande partie du classement. A part la BD et la Jeunesse, rayon “littérature”, on trouve surtout du polar et du terroir, Rap de nuit (8ème) de Patricia McDonald, Le semeur d’alphabets (12e) de Jean Anglade, L’élégance du hérisson (14ème) de Muriel Barbery et puis Stieg Larsson, François Bourdin, Harlan Coben, Jean-Paul Malval, Colum McCann, Amélie Nothomb, présents mais minoritaires. Petite précision méthodologique : le classement a été dressé de janvier à octobre 2008 à partir du volume total enregistré dans les listes des 16 bibliothèques d’un échantillon réprésentatif, construites sur la base du nombre de prêts par exemplaire."

jeudi 11 juin 2009

Céline dans la Pléiade fin 2009

L'Express.fr, 10/06/2009 : "Annoncé depuis de longues années et toujours repoussé, le volume de Correspondance de Louis-Ferdinand Céline dans la collection de la Pléiade devrait sortir à la fin de 2009 ou au début de 2010."

mercredi 10 juin 2009

Louis-Ferdinand Céline : question des instincts...

"Question des instincts, je m'occupe que des regards"

Louis-Ferdinand Céline, D'un château l'autre, 1957.

mardi 9 juin 2009

"Lettres à Albert Paraz 1947-1957", de Céline : Céline, tempo d'enfer

Cécile Guilbert pour Le Monde a consacré un article à Louis-Ferdinand Céline à l'occasion de la réédition des Lettres à Albert Paraz 1947-1957 chez Gallimard :

"Lettres à Albert Paraz 1947-1957", de Céline : Céline, tempo d'enfer :

Le 13 mars 1951, sur le point de rentrer en France après six ans d'exil mouvementé et plus de 200 lettres à l'écrivain Albert Paraz, Céline lui fait cette confidence d'un genre rare : "J'aurais voulu m'offrir le chronographe Patek Philippe, le plus cher du monde, avec les heures qui sonnent, la lune, les jours - tout !" Dans cet émerveillement venu tout droit de l'enfance, émouvant désir de gosse, se lit aussi la sagesse instinctive de qui doit absolument reprendre la main sur le Temps, maudit fût-il. Posséder "un Temple et le Dieu du Temps dans sa poche" ? Pourquoi pas. Rappelons que c'est l'époque où Céline termine Féerie pour une autre fois qu'il songe à titrer La Bataille du Styx, voire Maudits soupirs pour une autre fois. Comme quoi, si "la seule catastrophe, c'est le Temps perdu", le salut consistera bien à le retrouver, en gloire, après avoir traversé l'Enfer en "fétichiste des secondes".

Emprisonné un an au Danemark en 1946 suite à une demande française d'extradition (1), puis hospitalisé mais toujours passible d'une condamnation à mort pour trahison, Céline est abrité avec sa femme, à partir de mai 1948, dans le cabanon de son avocat à Klarskovgaard. Là, il réattaque sa correspondance tous azimuts avec sa secrétaire (2), quelques amis, des éditeurs (3), le but étant de reprendre progressivement pied en France. Une stratégie dans laquelle Paraz, qui lui écrit dès juin 1947, va jouer un rôle important. D'abord réticent, Céline comprend vite le parti qu'il peut tirer de ce zélateur qui se démène comme un diable pour le faire absoudre et le défendra plus tard comme critique, n'hésitant pas, alors qu'il est complètement tabou, à publier ses lettres dans son Gala des vaches, fin 1948 - livre bientôt suivi d'un Valsez, saucisses intégrant le même procédé, deux ans plus tard. Instrumentalisation réciproque non dénuée d'arrière-pensées de part et d'autre ? Certes, mais qui fait néanmoins de Paraz le premier "éditeur" d'une correspondance célinienne et davantage encore.

"C'est le pageot qui compte"
Car Céline a beau se plaindre de "bouffer du néant" en bord de Baltique, ses lettres le montrent surmené : affaires éditoriales d'avant-guerre à régler, textes à envoyer (extraits de Casse-Pipe à Paulhan, A l'agité du bocal en réponse aux attaques de Sartre), recherche d'éditeurs suisses ou belges pour rééditions, mais surtout, défense à organiser dans la perspective de son procès. Dans ces tâches, Paraz le soutient, lui communique des articles, le tient informé des rumeurs. Qualifié dans d'autres lettres de "brave garçon pas bien réveillé assez agaçant par sa manie de discutailler sur des points de bêtises", de "furieuse commère" ou de "bien gentil" mais "courageux", Paraz est parfois maladroit, trop empressé, gênant. Céline le rabroue alors et l'envoie bouler en l'appelant "grand benêt" !

Impossible de détailler ici l'ampleur des imbroglios, ragots et carambouilles en fusion auxquels Céline réagit dans ses célèbres rafales d'éructations. C'est un régal d'humour ravageur dont il faudrait presque tout citer. Il ne s'agit pas de "bonheurs d'expression", mais d'un incessant tourniquet à trouvailles où les pépites éclatent en geysers, rafales musicales d'une langue en rut : "Ils nous font chier avec l'argot on prend la langue qu'on peut on la tortille comme on peut elle jouit ou elle jouit pas... c'est le pageot qui compte, pas le dictionnaire ! Les mots ne sont rien s'ils ne sont pas notes d'une musique du tronc..."

D'ailleurs, suffisamment de temps ayant passé pour établir solidement son dossier et que nous sachions à quoi nous en tenir sur son cas idéologique, Céline passionne ici beaucoup moins par sa victimisation lassante, ses arguties douteuses, ses injures haineuses, que parce qu'il écrit de la littérature, de ses contemporains, du milieu littéraire. S'adressant à un autre écrivain, il se livre ici comme nulle part ailleurs sur son art, se définissant comme "lyrique comique" et poète - "c'est pas loin du vers mon tapin". Ses livres ? "Des grandes machines à voix et trompettes et tambours - avec ballets mêlés." Ce qu'il crée ? des "jardins d'harmonies". Ecrire ? "Du boulot d'âme." Ce qu'il est ? "Musicien du français", "langue royale" - il n'en démordra plus, et c'est magnifique : "Loin du "parler français" je meurs - il y a peu de Français ou semi-Français actuellement en France qui aient véritablement besoin du français ! musique."

Car il y a la langue qu'il forge, lui, "création vivante", et le français "raplati, mort" des traductions. D'où ses diatribes contre la littérature américaine qu'il trouve, de ce point de vue, complètement surestimée : "Les banlieusards veulent de l'américain, ne bandant qu'à l'américain... du moment que ça leur vient du Carthage atomique ! Ils avalent toutes les merdes pourvu qu'on leur présente en chewing-gums !" Lucidité prophétique de Céline ? C'est l'évidence. L'Histoire ? "On n'en sortira que robots", par insensibilité ("90% des individus ont des nerfs en zinc... réagissent plus guère qu'aux bombes..."). Les auteurs ? "Ne tiennent que par l'effet publicitaire... Après leur premier livre, ils s'éreintent à se survivre - mais au fond ils sont déjà morts pour le public..." Les éditeurs ? "On tire, on empoche et on s'en va ! Au suivant !" Le livre ? "Agonique... ce ne sont plus des livres, les romans actuels, ce sont des scénarios - le cinéma bouffe tout..."

Demeure la grâce de lire - Montluc, Tallemant des Réaux, Vauvenargues, Chamfort, Voltaire, Chateaubriand, etc. "Que je suis jaloux des classiques", s'exclame-t-il un jour. "Je travaille classique moi", déclare-t-il un autre. Son heure viendra et il le sait : "Ma vénération pour le Temps est absolue". Patek Philippe peut garder son platine, Céline fourbit ses lingots en Pléiade.

Lettres à Albert Paraz, 1947-1957 de Céline. Nouvelle édition établie par Jean-Paul Louis. Cahiers de la NRF, Gallimard, 560 p.

Notes
(1) Voir L'Affaire Louis-Ferdinand Céline, de David Alliot, Horay, 2007 et Un autre Céline, d'Henri Godard, Textuel, 2008.
(2) Voir Lettres à Marie Canavaggia 1936-1960, Gallimard, 2007.
(3) Voir Ferdinand furieux (avec 313 lettres inédites de L-F. Céline), de Pierre Monnier, L'Age d'Homme, 1979.

Rencontre théâtrale avec Louis-Ferdinand Céline à Avignon



lundi 8 juin 2009

Le Petit Célinien n°7

Le Petit Célinien n°7:

Épuisé
Le numéro 2,50€ par paiement sécurisé Paypal (colonne de droite) sur notre site. Précisez le numéro souhaité et votre adresse mail.

Le Petit Célinien n°7 - Semaine du 1/6/2009.

Au sommaire :
- Le Voyage à Berlin, article paru dans Le Pont du 12/03/1942.
- Jean d'Ormesson : "Céline est le poète de l'abjection"
- Louis-Ferdinand Céline par Frédérique Lemarchand.
- LF Céline / Marcel Aymé, Avenue Junot (suite et fin).
- Vient de paraître : Céline par Yves Buin.

samedi 6 juin 2009

Louis-Ferdinand Céline : une nouvelle biographie

Yves Buin publie aux éditions Gallimard une biographie de Louis-Ferdinand Céline. Nous reproduisons ci-dessous l'avant-propos du livre :
"Écrire sur Louis-Ferdinand Céline n'est pas mince affaire. L'écrivain, l'homme, la vie et l'œuvre continuent de déranger et de susciter malaise. Pour reprendre l'expression bien connue concernant la période litigieuse de Vichy, il y a en Céline, également, un « passé qui ne passe pas ». De ce fait, une interpellation perdure : pourquoi ranimer le « monstre » ?
Pour beaucoup Céline demeure définitivement infréquentable, rebutés qu'ils sont par les pamphlets, souvent évoqués, vilipendés et non lus, qui focalisent la passion. Pour ceux-là qui passent à côté d'une oeuvre considérable, les autres livres disparaissent ainsi, annulés par ce qu'on fantasme des comportements conjoncturels de leur auteur en une période de l'Histoire (1937-1945) fort troublée et dramatique. Abhorré, le personnage Céline invalide alors l'écrivain. À l'opposé, les inconditionnels absolus du texte célinien, au pire, gomment le parcours chaotique de l'homme ou, au mieux, l'annexent à l'œuvre comme une de ses sources indéniables pour le neutraliser dans « du littéraire », une fatalité devenant par la transe du verbe une positivité.
Dans ces deux occurrences quelque chose est manqué d'une éclatante et insoluble contradiction existentielle : un homme s'est débattu avec son irrationnel, ses hantises, ses démons et a eu la témérité de les rendre publics, s'exposant à la vindicte. Médecin humaniste (eh oui!), imprécateur féroce et provocateur, obsédé par la figure écrasante du Peuple du Livre, inventeur d'une langue inimitable, perdu dans une déréliction totale, la fièvre d'écrire diffère sa mort psychique et, un temps, sa destruction physique. Telle est l'équation célinienne. L'accepter sans prétendre la résoudre permet de sortir de l'impasse d'un vieux débat moralisant.
Réduire le discours célinien à une composante pathologique, celle d'un délire de persécution de type paranoïaque, est sans issue et un peu court. Céline a été, certes, dans un rapport tendu avec l'altérité où dominent doute et méfiance, où s'inscrit un pessimisme radical quant au statut et aux agissements de l'espèce humaine, mais il a écrit pour le dire à l'autre, en être lu et, peut-être, compris.
Aussi, près de cinquante ans après sa mort et plus de soixante après la période de l'infamie, doit-on se donner la chance de l'objectivité — admettons qu'elle soit relative — envers cette trajectoire aux aspects déments, et accueillir, tel quel, Céline dans sa démesure en érigeant cette autobiographie gigantesque, dans son registre propre, en l'une des mémoires du XXè siècle, comme les récits de Soljenitsyne et de Chalamov furent celles du goulag, bien que Céline les domine de bien haut, sur le plan de la littérature qui était son seul objet de désir, lui qui disait la détester.
Autobiographie fictionnelle, donc, d'un homme nourri aux désastres, s'enfonçant dans un litanique radotage antisémite, le dépassant pour décrire comme personne le chaos de l'Histoire, follement lucide, pourrait-on affirmer, sur l'inanité des systèmes, des idéologies et la vanité des destins singuliers.
Se confronter à Céline dans le conflit ne laisse pas indemne, le suivre dans ses diatribes et créations langagières, sans jugement moral, avec le seul respect de la factualité nous paraît, aujourd'hui où nous nous préparons à connaître d'autres drames que nous mitonne l'Histoire, être la voie la moins tendancieuse pour aborder Céline.
Que dans cette optique soit remercié ici François Gibault, son biographe reconnu, pour ses travaux, pour l'attention qu'il a portée à la lecture de notre manuscrit et à notre démarche consistant à croiser les diverses autres approches biographiques auxquelles nous nous référons dans ce livre, tout en gardant notre liberté d'appréciation de l'œuvre de Céline, essentielle."
Yves Buin, Céline, Gallimard, 2009.
Commande possible sur Amazon.fr.

vendredi 5 juin 2009

Louis-Ferdinand Céline : les jeunes filles en fleur de Siegmaringen...

Je me doutais où elle devait se trouver Hilda von Raumnitz, et deux... trois copines... les jeunes filles en fleur de Siegmaringen... enfin celles très bien soignées, très bien nourries, des très bonnes familles militaires et diplomatiques... qui n'ont jamais manqué de rien!... forcément l'âge, l'air très salubre, et ce froid si vif, le bouton les turlupinait!... l'âge enragé, 14... 17... et pas que ces petites filles de luxe, épargnées, soignées... les miteuses aussi !... d'autres prétextes, l'éloignement, le danger permanent, les insomnies, les hommes en chasse!... miteux aussi! en loques aussi! et convoleurs! et si ardent ! tous les bosquets ! tous les carrefours, l'âge enragé 14... 17... surtout les filles !... pas seulement celles là, d'un lieu bien spécial... l'éloignement, le danger permanent, les hommes en chasse tous les trottoirs... même chose rue Bergère ou Place Blanche!... pour une cigarette... pour un blabla... le chagrin, l'oisiveté, le rut font qu'un!... pas que les gamines!... femmes faites, et grand mères ! évidemment plus pires ardentes, feu au machin, dans les moments où la page tourne, où l'Histoire rassemble tous les dingues, ouvre ses Dancings d'Épopée ! bonnets et têtes à l'ouragan ! slips par-dessus les moulins ! que les fifis mènent l'Abattoir! et Corpechot, Maître du Danube! moi là, question Hilda, et sa bande, sûr, je les retrouvais à la gare !... fatales ! espionnes, troubades, mînistresses, gardes-barrières, mélimélo !... aux salles d'attente ! l'attirance viande fraîche et trains de troupes, plus le piano et les « roulantes », vous représentez ces scènes d'orgies ! un petit peu autre chose de bandant que les pauvres petites branlettes verbeuses des Dix-sept Magots et Neuilly!... il faut la faim et les phosphores pour que ça se donne et ruse et sperme sans regarder ! total aux anges ! famine, cancers, blennorragies existent plus!... l'éternité plein la gare!... les avions croisant bien au-dessus !... tout bourrés de foudres ! et que toute la salle et la buvette se passent entre-passent poux, gale, vérole et les amours ! fillettes, sucettes, femmes enceintes, filles mères, grand-mères, tourlourous ! toutes les armes, toutes les armées, des cinquante trains en attente... toute la buvette entonne en choeur ! Marlène! la! la! sol dièse! à trois... quatre voix ! passionnément ! et enlacés !... à la renverse plein les fauteuils !... à trois sur les genoux du pianiste! trois de mes femmes enceintes !... et bien sûr, en plus, entendu, pain à gogo ! boules ! et gamelles ! ... et sans tickets ! vous pensez bien qu'on regarde pas ! ... quatre roulantes pleines de marmites d'un train à l'autre... de la buvette aux plates-formes ! le « bifur » Siegmar, je parle de trains de munitions, l'endroit vraiment le plus explosif de tout le Sud-Wurtemberg... Fribourg-l'Italie... trois aiguillages et tous les trains, essence, cartouches, bombes... de quoi tout faire sauter jusqu'à Ulm!... aux nuages! bigorner les avions d'en l'air!... salut!... vous imaginez que j'avais un petit peu de travail lutter pour la vertu d'Hilda, qu'elle se fasse pas cloquer sous un train !... « l'amour est enfant de bohème!... »

Louis-Ferdinand Céline, D'un château l'autre, 1957.

mercredi 3 juin 2009

Louis-Ferdinand Céline : Le voyage à Berlin

Le Bulletin célinien n°309, juin 2009 : C'est en mars 1942 que Céline effectua un voyage de cinq jours à Berlin. Échaudé par la confiscation de son or déposé en Hollande, l'écrivain avait pour objectif de confier à son amie danoise Karen Marie Jensen la clé et la combinaison de son coffre bancaire à Copenhague, et ce afin qu'elle mette l'argent en lieu sûr. C'est en compagnie de Lucette, Gen Paul et deux confrères médecins, Auguste Bécart et Jean-Claude Rudler, qu'il fit ce voyage. C'est donc sous le couvert d'un voyage scientifique et médical que Céline put se rendre en Allemagne. Au cours de ce séjour, on lui demanda de rendre une visite au Foyer des ouvriers français de Berlin et d'y prononcer une allocution. Après la guerre, Céline résuma à sa façon la teneur de son intervention : « Ouvriers français. Je vais vous dire une bonne chose, je vous connais bien, je suis des vôtres, ouvrier comme vous, ceux-là (les Allemands) ils sont moches, ils disent qu'ils vont gagner la guerre, j'en sais rien. Les autres, les russes, de l'autre côté, ne valent pas mieux. lis sont peut-être pires ! C'est une affaire de choix entre le choléra et la peste ! C'est pas drôle. Salut ! » Et d'ajouter : « La consternation au "Foyer" fut grande ». Le fait que la causerie de Céline laissa une impression mitigée n'est pas douteux. En témoigne le compte rendu, paru le 12 mars 1942, dans Le Pont, «hebdomadaire de l'amicale des travailleurs français en Allemagne» financé par le Reich. Le pessimisme de Céline, politiquement incorrect avant la lettre, ne fit assurément pas l'affaire de ceux qui l'avaient pressenti pour galvaniser ces travailleurs français qui avaient choisi de venir travailler outre-Rhin.

La séance hebdomadaire du groupe d'études sociales et politiques fut ouverte à 20 heures par notre camarade chargé de la direction du groupe. En quelques mots, il présenta Louis-Ferdinand Céline qui doit prendre la parole. C'est alors que le « docteur » se leva et vint s'asseoir à la table du conférencier.
Céline entra de suite dans le sujet. Sans détours, il ne cacha pas son opinion, acquise d'après une longue expérience personnelle, qu'il était très difficile de réunir les Français à l'étranger et de les faire s'entendre, sinon s'aimer.

Cependant, comme pour lui donner un démenti, la salle était fort bien remplie d'auditeurs avides de ses paroles. Et les débuts de son allocution furent quelque peu troublés par de nombreux retardataires qui faisaient grincer la porte d'entrée. En quelques mots, Céline eut vite fait de créer l'atmosphère, « son atmosphère ». « Je vais vous parler tout simplement, je ne vous ferai pas de discours, ni de conférence, mais vous parlerai comme en famille. Je suis un enfant du peuple, et suis resté tel. J'ai fait mes études de médecine, non pas comme étudiant mais comme travailleur. Je fais partie du peuple et le connais bien ». Et Céline commença immédiatement un diagnostic sévère de la maladie qui, selon lui, atteint chacun de nous. Faisant une allusion poétique, il fit remarquer qu'entre Villon et Chénier il y avait eu quatre siècles de « non lyrisme ». Cette période avait donc, à son avis, provoqué en partie du moins la sécheresse d'âme qui caractérise trop d'entre nous. Nous manquons d'idéal, c'est un fait ; mais nous a-t-on appris à en avoir, ou même à en désirer ? Non, et c'est pour cela que notre maladie est très grave. Et Céline ne craint pas de nous dire nos « quatre vérités ». Nous souffrons d'un mal très sérieux, par suite d'un manque quasi total de lyrisme, d'idéalisme.

Le docteur-écrivain nous dit ensuite son opinion sur les multiples causes de notre mal, et sa conviction qu'il avait de notre exploitation par les juifs qui « savent admirablement nous opposer les uns aux autres »...
L'intérêt du juif est de nous diviser en partis opposés, de façon à donner excuse à notre nonchalance. On rejette les fautes sur l'opposant, ainsi artificiellement créé. La lutte des partis n'est qu'une splendide invention d'Israël. Ensuite Céline montra combien nous avons été vexés de nous être laissés tromper. Il s'éleva alors contre la mentalité du joueur qui s'obstine. « J'ai perdu certes, mais il n'est pas possible qu'en persévérant je ne gagne pas, car j'ai tout bien misé, prévu, je dois donc finir par gagner. »
Céline s'adressa ensuite aux communistes éventuels, avec la franchise qui le caractérise. Que pensez-vous qu'il vous arriverait en cas d'une victoire des Soviets ? « Mais vous serez immédiatement déportés en Sibérie, avant les bourgeois même. Une fois votre "utilité" passée, vous deviendriez plus dangereux et inutiles que les modérés. »

Finalement, Céline dressa un très sombre tableau de la situation, et ne laissa entrevoir aucune issue. À un tel point, que les visages commençaient à montrer de l'étonnement, pour ne pas dire de l'indignation dans la salle comble. « Nous ne sommes tout de même pas aussi vils et laids qu'il veut bien nous le dire » aurait-on pu lire sur chaque face. Et Céline termina son spirituel exposé, ayant ainsi atteint le but qu'il cherchait. Il avait « piqué au vif », réveillé pour un moment nos sens endormis par cent cinquante ans de Déclaration des droits de l'homme, déclarations jamais suivies des « devoirs de l'homme ».

Le délégué du groupement d'études sociales et politiques du Foyer vint alors remercier le célèbre auteur des Beaux draps de son intéressant exposé, aussi spirituel que vivant. Il dit cependant sa conviction que « tout n'était pas perdu ». Si tout le monde n'a pas encore tout à fait
« compris », il n'en existe pas moins une minorité agissante et décidée, dont nous avons parmi nous ce soir un exemple en la personne d'un de nos camarades, de passage à Berlin, en permission, du front de l'Est. « J'aimerais beaucoup que notre camarade réponde à Céline », déclara alors l'orateur, et nous montre ainsi ce que pensent « ceux qui ont confiance quand même, parce qu'ils agissent ». C'est alors que se leva un jeune légionnaire français. En quelques paroles, il sut montrer à l'auditoire enthousiasmé que l'horizon n'était pas aussi sombre que Céline avait bien voulu nous le dépeindre. Il dit sa conviction personnelle, qui se trouvait être la nôtre d'ailleurs, que Céline avait voulu « piquer au vif » son auditoire.

« Certes, tout n'est pas le mieux dans le meilleur des mondes ; mais il ne faut pas désespérer, il faut agir, se montrer des hommes dignes des idées qu'ils prétendent avoir, et même défendre ces idées ; c'est ce que nous, volontaires contre le bolchevisme, faisons chaque jour. De même, vous qui travaillez en Allemagne, contribuez chaque jour efficacement à la lutte que l'Europe mène contre son ennemi d'aujourd'hui, le bolchevisme, et son ennemi de toujours, l'Angleterre. (Applaudissements sans fin.)
Après ce court et intéressant exposé d'un volontaire français du front de l'Est, M. Félix Allmend, du Comité franco-allemand, dont le dévouement au Foyer des ouvriers de langue française de Berlin est connu de chacun, prend la parole.

«Je voudrais ajouter quelques mots allemands à ce dialogue français, dit-il :
«Tout comme votre camarade légionnaire, je crois avoir compris le sens des paroles de Céline, qui veut certainement réveiller ceux qui se sont laissé endormir par des propagandistes trop zélés. Cette franchise est de beaucoup préférable à l'attitude qui consiste à vouloir jouer un rôle pour lequel on n'a plus de forces. À côté des paroles inutiles, il y a les faits. Or les Allemands sont bien davantage impressionnés par le travail de chaque jour de vous tous : ouvriers français qui vous faites apprécier par vos chefs, légionnaires qui avez quitté votre patrie pour vous joindre à l'Allemagne et à ses alliés dans un combat à mort, prisonniers donnant un magnifique exemple d'abnégation et de courage permanents, vous tous qui coopérez à la même cause qui est celle de nos pays et de l'Europe entière...
Toute cette franchise est de beaucoup préférable aux vieilles formules démagogiques, qui n'ont plus de place dans l'Europe nouvelle. »
Des applaudissements nourris accueillent cette dernière phrase du Dr Félix Allmend.

PICHE
(Le Pont, 12 mars 1942)

mardi 2 juin 2009

Jean d'ORMESSON : "Céline est le poète de l'abjection"

" Céline est le poète de l'abjection. De l'abjection et de la mort... Il y avait chez Céline un visionnaire et un pamphlétaire, un moraliste et un voyou, un poète et un éboueur. Sartre supposait, bien à tort, que Céline était "payé"...Céline, évidemment, n'était pas payé. C'était un cavalier de l'Apocalypse. Il avait beaucoup souffert: il était passé par "douze métiers, treize misères", et la "vacherie universelle" s'était exercée sur lui. Il était fou et pur. Un mélange explosif."

Jean d'Ormesson, Une autre histoire de la littérature française, éditions Nil.

lundi 1 juin 2009

Le Petit Célinien n°6

Le Petit Célinien n°6:

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Le Petit Célinien n°6 - Semaine du 25/05/2009.

Au sommaire :
- Yann Moix :"Louis-Ferdinand Céline : le génie absolu"
- Deux nouvelles rééditions
- LF Céline : "L'humanité ne sera sauvée que par l'amour des cuisses"
- Louis-Ferdinand Céline - Frédéric Dard, propos recueillis par Bernard Léchot le 05.12.94.
- Marcel Aymé, Avenue Junot (suite)
- In memoriam Pol Vandromme
- Vient de paraître : Le Bulletin Célinien n°309.