Cette émission, diffusée sur la chaîne Arte le 15 septembre 1989, est composée de quatre parties : Un « Portrait de L.-F. Céline » réalisé par Yves Kovács pour la collection « Les Mémorables », suivi des entretiens filmés avec Pierre Dumayet (1957) et Louis Pauwels (1961), et enfin « Étapes sur les chemins de Céline » de l' émission « Le Fond et la forme » (1971) réalisée par Charles Chaboud, où Lucette Destouches revient sur les traces de Céline à Sigmaringen.
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lundi 30 septembre 2013
dimanche 29 septembre 2013
« Scruter / Observer. L’appréhension du réel chez CÉLINE et PROUST » par Serge KANONY
Appréhender c’est se saisir de quelque chose par l’esprit ou par les sens, mais c’est aussi craindre, redouter. Chez Céline la saisie du réel - qu’il englobe le monde extérieur ou les êtres humains - ne va pas sans quelque crainte ou appréhension :
« La nature est une chose effrayante… »
« C’est des hommes et d’eux seulement qu’il faut avoir peur, toujours. » (Voyage au bout de la nuit)
Car le héros célinien ne s’en tient pas au simple paraître : il creuse de l’oeil le réel, va au-delà des apparences, comme pour en découvrir la face cachée ; il passe de l’autre côté du décor. Le réel est appréhendé dans sa profondeur. Tant il est vrai que l’une des premières expériences du narrateur est inséparable de celle de la guerre : un univers chamboulé, creusé par les obus, les bombes, une terre retournée avec une ligne de bataille semée de marmites.
Aux premières lignes du Voyage le héros attablé en terrasse de la place Clichy en compagnie de son camarade Arthur Ganate se veut simple observateur du réel, séduit par le jeu des apparences ; il n’est pas entré dans la vie, mais s’en tient à la surface, lisse et miroitante, des choses. Le voici emporté par la guerre, passage pour lui de l’adolescence à l’âge adulte :
Aux premières lignes du Voyage le héros attablé en terrasse de la place Clichy en compagnie de son camarade Arthur Ganate se veut simple observateur du réel, séduit par le jeu des apparences ; il n’est pas entré dans la vie, mais s’en tient à la surface, lisse et miroitante, des choses. Le voici emporté par la guerre, passage pour lui de l’adolescence à l’âge adulte :
« Je n’avais que vingt ans d’âge à ce moment-là. »
L’emploi de l’imparfait souligne à la fois le passé et la nostalgie d’un temps où le réel n’était pris que pour ce qu’il apparaissait. Devenu soldat, le changement de perception s’opère ; c’est une révélation :
« Comment aurais-je pu me douter moi de cette horreur en quittant la place Clichy ? »
A partir de cette expérience traumatisante (au double sens : traumatisme à la tête et au bras/ traumatisme psychique), le narrateur observera moins le réel qu’il ne le scrutera.
En latin scruta/orum ce sont les friperies, les nippes, les vieilles hardes, à l’image de celles dont Céline fera sa vêture dans les dernières années de sa vie.
Le verbe scrutor/aris « s’est dit d’abord des chiffonniers qui fouillent dans les tas de hardes, soit des enquêteurs qui fouillent les esclaves ou les voleurs ».
«… non excutio te, si quid forte ferri habuisti, non scrutor » (je ne secoue pas tes vêtements pour m’assurer si tu avais quelque poignard, je ne te fouille pas), déclare Cicéron à l’adresse d’un accusé.
Céline à travers ses livres fouille notre monde, notre société ; il nous dé-couvre, en scrutator, les horreurs dont ils se composent, c'est-à-dire les ordures, matérielles ou morales (ordure venant du latin horror).
Dans Voyage au bout de la nuit Bardamu scrute les agissements de ceux qui ont échappé au front de guerre et qui spéculent, les profiteurs de l’arrière : madame Hérode, le couple de bijoutiers qui « s’endormaient chaque soir de la guerre au-dessus des millions de leur boutique, fortune française. »
Arrivé à New-York, pour échapper à un policeman, il quitte le trottoir et descend en sous-sol :
En latin scruta/orum ce sont les friperies, les nippes, les vieilles hardes, à l’image de celles dont Céline fera sa vêture dans les dernières années de sa vie.
Le verbe scrutor/aris « s’est dit d’abord des chiffonniers qui fouillent dans les tas de hardes, soit des enquêteurs qui fouillent les esclaves ou les voleurs ».
«… non excutio te, si quid forte ferri habuisti, non scrutor » (je ne secoue pas tes vêtements pour m’assurer si tu avais quelque poignard, je ne te fouille pas), déclare Cicéron à l’adresse d’un accusé.
Céline à travers ses livres fouille notre monde, notre société ; il nous dé-couvre, en scrutator, les horreurs dont ils se composent, c'est-à-dire les ordures, matérielles ou morales (ordure venant du latin horror).
Dans Voyage au bout de la nuit Bardamu scrute les agissements de ceux qui ont échappé au front de guerre et qui spéculent, les profiteurs de l’arrière : madame Hérode, le couple de bijoutiers qui « s’endormaient chaque soir de la guerre au-dessus des millions de leur boutique, fortune française. »
Arrivé à New-York, pour échapper à un policeman, il quitte le trottoir et descend en sous-sol :
« Où qu’on se trouve, dès qu’on attire sur soi l’attention des autorités, le mieux est de disparaître…Au gouffre ! que je me dis. »
Et là, il découvre, encore en scrutator, la face cachée des Américains : au rigorisme anglo-saxon affiché en surface et signifié par le port d’un vêtement strictement boutonné (« cette parfaite contrainte ») succède le relâchement physique et moral ; alors une vérité qu’il ne soupçonnait pas en surface se révèle en ces profondeurs :
« Une société civilisée ça ne demande qu’à retourner à rien, déglinguer, redevenir sauvage… » (Les Beaux draps)
Installé médecin en banlieue, à l’image d’Asmodée, le diable boiteux qui soulève les toits des maisons pour révéler au héros du roman les moeurs de leurs habitants, Bardamu scrute les comportements de ses voisins. Après l’arrière de la guerre, celui des cours :
« … comme je demeurais au premier, j’avais de cet endroit un beau panorama d’arrière-cour. Les arrière-cours, c’est les oubliettes des maisons en séries. »
Dans Guignol’s band Ferdinand scrute les bas-fonds londoniens, un univers interlope fait de souteneurs et de prostituées.
Son statut de médecin, qu’il revendique avant même celui de romancier, l’autorise à voir l’arrière de la collaboration à Sigmaringen, qu’il nous relate dans D’un château l’autre.
Son statut de médecin, qu’il revendique avant même celui de romancier, l’autorise à voir l’arrière de la collaboration à Sigmaringen, qu’il nous relate dans D’un château l’autre.
« Je me suis trouvé porté à l’arrière des Allemands, pendant la guerre […] faut être médecin, alors vous pouvez voir des choses que les autres ne voient pas… » (Interview avec Stéphane Jourat, La Meuse, 5 juillet 1961)
Les plus fascinantes photos de Céline ne sont-elles pas celles des dernières années : tantôt vêtu de hardes, tantôt recouvert d’une sorte de houppelande, un cageot à la main ? Il évoque les scrutatores des Romains, qui « fouillent dans les tas de hardes ». Céline ou Le chiffonnier du réel !
Pour lui, depuis l’enfance, depuis l’expérience de la guerre 14/18, le monde a pris la forme d’un tas : au lieu du tas de dentelles à travers lesquelles sa mère fouillait pour les ravauder, il a, lui, hérité des tas des deux guerres à travers les ruines desquelles il traverse l’Allemagne en compagnie de Lucette et Bébert dans D’un château l’autre, Nord, Rigodon.
« Je me souviens au Passage, quand elle était plus jeune, de l’énorme tas de dentelles à réparer, le fabuleux monticule qui surplombait toujours sa table… Cela m’est toujours resté. J’ai comme elle toujours sur ma table énorme tas d’Horreur en souffrance… ». Tas d’horreurs, tas d’ordures !
A propos de scrutor (fouiller dans un tas de hardes : scruta : les friperies) l’auteur du Dictionnaire étymologique de la langue latine, le savantissime Antoine Meillet clôt son article par : « Pas de rapprochement sûr ; cf. peut-être scrautum, scrotum »
Bien sûr qu’un rapport existe entre scruta et scrotum, mais la décence empêche peut-être notre savant linguiste de le formuler ! Qu’est-ce, en effet, que le scrotum ? Selon Le Robert scrotum désigne « l’enveloppe cutanée des testicules ». Or se peut-il trouver chose plus fripée que… la peau des couilles ? Des testicules au rectum la distance n’est pas bien grande ; et avec le rectum nous voici plongés dans une des multiples formes de l’imaginaire célinien où la merde, le cancer du rectum occupent une place de choix…
Pour lui, depuis l’enfance, depuis l’expérience de la guerre 14/18, le monde a pris la forme d’un tas : au lieu du tas de dentelles à travers lesquelles sa mère fouillait pour les ravauder, il a, lui, hérité des tas des deux guerres à travers les ruines desquelles il traverse l’Allemagne en compagnie de Lucette et Bébert dans D’un château l’autre, Nord, Rigodon.
« Je me souviens au Passage, quand elle était plus jeune, de l’énorme tas de dentelles à réparer, le fabuleux monticule qui surplombait toujours sa table… Cela m’est toujours resté. J’ai comme elle toujours sur ma table énorme tas d’Horreur en souffrance… ». Tas d’horreurs, tas d’ordures !
A propos de scrutor (fouiller dans un tas de hardes : scruta : les friperies) l’auteur du Dictionnaire étymologique de la langue latine, le savantissime Antoine Meillet clôt son article par : « Pas de rapprochement sûr ; cf. peut-être scrautum, scrotum »
Bien sûr qu’un rapport existe entre scruta et scrotum, mais la décence empêche peut-être notre savant linguiste de le formuler ! Qu’est-ce, en effet, que le scrotum ? Selon Le Robert scrotum désigne « l’enveloppe cutanée des testicules ». Or se peut-il trouver chose plus fripée que… la peau des couilles ? Des testicules au rectum la distance n’est pas bien grande ; et avec le rectum nous voici plongés dans une des multiples formes de l’imaginaire célinien où la merde, le cancer du rectum occupent une place de choix…
Proust, le plus souvent, à la différence de Céline, n’apparait pas en scrutator, mais en observator.
Le premier sens du verbe Observer est : « se conformer à ce qui est prescrit (par une loi, règle) ».
Or, n’est-ce pas ce que font les personnages de A la recherche du temps perdu ? Il s’agit pour eux d’obéir au code, aux conventions que suit à la lettre une catégorie sociale, la noblesse ou la grande bourgeoisie. Ici le réel, loin d’être rejeté, est désiré, car désirable dans tout ce qu’il offre. Le personnage proustien est rarement dans le refus ou la révolte devant l’ordre social, mais dans son acceptation.
Le premier sens du verbe Observer est : « se conformer à ce qui est prescrit (par une loi, règle) ».
Or, n’est-ce pas ce que font les personnages de A la recherche du temps perdu ? Il s’agit pour eux d’obéir au code, aux conventions que suit à la lettre une catégorie sociale, la noblesse ou la grande bourgeoisie. Ici le réel, loin d’être rejeté, est désiré, car désirable dans tout ce qu’il offre. Le personnage proustien est rarement dans le refus ou la révolte devant l’ordre social, mais dans son acceptation.
« Chez Proust, nulle indignation devant l’ordre social » (XX° Lagarde et Michard)
Nous sommes bien loin de la révolte exprimée par Bardamu dans Voyage ou par Ferdinand dans Mort à crédit ; une révolte que Céline revendiquera et dont il datera même la naissance :
« C’est la guerre qui m’a donné le sentiment de la révolte. »
Et la lettre du 22 septembre 1949 adressée à son copain Albert Paraz, il la conclue par ces mots :
« Sur ma tombe ma seule épitaphe
NON »
Car le héros célinien dit NON à la guerre, à l’exploitation de l’homme par le colon en Afrique ou par le machinisme en Amérique, non à la misère qui s’étale en banlieue; non encore à la famille dans Mort à crédit.
A Céline qui dit non s’oppose Proust qui dit oui au réel. Le voeu le plus cher de la plupart des personnages proustiens c’est d’être intégrés à une couche sociale, d’être adoptés par une coterie. Odette, la maîtresse de Swan, n’est pas reçue, malgré son désir, dans le salon de la duchesse de Guermantes : son statut d’ancienne cocotte est un obstacle, et elle s’en désole. Madame Verdurin, la bourgeoise bêtement snob, réalisera enfin son voeu secret le plus cher : faire partie de la classe supérieure à la sienne, en devenant par un troisième mariage princesse de Guermantes.
Le jeune Marcel, pour sa part, rêve de rencontrer l’écrivain Bergotte, son idole littéraire, de voir jouer l’actrice la Berma dans Phèdre ; devenu grand, et grâce à l’amitié qui le lie à Saint Loup, le neveu de la duchesse de Guermantes, il sera reçu dans le salon de cette dernière. C’est précisément cette soumission consentie aux codes qu’impose à ses membres la société que Bardamu dénonce chez Proust :
A Céline qui dit non s’oppose Proust qui dit oui au réel. Le voeu le plus cher de la plupart des personnages proustiens c’est d’être intégrés à une couche sociale, d’être adoptés par une coterie. Odette, la maîtresse de Swan, n’est pas reçue, malgré son désir, dans le salon de la duchesse de Guermantes : son statut d’ancienne cocotte est un obstacle, et elle s’en désole. Madame Verdurin, la bourgeoise bêtement snob, réalisera enfin son voeu secret le plus cher : faire partie de la classe supérieure à la sienne, en devenant par un troisième mariage princesse de Guermantes.
Le jeune Marcel, pour sa part, rêve de rencontrer l’écrivain Bergotte, son idole littéraire, de voir jouer l’actrice la Berma dans Phèdre ; devenu grand, et grâce à l’amitié qui le lie à Saint Loup, le neveu de la duchesse de Guermantes, il sera reçu dans le salon de cette dernière. C’est précisément cette soumission consentie aux codes qu’impose à ses membres la société que Bardamu dénonce chez Proust :
« Proust, mi-revenant lui-même, s’est perdu avec une extraordinaire ténacité dans l’infinie, la diluante futilité des rites et démarches qui s’entortillent autour des gens du monde […] »
Bardamu, Ferdinand, on le sait, ne désirent pas participer au jeu social, ne cherchent pas à s’intégrer à une classe. L’adhésion s’efface pour laisser place à la fuite forcée. Voyage au bout de la nuit, D’un château l’autre, Nord, Rigodon racontent l’histoire d’une fuite pour échapper à la guerre, à la folie meurtrière des hommes (« je serai parvenu tout de même à passer à travers la plus grande chasse à courre qu’on ait organisé en Histoire » avoue Céline en 1957). Quand le narrateur a par sa fuite sauvé sa peau, il doit alors se planquer, se faire oublier en vivant dans une semi-clandestinité et dans un environnement dégradé ou en cours de dégradation (la banlieue dans Voyage) ou enfin menaçant (les bombardements aériens dans Féerie ou la trilogie).
« A mesure qu’on reste dans un endroit, les choses et les gens se débraillent, pourrissent et se mettent à puer tout exprès pour vous. »
Pas question alors de parader dans des salons et de prendre part à des conversations mondaines marquées nécessairement du sceau de l’hypocrisie, de la vanité et du mensonge. Tel est le sens dans Voyage de l’épisode de la péniche à bord de laquelle Bardamu, Robinson et Madelon sont invités à monter.
Pour se mettre dans le ton des conversations de leurs hôtes, Robinson fait croire à son interlocuteur qu’il était en Afrique un « Ingénieur Agronome… [qui mettait] la population entière d’un village à la récolte… ». Il s’agit en l’occurrence, d’en mettre « Plein la vue au vieux monsieur… Des mensonges ! »
Bardamu, à son tour, se plie au jeu des convenances, et, pour ne pas être en reste, d’humble médecin en banlieue se change en « l’un des médecins les plus distingués de la région parisienne ! » ; et au patron de la péniche qui pratique la peinture et lui montre ses tableaux il adresse, tel Philinte à Oronte dans Le Misanthrope, « quelques compliments bien sentis et resplendissants ». Prenant peut-être conscience des rôles avilissants qu’ils sont en train de jouer, ils profitent de l’assoupissement général pour prendre la fuite.
Car le plus souvent, le héros célinien, loin de se soumettre aux codes sociaux, les refuse, anticipant ainsi le rejet dont il sera l’objet et qu’il assume :
Bardamu, à son tour, se plie au jeu des convenances, et, pour ne pas être en reste, d’humble médecin en banlieue se change en « l’un des médecins les plus distingués de la région parisienne ! » ; et au patron de la péniche qui pratique la peinture et lui montre ses tableaux il adresse, tel Philinte à Oronte dans Le Misanthrope, « quelques compliments bien sentis et resplendissants ». Prenant peut-être conscience des rôles avilissants qu’ils sont en train de jouer, ils profitent de l’assoupissement général pour prendre la fuite.
Car le plus souvent, le héros célinien, loin de se soumettre aux codes sociaux, les refuse, anticipant ainsi le rejet dont il sera l’objet et qu’il assume :
« Plus on est haï, je trouve, plus on est tranquille… Ça simplifie beaucoup les choses, c’est plus la peine d’être poli, je ne tiens pas du tout à être aimé… » (Bagatelles pour un massacre)
A l’inverse, loin de fuir la réalité sociale, les personnages proustiens s’avancent au devant d’elle, ils se poussent du col dans le monde (promoveri : être poussé en avant) ; ils se veulent partie prenante du jeu social, aspirent à la pro-motion.
Même attitude à l’égard de la nature : le jeune Marcel se porte en avant de la haie d’aubépines et cherche à se joindre au plus près de leurs fleurs :
Même attitude à l’égard de la nature : le jeune Marcel se porte en avant de la haie d’aubépines et cherche à se joindre au plus près de leurs fleurs :
« Puis je revenais devant les aubépines […] le sentiment qu’elles éveillaient en moi restait obscur et vague, cherchant en vain à se dégager, à venir adhérer à leurs fleurs. »
On devine à travers ces lignes un désir de fusion, de totale adhésion au réel. Tout comme dans le passage où le narrateur tombe en extase devant des pommiers en fleurs :
« Mais dès que je fus arrivé à la route, ce fut un éblouissement. »
Le narrateur se promène parmi les arbres, modifie ses points de vue, multiplie les métaphores empruntées à l’art ou la religion, pour faire de ce spectacle un tableau vivant.
Mais si le réel chez Proust est ainsi magnifié c’est parce qu’il demeure inséparable du soleil qui l’éclaire : les hommes ou la nature sont perçus à travers les rayons lumineux du soleil.
Oriane de Guermantes est observée par le jeune Marcel « dans la sacristie qu’éclairait le soleil intermittent et chaud »
Saint Loup apparaît pour la première fois au narrateur « une après-midi de grande chaleur », il est « un jeune homme aux yeux pénétrants et dont la peau était aussi blonde et les cheveux aussi dorés que s’ils avaient absorbé tous les rayons du soleil. »
Quant à Albertine et ses amies qui viennent de la plage, elles apparaissent aux regards
Est-ce à dire que Proust a ignoré les zones d’ombres ? Non. Il existe dans A la recherche du temps perdu des gouffres et des abîmes, mais pris dans un sens métaphorique ; ce sont les gouffres de l’âme humaine. Il y a dans son oeuvre des personnages vus non point, comme Saint Loup ou Albertine, en pleine lumière, mais sous une lumière noire.
Pour en rendre compte, le narrateur abandonne alors momentanément son rôle d’observator pour celui de scrutator. Tapi de nuit près de la fenêtre d’une chambre, il découvre Mlle Vinteuil et son amie se livrant à des ébats saphiques et à une profanation (cracher sur la photo du père défunt). Dans un autre passage il envisage de « descendre l’escalier de service jusqu’aux caves » pour scruter les ébats amoureux du baron Charlus et de Jupien ; dans Le temps retrouvé, encore, s’apercevant « qu’il y avait dans cette chambre un oeil-de-boeuf latéral dont on avait oublié de tirer le rideau » il surprend le baron Charlus en train de se faire fouetter.
Mais Proust, admirateur des Impressionnistes, fait le plus souvent le choix qui s’accorde le mieux à sa sensibilité : poser ses regards sur la surface miroitante des choses, les effleurer. Car, observer le réel-surtout quand il s’agit de la nature- procure souvent une véritable joie, celle de jouer avec lui en modifiant le point de vue en face du spectacle observé, comme s’il faisait glisser le curseur sur la ligne de l’espace ou du temps.
Un exemple ? L’épisode des clochers de Martinville où l’on voit le narrateur se déplacer dans une voiture, et, secoué par les cahots, observer que
Céline, lui, ne joue pas avec la réalité, il en est le jouet ; ce qui est en jeu dans les Flandres, dans son errance à travers l’Allemagne c’est sa vie. Son oeuvre incarne un refus, celui se bercer d’illusions. Rien de tel que de scruter le réel pour en dépasser les apparences, découvrir la face cachée des choses, « pour entrer dans le fond de la vie », selon l’expression de Bardamu.
C’est ce que semble suggérer une scène empreinte d’ironie qui se situe en Afrique où Bardamu est reçu par le directeur de la compagnie Pordurière, pour recevoir des instructions avant de rejoindre le comptoir dont il a la charge
« De sa maison nous dominions le port fluvial qui miroitait en bas » précise- t-il. De cette position élevée, les files de noirs qui déchargent les paquets des bateaux apparaissent tout petits « à travers une buée écarlate ». Nous sommes là en pleine illusion, trompés par les apparences. Ce réel en technicolor est alors pris en charge par les propos cyniques du directeur qui le transforme en une scène idyllique :« -N’est-ce pas qu’on se dirait toujours un dimanche ici ?... reprit en plaisantant le Directeur. C’est gai ! C’est clair ! » Et d’ajouter, quelques lignes plus loin : « Là où vous allez pour la compagnie, c’est la pleine forêt ». Ainsi le chatoiement des apparences renvoie aux mensonges de l’exploitation colonialiste dont la vérité ne se découvre que dans l’obscurité de la forêt africaine !
A trop scruter le réel dans sa profondeur pour en découvrir les mensonges et les horreurs, on en vient vite au rejet qui prend la forme de la nausée poussant Bardamu dans le Voyage et Ferdinand dans Mort à crédit à vomir ; le premier pour signifier son dégoût de la guerre, l’autre celui de sa famille…
Rien de pareil chez Proust pour qui le réel, métamorphosé par le regard du narrateur, poétisé par tout un jeu de métaphores, se transforme en une oeuvre d’art. Un va-et-vient se crée qui va du réel à l’oeuvre d’art sans que l’on sache parfois lequel emprunte à l’autre dans la conscience du narrateur : est-ce Odette qui ressemble à la Zéphora de Botticelli ou le contraire ?
Marcel dans La recherche, Bardamu, Ferdinand, dans le Voyage, Mort à crédit, Féerie ou la trilogie allemande n’entretiennent pas le même rapport avec la réalité qui s’offre à leurs regards.
Proust pose un regard plus distancié sur le réel, à la façon d’un entomologiste qui observerait, mais avec ironie, le ballet des personnages qu’il côtoie. Même les événements tragiques ne sont observés qu’à travers le prisme de ses préoccupations mondaines ; d’où ils n’échappent pas à une certaine superficialité. Exempté du service militaire, ne se sentant donc pas directement impliqué, il observe la guerre de 14/18 d’un point de vue mondain et sociologique.
« […] la guerre est avant tout à ses yeux un phénomène parmi d’autres, responsable de divers bouleversements à l’intérieur de la société qu’il observe […] un certain relâchement des moeurs ainsi que l’apparition de nouvelles toilettes. Cet intérêt pour la mode et sa propension pour les expressions « chers combattants » ou « beau militaire » (pp.302-03) trahissent un détachement et un aveuglement certains devant les réalités de la guerre… » (Pascal A.Ifri, Céline et Proust Correspondances proustiennes dans l’oeuvre de L.F. Céline, Birmingham, Summa publications, 1996)
Mais Bardamu et Ferdinand se trouvent, eux, toujours impliqués –au sens étymologique de entortillés, enveloppés – par et dans les événements, surtout ceux de la guerre dans laquelle ils sont embarqués. A la façon des reporters qui « couvrent » une guerre, Ferdinand, à la fois observateur et acteur, en première ligne, reçoit au cours d’un bombardement une brique qui l’ « a attrapé entre tête et cou » (Rigodon). De ce fait, le regard célinien va plus profond que le regard proustien :
Mais si le réel chez Proust est ainsi magnifié c’est parce qu’il demeure inséparable du soleil qui l’éclaire : les hommes ou la nature sont perçus à travers les rayons lumineux du soleil.
Oriane de Guermantes est observée par le jeune Marcel « dans la sacristie qu’éclairait le soleil intermittent et chaud »
Saint Loup apparaît pour la première fois au narrateur « une après-midi de grande chaleur », il est « un jeune homme aux yeux pénétrants et dont la peau était aussi blonde et les cheveux aussi dorés que s’ils avaient absorbé tous les rayons du soleil. »
Quant à Albertine et ses amies qui viennent de la plage, elles apparaissent aux regards
« comme des statues exposées au soleil sur un rivage de la Grèce »
« Comme les impressionnistes, ses contemporains, Proust sait que le sujet n’est jamais insignifiant dès qu’il est ou qu’il devient lumineux. » (Paul Valéry)Bien loin de cette représentation, de cette lumineuse atmosphère se situe Céline pour qui le soleil se présente comme un ennemi, avouant dans sa correspondance qu’il n’aime pas le soleil. Bardamu, pour échapper à la folie destructrice de la guerre voit dans la nuit un refuge (« On dénichait dans la nuit çà et là des quarts d’heure qui ressemblaient assez à l’adorable temps de paix »).
Est-ce à dire que Proust a ignoré les zones d’ombres ? Non. Il existe dans A la recherche du temps perdu des gouffres et des abîmes, mais pris dans un sens métaphorique ; ce sont les gouffres de l’âme humaine. Il y a dans son oeuvre des personnages vus non point, comme Saint Loup ou Albertine, en pleine lumière, mais sous une lumière noire.
Pour en rendre compte, le narrateur abandonne alors momentanément son rôle d’observator pour celui de scrutator. Tapi de nuit près de la fenêtre d’une chambre, il découvre Mlle Vinteuil et son amie se livrant à des ébats saphiques et à une profanation (cracher sur la photo du père défunt). Dans un autre passage il envisage de « descendre l’escalier de service jusqu’aux caves » pour scruter les ébats amoureux du baron Charlus et de Jupien ; dans Le temps retrouvé, encore, s’apercevant « qu’il y avait dans cette chambre un oeil-de-boeuf latéral dont on avait oublié de tirer le rideau » il surprend le baron Charlus en train de se faire fouetter.
Mais Proust, admirateur des Impressionnistes, fait le plus souvent le choix qui s’accorde le mieux à sa sensibilité : poser ses regards sur la surface miroitante des choses, les effleurer. Car, observer le réel-surtout quand il s’agit de la nature- procure souvent une véritable joie, celle de jouer avec lui en modifiant le point de vue en face du spectacle observé, comme s’il faisait glisser le curseur sur la ligne de l’espace ou du temps.
Un exemple ? L’épisode des clochers de Martinville où l’on voit le narrateur se déplacer dans une voiture, et, secoué par les cahots, observer que
« montaient vers le ciel les deux clochers de Martinville. Bientôt nous en vîmes trois : venant se placer en face d’eux par une volte hardie, un clocher retardataire, celui de Vieuxvicq, les avait rejoints.[…] mais la route changea de direction, ils virèrent dans la lumière comme trois pivots d’or et disparurent à mes yeux. Mais, un peu plus tard, comme nous étions déjà près de Combray, le soleil étant maintenant couché, je les aperçus une dernière fois de très loin. »Il y a là comme un usage ludique de la réalité; l’observateur joue à cache-cache avec les éléments du paysage, comme un jeune joue aujourd’hui avec sa play mobile. Nous sommes véritablement dans l’illusion (illudere : jouer avec)
Céline, lui, ne joue pas avec la réalité, il en est le jouet ; ce qui est en jeu dans les Flandres, dans son errance à travers l’Allemagne c’est sa vie. Son oeuvre incarne un refus, celui se bercer d’illusions. Rien de tel que de scruter le réel pour en dépasser les apparences, découvrir la face cachée des choses, « pour entrer dans le fond de la vie », selon l’expression de Bardamu.
C’est ce que semble suggérer une scène empreinte d’ironie qui se situe en Afrique où Bardamu est reçu par le directeur de la compagnie Pordurière, pour recevoir des instructions avant de rejoindre le comptoir dont il a la charge
« De sa maison nous dominions le port fluvial qui miroitait en bas » précise- t-il. De cette position élevée, les files de noirs qui déchargent les paquets des bateaux apparaissent tout petits « à travers une buée écarlate ». Nous sommes là en pleine illusion, trompés par les apparences. Ce réel en technicolor est alors pris en charge par les propos cyniques du directeur qui le transforme en une scène idyllique :« -N’est-ce pas qu’on se dirait toujours un dimanche ici ?... reprit en plaisantant le Directeur. C’est gai ! C’est clair ! » Et d’ajouter, quelques lignes plus loin : « Là où vous allez pour la compagnie, c’est la pleine forêt ». Ainsi le chatoiement des apparences renvoie aux mensonges de l’exploitation colonialiste dont la vérité ne se découvre que dans l’obscurité de la forêt africaine !
A trop scruter le réel dans sa profondeur pour en découvrir les mensonges et les horreurs, on en vient vite au rejet qui prend la forme de la nausée poussant Bardamu dans le Voyage et Ferdinand dans Mort à crédit à vomir ; le premier pour signifier son dégoût de la guerre, l’autre celui de sa famille…
Rien de pareil chez Proust pour qui le réel, métamorphosé par le regard du narrateur, poétisé par tout un jeu de métaphores, se transforme en une oeuvre d’art. Un va-et-vient se crée qui va du réel à l’oeuvre d’art sans que l’on sache parfois lequel emprunte à l’autre dans la conscience du narrateur : est-ce Odette qui ressemble à la Zéphora de Botticelli ou le contraire ?
Marcel dans La recherche, Bardamu, Ferdinand, dans le Voyage, Mort à crédit, Féerie ou la trilogie allemande n’entretiennent pas le même rapport avec la réalité qui s’offre à leurs regards.
Proust pose un regard plus distancié sur le réel, à la façon d’un entomologiste qui observerait, mais avec ironie, le ballet des personnages qu’il côtoie. Même les événements tragiques ne sont observés qu’à travers le prisme de ses préoccupations mondaines ; d’où ils n’échappent pas à une certaine superficialité. Exempté du service militaire, ne se sentant donc pas directement impliqué, il observe la guerre de 14/18 d’un point de vue mondain et sociologique.
« […] la guerre est avant tout à ses yeux un phénomène parmi d’autres, responsable de divers bouleversements à l’intérieur de la société qu’il observe […] un certain relâchement des moeurs ainsi que l’apparition de nouvelles toilettes. Cet intérêt pour la mode et sa propension pour les expressions « chers combattants » ou « beau militaire » (pp.302-03) trahissent un détachement et un aveuglement certains devant les réalités de la guerre… » (Pascal A.Ifri, Céline et Proust Correspondances proustiennes dans l’oeuvre de L.F. Céline, Birmingham, Summa publications, 1996)
Mais Bardamu et Ferdinand se trouvent, eux, toujours impliqués –au sens étymologique de entortillés, enveloppés – par et dans les événements, surtout ceux de la guerre dans laquelle ils sont embarqués. A la façon des reporters qui « couvrent » une guerre, Ferdinand, à la fois observateur et acteur, en première ligne, reçoit au cours d’un bombardement une brique qui l’ « a attrapé entre tête et cou » (Rigodon). De ce fait, le regard célinien va plus profond que le regard proustien :
« La peinture de la guerre chez Proust est donc à l’opposé de celle qui apparaît dans le Voyage, dont le lecteur est entraîné, à la suite de Bardamu, au coeur des atrocités et de la folie des champs de bataille… » (P.A. Ifri)Même lorsque la guerre est perçue par les narrateurs d’un point de vue esthétique (le ballet des avions ennemis au-dessus d’un Paris nocturne dans Le temps retrouvé et le bombardement de la butte Montmartre dans Féerie II), nous remarquons des différences dans les attitudes. Marcel jouit en simple spectateur de ce tournoiement dont il se fait expliquer le sens par son ami Saint-Loup : « car ce qui te semble un spectacle est le ralliement des escadrilles… ».
Quant à Ferdinand qui affirme « je suis le simple témoin visuel… », qui interpelle le lecteur d’un « vous êtes au spectacle vous dans votre fauteuil ! », il est à la fois sur la scène et dans une loge, spectateur et acteur, risquant à tout moment de sentir son immeuble s’écrouler ; sa situation nous renvoie à celle de Pline l’Ancien auquel Féerie II est dédicacé.
Mais les deux auteurs, aussi différents soient-ils dans leur approche de la réalité, font de cette dernière le fonds à partir duquel ils élaborent leur oeuvre.
Le verbe latin Ob-servare avec son préfixe ob et son verbe Servare signifiant préserver, assurer la conservation (servus : gardien) convient, si l’on met l’accent sur servare, tant à Proust qu’à Céline. Tous deux, en effet, tendent au même but : conserver par la mémoire la réalité vécue.
Chez Proust il existe comme une stratigraphie du passé ; les diverses couches de la réalité vécue s’entassent au hasard des expériences du narrateur et parfois remontent à la surface pour être revécues par un Moi conscient qui en éprouve une joie indicible : celle de transcender le Temps, comme en témoignent l’épisode de la madeleine et celui du pied heurtant un pavé dans la cour de l’hôtel de Guermantes.
Céline dont la mémoire était prodigieuse (celle d’un buveur d’eau, se plaisait-il à dire) se veut, lui aussi, conservateur d’une réalité dont il ne nous passera aucune des horreurs et ignominies, toutes celles dont il se déclare le chroniqueur, le mémorialiste :
Mais les deux auteurs, aussi différents soient-ils dans leur approche de la réalité, font de cette dernière le fonds à partir duquel ils élaborent leur oeuvre.
Le verbe latin Ob-servare avec son préfixe ob et son verbe Servare signifiant préserver, assurer la conservation (servus : gardien) convient, si l’on met l’accent sur servare, tant à Proust qu’à Céline. Tous deux, en effet, tendent au même but : conserver par la mémoire la réalité vécue.
Chez Proust il existe comme une stratigraphie du passé ; les diverses couches de la réalité vécue s’entassent au hasard des expériences du narrateur et parfois remontent à la surface pour être revécues par un Moi conscient qui en éprouve une joie indicible : celle de transcender le Temps, comme en témoignent l’épisode de la madeleine et celui du pied heurtant un pavé dans la cour de l’hôtel de Guermantes.
Céline dont la mémoire était prodigieuse (celle d’un buveur d’eau, se plaisait-il à dire) se veut, lui aussi, conservateur d’une réalité dont il ne nous passera aucune des horreurs et ignominies, toutes celles dont il se déclare le chroniqueur, le mémorialiste :
« ah les souvenirs me brinqueballent…vous verrez…je les rattraperai tous !... je m’envolerai !... je vous priverai de rien !... loques de 14 !... de 18 !...35 !...44 !...ah, je compte !... recompte…je retrouve tout !... » (Féerie pour une autre fois II)Tout ce réel vécu, tombé en vrac dans les gouffres du Passé, il s’agit de le conserver par la mémoire pour en faire une oeuvre d’art :
« Tes débauches sans soif et tes amours sans âme,
Ton goût de l’infini
Qui partout dans le mal lui-même se proclame,
Tes bombes, tes poignards, tes victoires, tes fêtes,
Tes faubourgs mélancoliques,
Tes hôtels garnis, […]
Car j’ai de chaque chose extrait la quintessence,
Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or. » (Baudelaire)
Par la qualité du regard posé, par le travail du style, le réel transposé se change en réel transmuté ; et Céline autant que Proust acquiescent ainsi à la déclaration du poète. Splendeurs ou Horreurs se retrouveront transfigurées par l’écriture, donc affectées d’une même valeur, d’une beauté égale.
N’est-il pas amusant de voir ces deux auteurs, souvent différents dans leur appréhension du réel, être rapprochés l’un de l’autre par la critique contemporaine ? Ne sont-ils pas, en effet, associés comme étant les deux plus grands romanciers du XXè siècle ?
Céline ne s’est-il pas posé comme le grand rival de Proust, reprenant certaines scènes traitées par ce dernier : la mort de la grand-mère (Mort à crédit), l’atelier du peintre Jules (Féerie II) en écho à l’atelier d’Elstir (A l’ombre des jeunes filles en fleurs) ? Et les jugements presque toujours acerbes et réducteurs tenus par Céline à propos de l’oeuvre de Proust ne laissent-ils pas entendre que Céline au fond de lui-même voyait en Proust un rival de génie qu’il fallait s’efforcer d’égaler, voire de dépasser ? Ah, que ne donnerions-nous pas pour savoir quel jugement aurait porté Proust sur l’oeuvre de Céline, si le Temps le lui avait permis !
N’est-il pas amusant de voir ces deux auteurs, souvent différents dans leur appréhension du réel, être rapprochés l’un de l’autre par la critique contemporaine ? Ne sont-ils pas, en effet, associés comme étant les deux plus grands romanciers du XXè siècle ?
Céline ne s’est-il pas posé comme le grand rival de Proust, reprenant certaines scènes traitées par ce dernier : la mort de la grand-mère (Mort à crédit), l’atelier du peintre Jules (Féerie II) en écho à l’atelier d’Elstir (A l’ombre des jeunes filles en fleurs) ? Et les jugements presque toujours acerbes et réducteurs tenus par Céline à propos de l’oeuvre de Proust ne laissent-ils pas entendre que Céline au fond de lui-même voyait en Proust un rival de génie qu’il fallait s’efforcer d’égaler, voire de dépasser ? Ah, que ne donnerions-nous pas pour savoir quel jugement aurait porté Proust sur l’oeuvre de Céline, si le Temps le lui avait permis !
Serge KANONY
Nous remercions chaleureusement l'auteur d'avoir bien voulu nous autoriser à reproduire ce texte paru initialement dans la revue trimestrielle Spécial Céline n°9, mai-juin-juillet 2013.
Nous remercions chaleureusement l'auteur d'avoir bien voulu nous autoriser à reproduire ce texte paru initialement dans la revue trimestrielle Spécial Céline n°9, mai-juin-juillet 2013.
Le Bulletin célinien n°356 - Octobre 2013
Vient de paraître : Le Bulletin célinien n°356. Au sommaire :
Marc Laudelout : Bloc-notes
Henri Thyssens : Automne 1932. Céline et le Goncourt
Louis Pauwels : Un frisson nouveau dans le roman [1959]
M. L. : Quand Céline était censuré par la télévision française
*** : Il y a trente ans dans le BC…
Romain Peter : A-t-on empaillé Céline ?
Pierre de Bonneville : Voyage au bout de l’inconscient
François Marchetti : In memoriam Herluf Baggesen et Heinz Frellesen
Le Bulletin célinien, c/o M. Laudelout, Bureau Saint-Lambert, B. P. 77, BE 1200 Bruxelles.
Courriel : celinebc@skynet.be. Abonnement (11 numéros) : 55 €
Marc Laudelout : Bloc-notes
Henri Thyssens : Automne 1932. Céline et le Goncourt
Louis Pauwels : Un frisson nouveau dans le roman [1959]
M. L. : Quand Céline était censuré par la télévision française
*** : Il y a trente ans dans le BC…
Romain Peter : A-t-on empaillé Céline ?
Pierre de Bonneville : Voyage au bout de l’inconscient
François Marchetti : In memoriam Herluf Baggesen et Heinz Frellesen
Le Bulletin célinien, c/o M. Laudelout, Bureau Saint-Lambert, B. P. 77, BE 1200 Bruxelles.
Courriel : celinebc@skynet.be. Abonnement (11 numéros) : 55 €
vendredi 27 septembre 2013
Vient de paraître : « GEN-PAUL » de Louis-Ferdinand CÉLINE
Les éditions Du Lérot proposent quelques exemplaires d'un fac-similé « sans lieu, ni date » d'une plaquette rédigée par Céline en juin 1937. « Gen Paul » est une présentation du travail du peintre montmartrois, ami de Céline, qui doit inaugurer une exposition de ses oeuvres à New York l'été 1937. Destinée à un public américain, cette plaquette, proposée en anglais, présente le parcours et le travail de Gen Paul. Bien que « It is not an easy task to define Gen Paul's style », Céline prend plaisir à évoquer le style « purely and essentially French », « Celtic in feeling », « lyrical rather than weighty » de son ami de la Butte. Ce texte, reproduit et traduit dans L'Année Céline 1996, est accompagné d'une reproduction d'une peinture de Gen Paul.
La plaquette 30 € franco à :
Du Lérot éditeur
Les Usines réunies
16140 TUSSON
05 45 31 71 56
jeudi 26 septembre 2013
Échos céliniens...
> Correspondance : La galerie Thomas Vincent met en vente une lettre autographe de Céline à Charles Deshayes. Datée par le vendeur du 8 avril 1948, Céline y évoque Abel Bonnard « grande âme noble et généreuse et un admirable esprit » et l'avenir en France. Cette lettre n'a semble t-il pas été reprise dans le volume des Lettres de la Pléiade. Prix 3200 €. www.galeriethomasvincent.fr.
> « Beat generation » : Kerouac, Ginsberg, Burroughs. Dans ce documentaire diffusé sur Arte le 18 septembre 2013 est rapidement évoquée la rencontre à Meudon entre Céline, Ginsberg et Burroughs. A voir sur notre chaîne Youtube: http://youtu.be/n5YVW2vVrdE.
> Rencontre : « Entre scandale et morale, Louis-Ferdinand Céline » sera le thème d'une rencontre animée par Jean-Pierre Bonutto de l'Université Critique et Citoyenne de Nîmes (UCCN) le 17 décembre 2013 à 18h30 à l'IUFM de Nîmes, 62, rue Vincent Faïta. http://gard.demosphere.eu/.
> Théâtre : La compagnie AB&CD reprendra son adaptation de Voyage au bout de la nuit « Ça a débuté comme ça » le 27 septembre 2013 à 20h30 au théâtre Le Puits Manu de Beaugency (Val de Loire). Réservations 02 38 44 95 95.
> Exposition : Quelques photos de l'exposition consacrée à Céline par la médiathèque de Florange (cf. notre Lettre n°44) sont à découvrir sur leur page Facebook : www.facebook.com/.
> Théâtre (bis) : Stanislas de la Tousche jouera le 27 septembre 2013 à 19h15 à la librairie Hisler-Even de Metz son spectacle « Y'en a que ça emmerde qu'il y a des gens de Courbevoie ? ». www.hisler-even.com.
> Le Passage Choiseul, où Céline passa une partie de son enfance, vient d'être rénové. Quelques photos sont à voir sur http://passagechoiseuil.canalblog.com/.
> Kimto Vasquez, rappeur français, évoque lors d'une interview à Meudon, son intérêt pour Céline : http://www.agoravox.tv/.
> « Beat generation » : Kerouac, Ginsberg, Burroughs. Dans ce documentaire diffusé sur Arte le 18 septembre 2013 est rapidement évoquée la rencontre à Meudon entre Céline, Ginsberg et Burroughs. A voir sur notre chaîne Youtube: http://youtu.be/n5YVW2vVrdE.
> Rencontre : « Entre scandale et morale, Louis-Ferdinand Céline » sera le thème d'une rencontre animée par Jean-Pierre Bonutto de l'Université Critique et Citoyenne de Nîmes (UCCN) le 17 décembre 2013 à 18h30 à l'IUFM de Nîmes, 62, rue Vincent Faïta. http://gard.demosphere.eu/.
> Théâtre : La compagnie AB&CD reprendra son adaptation de Voyage au bout de la nuit « Ça a débuté comme ça » le 27 septembre 2013 à 20h30 au théâtre Le Puits Manu de Beaugency (Val de Loire). Réservations 02 38 44 95 95.
> Exposition : Quelques photos de l'exposition consacrée à Céline par la médiathèque de Florange (cf. notre Lettre n°44) sont à découvrir sur leur page Facebook : www.facebook.com/.
> Théâtre (bis) : Stanislas de la Tousche jouera le 27 septembre 2013 à 19h15 à la librairie Hisler-Even de Metz son spectacle « Y'en a que ça emmerde qu'il y a des gens de Courbevoie ? ». www.hisler-even.com.
> Le Passage Choiseul, où Céline passa une partie de son enfance, vient d'être rénové. Quelques photos sont à voir sur http://passagechoiseuil.canalblog.com/.
> Kimto Vasquez, rappeur français, évoque lors d'une interview à Meudon, son intérêt pour Céline : http://www.agoravox.tv/.
lundi 16 septembre 2013
Le Petit Célinien - Lettre d'actualité n°44

Le Petit Célinien - Lettre d'actualité n°44.
> Télécharger nos anciens numéros ici.
samedi 14 septembre 2013
La consécration confisquée : Céline face au premier prix d'éditeur par Sylvie DUCAS
par Sylvie DUCAS
Tel fut le sort réservé à Guy Mazeline (1), lauréat du prix Goncourt 1932, l'année où tout le monde attendait la consécration de Céline. Erreur la plus cuisante de l'histoire du prix Goncourt. Si elle nous intéresse, c'est qu'elle ne tient pas, contrairement à l'idée reçue, de la négligence ou de l'oubli d'un jury aveugle à reconnaître l'originalité et l'unicité d'un ton. Dès la parution du livre, alors qu'il se vend mal et que critiques et lecteurs rechignent devant une prose narrative aussi déroutante, Céline est grand favori au Goncourt. Le recul final des Dix ne s'explique donc pas par les réticences frileuses d'un jury qui aurait craint de heurter le grand public et refuser d'attribuer le prix « à un ouvrage truculent, extraordinaire, que beaucoup trouveront révoltant parce qu'il est écrit en style cru, parfois populaire, mais de haute graisse (2) ». Il faut surtout pointer les intérêts éditoriaux et des manoeuvres extra-littéraires bien plus actives que dans le cas du Goncourt de Proust qui, en coulisse, expliquent ce revirement soudain. Couronner l'obscur Guy Mazeline revient à décerner le premier prix d'éditeur et à trahir l'emprise de certaines maisons sur le protocole des prix littéraires. On ne se trompe plus de lauréat par myopie ou faute de goût, mais parce qu'on a les mains liées. Pour la première fois de leur histoire, les Dix révèlent les pressions éditoriales dont ils sont l'objet, cassent le mythe et révèlent que leur « rôle de Christophe Colomb d'une Amérique littéraire (3) » n'est qu'un miroir aux alouettes, une croyance de dupes.
Pourtant, Céline est le favori rêvé : il est inconnu, puisque le Voyage est son premier roman ; l'accueil critique est riche ; l'auteur est soutenu avec enthousiasme par Léon Daudet et surtout Lucien Descaves, qui voit sans doute dans le Voyage la relève littéraire de son propre Sous-Offs. La semaine précédant le vote, Céline obtient officieusement le prix en recueillant six voix, dont celle prépondérante du président Rosny aîné (4). Pourtant, le 7 décembre, le Goncourt est décerné au premier tour à Guy Mazeline, auteur des Loups, par six voix (5) contre trois à Céline (6). Doit-on penser, comme le dénonce Lucien Descaves qu'il existe « une presse qui est vendue et ceux qui sont à vendre » et que les intrigues souterraines ont permis d'acheter certains jurés ? Dans les semaines ayant précédé l'attribution du prix, un roman n'a-t-il pas été signé de son président Rosny aîné et publié dans L'Intransigeant, dont le directeur est alors Léon Bailby et l'un de ses principaux collaborateurs un certain Guy Mazeline ?...
Plus sûrement, des intérêts éditoriaux et des impératifs de marché justifient un revirement aussi inattendu. Si Céline est le premier à dénoncer « une affaire entre éditeurs », plusieurs journaux mettent directement en cause les maisons d'édition Hachette et Gallimard dans leur rivalité à l'égard de la jeune maison Denoël qui publie le Voyage au bout de la nuit hors de leur réseau commun de distribution : Céline lauréat aurait contraint Hachette à payer comptant des dizaines de milliers d'exemplaires, il fallait éviter cela... Hachette trouve en Gallimard un allié d'autant plus redoutable que son emprise sur les académiciens de la place Gaillon est irrésistible : déjà en 1911 et 1912, Gallimard remporte le Goncourt et assure par ce doublé remarquable une dynamique commerciale sans précédent. Entre 1919 et 1935, il en emporte huit et s'impose comme l'éditeur le plus couronné devant Albin Michel (trois) et Grasset (deux). Sur la même période, il obtient quatre prix Femina devant Albin Michel (trois), Plon (trois) et Grasset (deux). D'où un prix Goncourt devenu « une histoire de nappe », plus que de littérature (7), à tel point qu'ironisant sur le candidat type au Goncourt, Antoine Blondin l'imagine se recueillant devant la statue des frères Goncourt et y lire l'ex-voto : « Merci pour tout. NRF (8). »
Gaston Gallimard a aussi une revanche à prendre sur son jeune confrère qu'il déteste depuis que le manuscrit du Voyage, précisément, envoyé chez les deux éditeurs la même semaine, a finalement été publié chez Denoël (9). Entre un éditeur enthousiaste « suffoqué par cette liberté de ton, ce lyrisme si fort, si nouveau (10) » et un autre réticent, réclamant des « allègements » et des « remaniements », Céline a en effet rapidement fait son choix : « Gallimard a faliré mon ours... Ce n'était pas ça !... Ce n'était pas du tout ça ! Le gars Denoël a sauté dessus... (11) » Aussi Gallimard se prête-t-il à la « fabrication » de ce qu'il faut bien appeler un prix d'éditeur, lui qui se taille depuis Proust la part du lion dans la compétition littéraire.
Dans le même temps et plus largement, c'est une édition en pleine mutation qui impose de nouvelles règles du jeu et confère notamment aux prix un rôle économique et publicitaire sans précédent à l'éditeur : celui de « souverain dispensateur de la gloire littéraire (12) ». La règle de péréquation éditoriale permet désormais à un éditeur de se constituer un fonds de valeurs durables en misant sur les bénéfices immédiats tirés d'une politique à court terme dont le prix littéraire est la pierre de touche. Mais pour parvenir à cet équilibre, il faut régler la question de la distribution. En passant contrat en 1932 avec Hachette, Gallimard évite en fait les trois écueils auxquels se heurtent les jeunes éditeurs : les risques financiers liés à la publication d'auteurs inconnus ou se vendant mal, la peur des invendus et les difficultés de trésorerie. Quels que soient ses choix éditoriaux, il est sûr qu'une majeure partie de sa production sera achetée et payée (13). Bernard Grasset reconnaîtra bien plus tard cette réalité nouvelle du champ littéraire. Dans une sorte de lettre ouvert à Gaston Gallimard, il admettra :
L'échec au Goncourt vaut à Céline un Renaudot revanchard rattrapant l'injustice des Dix. « En deux mois, quelque cinq mille articles lui sont consacrés, 50 000 exemplaires du Voyage s'arrachent, l'éditeur passe ses commandes dans trois imprimeries pour satisfaire la demande, quatorze pays achètent les droits de traduction, les commis-libraires font la queue rue Amélie (18). » La publicité tapageuse dont bénéficie le livre de Céline contribue à ce que le favori l'emporte tout de même sur le vainqueur : Les Loups se vendirent moins (100 000 exemplaires malgré tout en trois mois) que le Voyage au bout de la nuit (112 000 exemplaires). Cette tempête dans un encrier a finalement servi les intérêts du livre.
Toutefois, le Voyage ne s'imposa pas d'emblée à ses contemporains comme un enfant trouvé de la littérature, sans origines ni filiation. Même Lucien Descaves, grand défenseur de Céline, hésite à employer le terme de chef-d'oeuvre (19). Globalement et à de rares exceptions, la critique ne se méprend pas sur la singularité inédite de l'oeuvre, mais stupéfaite par les débordements de cette lave argotique et fielleuse, elle se déchire entre indignation et admiration. Le plus souvent on le lit donc mal : face à un roman jugé tour à tour naturaliste (d'où une académie Goncourt coupable, finalement, de ne pas reconnaître l'un des siens), zolien (depuis le dithyrambique Hommage à Zola prononcé par Céline lui-même en 1933), populiste (Denoël n'est-il pas l'éditeur du célèbre Hôtel du Nord d'Eugène Dabit, le premier lauréat du prix Populiste créé en 1931 ?), rares sont ceux qui pressentent la force iconoclaste et révolutionnaire de l'oeuvre. Qualifié à l'époque de « Proust de la plèbe », Céline libère sa génération du « Balzac du papotage » et de la littérature d'introspection qui depuis Proust ne cesse de faire des émules. Mais si l'on sent l'écrivain singulier, on bute sur le caractère « abject », « atroce », « monstrueux » d'une oeuvre qui n'a pas fini d'étonner et de déranger. On peut donc imaginer aisément les reproches qu'auraient essuyés les Goncourt s'ils avaient finalement couronné Céline...
Un an après le ratage de 1932, « en cet an de grâce 1933 [où] un beau livre couvre tout », selon Mauriac, le prix Goncourt couronne à l'unanimité La Condition humaine de Malraux, « le plus grand livre couronné par le prix Goncourt depuis A l'ombre des jeunes filles en fleurs », reconnaît toute la presse. Dans l'euphorie du consensus retrouvé, on oublie les dysfonctionnements des prix et l'on communie dans la reconnaissance d'un grand écrivain. Il n'en demeure pas moins que le scandale Céline laisse entière la question de savoir si les jurys littéraires sont bien le lieu approprié de la reconnaissance et de la consécration littéraires : pour le grand écrivain en mal de reconnaissance, qu'il se nomme Proust ou Céline, le devenir des institutions littéraires désignées pour le couronner importe peu. Non pas tant parce qu'il les méprise ou les juge insignifiantes (l'un et l'autre ont suivi avec attention les péripéties de leur candidature), mais parce que ses intérêts sont diamétralement opposés aux leurs : la tradition qui sert les premières est précisément ce contre quoi lutte le second pour imposer son nom et son oeuvre. « Après Céline ? Rien sinon des nuées caricaturales, de pâles imitateurs... (20) » Le scandale du prix Goncourt 1932 n'est peut-être pas étranger non plus à cette peur superstitieuse de fin du monde littéraire qui hante les lettres françaises depuis les années 1930, ni à une mythologie du grand écrivain qui trouve dans le système des prix littéraires, quoi qu'on en dise, un espace entretenant sa croyance : celle d'une machine à grandir les écrivains, quand le champ littéraire n'aboutit qu'à les rétrécir.
Pourtant, Céline est le favori rêvé : il est inconnu, puisque le Voyage est son premier roman ; l'accueil critique est riche ; l'auteur est soutenu avec enthousiasme par Léon Daudet et surtout Lucien Descaves, qui voit sans doute dans le Voyage la relève littéraire de son propre Sous-Offs. La semaine précédant le vote, Céline obtient officieusement le prix en recueillant six voix, dont celle prépondérante du président Rosny aîné (4). Pourtant, le 7 décembre, le Goncourt est décerné au premier tour à Guy Mazeline, auteur des Loups, par six voix (5) contre trois à Céline (6). Doit-on penser, comme le dénonce Lucien Descaves qu'il existe « une presse qui est vendue et ceux qui sont à vendre » et que les intrigues souterraines ont permis d'acheter certains jurés ? Dans les semaines ayant précédé l'attribution du prix, un roman n'a-t-il pas été signé de son président Rosny aîné et publié dans L'Intransigeant, dont le directeur est alors Léon Bailby et l'un de ses principaux collaborateurs un certain Guy Mazeline ?...
Plus sûrement, des intérêts éditoriaux et des impératifs de marché justifient un revirement aussi inattendu. Si Céline est le premier à dénoncer « une affaire entre éditeurs », plusieurs journaux mettent directement en cause les maisons d'édition Hachette et Gallimard dans leur rivalité à l'égard de la jeune maison Denoël qui publie le Voyage au bout de la nuit hors de leur réseau commun de distribution : Céline lauréat aurait contraint Hachette à payer comptant des dizaines de milliers d'exemplaires, il fallait éviter cela... Hachette trouve en Gallimard un allié d'autant plus redoutable que son emprise sur les académiciens de la place Gaillon est irrésistible : déjà en 1911 et 1912, Gallimard remporte le Goncourt et assure par ce doublé remarquable une dynamique commerciale sans précédent. Entre 1919 et 1935, il en emporte huit et s'impose comme l'éditeur le plus couronné devant Albin Michel (trois) et Grasset (deux). Sur la même période, il obtient quatre prix Femina devant Albin Michel (trois), Plon (trois) et Grasset (deux). D'où un prix Goncourt devenu « une histoire de nappe », plus que de littérature (7), à tel point qu'ironisant sur le candidat type au Goncourt, Antoine Blondin l'imagine se recueillant devant la statue des frères Goncourt et y lire l'ex-voto : « Merci pour tout. NRF (8). »
Gaston Gallimard a aussi une revanche à prendre sur son jeune confrère qu'il déteste depuis que le manuscrit du Voyage, précisément, envoyé chez les deux éditeurs la même semaine, a finalement été publié chez Denoël (9). Entre un éditeur enthousiaste « suffoqué par cette liberté de ton, ce lyrisme si fort, si nouveau (10) » et un autre réticent, réclamant des « allègements » et des « remaniements », Céline a en effet rapidement fait son choix : « Gallimard a faliré mon ours... Ce n'était pas ça !... Ce n'était pas du tout ça ! Le gars Denoël a sauté dessus... (11) » Aussi Gallimard se prête-t-il à la « fabrication » de ce qu'il faut bien appeler un prix d'éditeur, lui qui se taille depuis Proust la part du lion dans la compétition littéraire.
Dans le même temps et plus largement, c'est une édition en pleine mutation qui impose de nouvelles règles du jeu et confère notamment aux prix un rôle économique et publicitaire sans précédent à l'éditeur : celui de « souverain dispensateur de la gloire littéraire (12) ». La règle de péréquation éditoriale permet désormais à un éditeur de se constituer un fonds de valeurs durables en misant sur les bénéfices immédiats tirés d'une politique à court terme dont le prix littéraire est la pierre de touche. Mais pour parvenir à cet équilibre, il faut régler la question de la distribution. En passant contrat en 1932 avec Hachette, Gallimard évite en fait les trois écueils auxquels se heurtent les jeunes éditeurs : les risques financiers liés à la publication d'auteurs inconnus ou se vendant mal, la peur des invendus et les difficultés de trésorerie. Quels que soient ses choix éditoriaux, il est sûr qu'une majeure partie de sa production sera achetée et payée (13). Bernard Grasset reconnaîtra bien plus tard cette réalité nouvelle du champ littéraire. Dans une sorte de lettre ouvert à Gaston Gallimard, il admettra :
Je fus mauvais prophète en voyant la fin des Lettres dans le prestige accru du Goncourt. Aujourd'hui nous bénéficions - si le mot convient - de plus de prix qu'il n'est de jours dans l'année. Et les Lettres vont leur chemin. Simplement les usages en ont été transformés. C'était ainsi en 1931 une nouvelle ère, sinon des Lettres, du moins de l'édition, qui s'ouvrait. Vous avez saisi la chose avant moi. (14)Perdant de plus en plus son rôle de découvreur, le jury littéraire tend dès lors à n'être plus qu'un simple indicateur de tendances, prisonnier dans ses choix du baromètre des ventes. Tout se passe comme si les fantasmes balzaciens de gloire littéraire (15) trouvaient désormais, par le biais des prix, les moyens modernes d'être satisfaits. Néanmoins, en confondant l'audience du nombre et la reconnaissance des pairs - en somme, succès et gloire -, les éditeurs entretiennent depuis cette date un malentendu littéraire entre deux paramètres contradictoires sur lesquels ils jouent pour escompter à leurs auteurs les profits de la « fortune » littéraire. Mais surtout - et l'affaire Céline le prouve -, on sent que l'une des caractéristiques majeurs du XIXè siècle littéraire a disparu : « L'ère des grandes batailles littéraires est close » et « aux rivalités d'écrivains ont succédé les compétitions d'éditeurs (16) ». « Pour forcer l'attention, un fait divers vaut mieux qu'un chef-d'oeuvre (17). »
L'échec au Goncourt vaut à Céline un Renaudot revanchard rattrapant l'injustice des Dix. « En deux mois, quelque cinq mille articles lui sont consacrés, 50 000 exemplaires du Voyage s'arrachent, l'éditeur passe ses commandes dans trois imprimeries pour satisfaire la demande, quatorze pays achètent les droits de traduction, les commis-libraires font la queue rue Amélie (18). » La publicité tapageuse dont bénéficie le livre de Céline contribue à ce que le favori l'emporte tout de même sur le vainqueur : Les Loups se vendirent moins (100 000 exemplaires malgré tout en trois mois) que le Voyage au bout de la nuit (112 000 exemplaires). Cette tempête dans un encrier a finalement servi les intérêts du livre.
Toutefois, le Voyage ne s'imposa pas d'emblée à ses contemporains comme un enfant trouvé de la littérature, sans origines ni filiation. Même Lucien Descaves, grand défenseur de Céline, hésite à employer le terme de chef-d'oeuvre (19). Globalement et à de rares exceptions, la critique ne se méprend pas sur la singularité inédite de l'oeuvre, mais stupéfaite par les débordements de cette lave argotique et fielleuse, elle se déchire entre indignation et admiration. Le plus souvent on le lit donc mal : face à un roman jugé tour à tour naturaliste (d'où une académie Goncourt coupable, finalement, de ne pas reconnaître l'un des siens), zolien (depuis le dithyrambique Hommage à Zola prononcé par Céline lui-même en 1933), populiste (Denoël n'est-il pas l'éditeur du célèbre Hôtel du Nord d'Eugène Dabit, le premier lauréat du prix Populiste créé en 1931 ?), rares sont ceux qui pressentent la force iconoclaste et révolutionnaire de l'oeuvre. Qualifié à l'époque de « Proust de la plèbe », Céline libère sa génération du « Balzac du papotage » et de la littérature d'introspection qui depuis Proust ne cesse de faire des émules. Mais si l'on sent l'écrivain singulier, on bute sur le caractère « abject », « atroce », « monstrueux » d'une oeuvre qui n'a pas fini d'étonner et de déranger. On peut donc imaginer aisément les reproches qu'auraient essuyés les Goncourt s'ils avaient finalement couronné Céline...
Un an après le ratage de 1932, « en cet an de grâce 1933 [où] un beau livre couvre tout », selon Mauriac, le prix Goncourt couronne à l'unanimité La Condition humaine de Malraux, « le plus grand livre couronné par le prix Goncourt depuis A l'ombre des jeunes filles en fleurs », reconnaît toute la presse. Dans l'euphorie du consensus retrouvé, on oublie les dysfonctionnements des prix et l'on communie dans la reconnaissance d'un grand écrivain. Il n'en demeure pas moins que le scandale Céline laisse entière la question de savoir si les jurys littéraires sont bien le lieu approprié de la reconnaissance et de la consécration littéraires : pour le grand écrivain en mal de reconnaissance, qu'il se nomme Proust ou Céline, le devenir des institutions littéraires désignées pour le couronner importe peu. Non pas tant parce qu'il les méprise ou les juge insignifiantes (l'un et l'autre ont suivi avec attention les péripéties de leur candidature), mais parce que ses intérêts sont diamétralement opposés aux leurs : la tradition qui sert les premières est précisément ce contre quoi lutte le second pour imposer son nom et son oeuvre. « Après Céline ? Rien sinon des nuées caricaturales, de pâles imitateurs... (20) » Le scandale du prix Goncourt 1932 n'est peut-être pas étranger non plus à cette peur superstitieuse de fin du monde littéraire qui hante les lettres françaises depuis les années 1930, ni à une mythologie du grand écrivain qui trouve dans le système des prix littéraires, quoi qu'on en dise, un espace entretenant sa croyance : celle d'une machine à grandir les écrivains, quand le champ littéraire n'aboutit qu'à les rétrécir.
Sylvie DUCAS
Extrait de La littérature à quel(s) prix ? : Histoire des prix littéraires, La Découverte, 2013.
Disponible sur Amazon.fr.
Notes
1 - Guy Mazeline est journaliste, collaborateur à L'Intransigeant, auteur chez Gallimard d'une dizaine de livres de 1927 à 1958 avant de disparaître de la scène littéraire.
2 - Léon DAUDET, Action française, 6 décembre 1936.
3 - René-Louis DOYON, « Histoires de prix : psychologie de jurés, mentalités de lauréats », in 70 critiques de Voyage au bout de la nuit, 1932-1935, IMEC éditions, Paris, 1993, p.232.
4 - Lors de cette séance préparatoire, se sont déclarés favorables au Voyage : Léon Daudet, Lucien Descaves, Jean Ajalbert, Roland Dorgelès et les deux frères Rosny.
5 - Roland Dorgelès, Léon Hennique, Pol Neveux, Raoul Ponchon, Rosny jeune et Gaston Chérau.
6 - Alphonse Daudet, Lucien Descaves et Jean Ajalbert.
7 - Pierre DESCAVES, Mes Goncourt, Robert Laffont, Marseille, 1944.
8 - Antoine BLONDIN, Ma vie entre les lignes, La Table Ronde, Paris, 1982.
9 - Fondées en 1928 et dirigées jusqu'à sa mort par Robert Denoël (1902-1945), les éditions Denoël et Steele deviennent les éditions Denoël en 1937. Elles vont fonder leur succès sur des auteurs comme Eugène Dabit (Hôtel du Nord, prix Populiste 1929), Philippe Hériat (L'Innocent, prix Renaudot 1931) et Céline (Voyage au bout de la nuit, prix Renaudot 1932). Entre 1919 et 1939, Denoël remporte dix des quatre grands prix (Goncourt, Femina, Renaudot t Interallié). En janvier 1938, il est contraint de confier aux Messageries Hachette la distribution de ses publications. Compromises pendant l'Occupation, acquittées en 1948, les éditions Denoël cèdent la quasi-totalité de leurs parts en octobre 1951 à une filiale des éditions Gallimard.
10 - « Denoël raconte Céline », Marianne, 10 mai 1939.
11 - Robert POULET, Mon ami Bardamu. Entretiens familiers avec L.-F. Céline, Plon, Paris, 1971.
12 - Bernard GRASSET, Textes choisis de Bernard Grasset, classés et commentés par Henri Massis, La Table Ronde, Paris, 1953, p. 321.
13 - Pierre ASSOULINE, Gaston Gallimard, op. cit., p. 254-256.
14 - Bernard GRASSET, Evangile de l'édition selon Péguy, André Bonne, Paris, 1955.
15 - Honoré DE BALZAC, lettre du 30 septembre 1832 à l'éditeur Mame.
16 - André BILLY, La Femme de France, 1er janvier 1933.
17 - Bernard GRASSET, « Ecrits de métier », in Textes choisis de Bernard Grasset, op. cit., p. 361.
18 - Pierre ASSOULINE, Gaston Gallimard, op. cit., p. 220.
19 - Lucien DESCAVES, Souvenirs d'un ours, Les éditions de Paris, Paris, 1946, p. 268.
20 - Frédéric VITOUX, « Céline année 1932 : le scandale du Voyage au bout de la nuit », Le Matin de Paris, 26 août 1981.
15 - Honoré DE BALZAC, lettre du 30 septembre 1832 à l'éditeur Mame.
16 - André BILLY, La Femme de France, 1er janvier 1933.
17 - Bernard GRASSET, « Ecrits de métier », in Textes choisis de Bernard Grasset, op. cit., p. 361.
18 - Pierre ASSOULINE, Gaston Gallimard, op. cit., p. 220.
19 - Lucien DESCAVES, Souvenirs d'un ours, Les éditions de Paris, Paris, 1946, p. 268.
20 - Frédéric VITOUX, « Céline année 1932 : le scandale du Voyage au bout de la nuit », Le Matin de Paris, 26 août 1981.
jeudi 12 septembre 2013
Vient de paraître : La vie étrange de l'argot d'Émile CHAUTARD
Les éditions Bartillat rééditent La vie étrange de l'argot
d'Émile Chautard. Ce typographe, né en 1864 dans le XIXè
arrondissement de Paris,
a publié la première fois ce volume aux éditions Denoël en
janvier 1932. C'est là le premier point commun de Chautard avec
Céline que nous rappelle Henri Godard dans une très intéressante
préface « Céline, Chautard et l'argot » : « Que
Chautard et Céline ait en commun leur éditeur Denoël n'est
peut-être pas un hasard. La publication de La
vie étrange de l'argot date de décembre 1931-janvier
1932. A cette date, la rédaction de Voyage
au bout de la nuit était largement avancée ou même
terminée : Céline soumet le manuscrit aux Editions de la N.R.F.
avant la mi-avril. Mais la publication par Denoël du livre de
Chautard, ajoutée à celle de L'Hôtel
du Nord d'Eugène Dabit, peut avoir joué un rôle dans la
décision prise par Céline de proposer son Voyage
à cet éditeur [...] »
Si Céline a pu être influencer sur le choix de son éditeur par le travail de Chautard, c'est bien que l'argot avait une certaine importance à ses yeux. Il a souvent été collé à Céline l'étiquette d'auteur argotique. A tort. Si l'argot est bien présent dans les romans de Céline, ce n'est qu'un des moyens choisis par lui pour créer son style, faire vivre la langue, lui apporter l'agressivité et la violence que la phrase académique ne lui offrait pas : « C'est la haine qui fait l'argot » affirmera t-il d'ailleurs en 1957.
Ces mots d'argot que Céline sélectionne, retravaille et intègre à la langue, il les tirera de sa propre expérience : « école communale, [argot] des commis de boutiques (les roupiots), celui de l'armée et plus particulièrement d'un quartier de cavalerie [...] ses fréquentations des souteneurs de Londres en 1915, puis celle d'Henri Mahé [...] des échanges quotidiens avec Gen Paul, plus argotier que lui. », mais aussi de ces lectures, et cette Vie étrange de l'argot viendra l'aider à faire évoluer son style, du Voyage, plus populaire qu'argotique, à Mort à crédit, où les mots d'argot sont beaucoup plus nombreux, jusqu'aux chansons que Chautard affectionne particulièrement (on sait l'importance qu'elle ont aussi pour Céline, voir à ce sujet notre entretien avec Michaël Ferrier), et que Chautard reproduit dans cet ouvrage, qu'il construit autour de quatre parties, de la naissance à la mort, en ajoutant au traditionnel dictionnaire de multiples informations, faits divers et biographies de ceux que ce passionné du langage a fréquenté et qui ont fait vivre les mots et expressions de la langue verte.
Si Céline a pu être influencer sur le choix de son éditeur par le travail de Chautard, c'est bien que l'argot avait une certaine importance à ses yeux. Il a souvent été collé à Céline l'étiquette d'auteur argotique. A tort. Si l'argot est bien présent dans les romans de Céline, ce n'est qu'un des moyens choisis par lui pour créer son style, faire vivre la langue, lui apporter l'agressivité et la violence que la phrase académique ne lui offrait pas : « C'est la haine qui fait l'argot » affirmera t-il d'ailleurs en 1957.
Ces mots d'argot que Céline sélectionne, retravaille et intègre à la langue, il les tirera de sa propre expérience : « école communale, [argot] des commis de boutiques (les roupiots), celui de l'armée et plus particulièrement d'un quartier de cavalerie [...] ses fréquentations des souteneurs de Londres en 1915, puis celle d'Henri Mahé [...] des échanges quotidiens avec Gen Paul, plus argotier que lui. », mais aussi de ces lectures, et cette Vie étrange de l'argot viendra l'aider à faire évoluer son style, du Voyage, plus populaire qu'argotique, à Mort à crédit, où les mots d'argot sont beaucoup plus nombreux, jusqu'aux chansons que Chautard affectionne particulièrement (on sait l'importance qu'elle ont aussi pour Céline, voir à ce sujet notre entretien avec Michaël Ferrier), et que Chautard reproduit dans cet ouvrage, qu'il construit autour de quatre parties, de la naissance à la mort, en ajoutant au traditionnel dictionnaire de multiples informations, faits divers et biographies de ceux que ce passionné du langage a fréquenté et qui ont fait vivre les mots et expressions de la langue verte.
M.G.
Émile CHAUTARD, La vie étrange de l'argot, Éd. Bartillat, 2013.
Commande possible sur Amazon.fr.
Rencontre autour du Havre littéraire avec Sonia ANTON
Sonia ANTON |
La bibliothèque Salacrou accueille ce vendredi 13 septembre à 18h, Sonia Anton, maître de conférence à l'IUT et à l’Université du Havre, à l'occasion de la sortie du Territoire littéraire du Havre dans la première moitié du XXè siècle. Une Rencontre animée par Doris Le Mat-Thieulen.
Bobliothèque Armand Salacrou
17, rue Jules lecesne
76085 Le Havre
02 32 74 07 40
Vient de paraître : Études céliniennes n°8
La revue Études céliniennes, revue publiée par la Société d'Etudes Céliniennes, publie son numéro 8 (Printemps 2013). Au sommaire :
ÉTUDES
André Derval : Céline et les critiques littéraires (1932-1961)
Christine Sautermeister : Les études céliniennes
Johanne Bénard : Céline en Amérique : l'histoire d'une critique
Marc Dambre : La Roger Nimier, le hussard de Céline
Julien Hervier : Céline et Drieu : une rencontre à distance
Émile Brami : Le théâtre de Céline
Diego-Alejandro Aguilard Beauregard : Céline le trépas-né : configurations textuelles de la trépanation
LECTURES
Die Szene des Erzählens
Actualités céliniennes en Italie
Jean Luchaire. L'enfant perdu des années sombres
La Brinquebale avec Céline
DOCUMENTS
Une lettre à Max Fischer
Le numéro 25 € à :
LES AUTODIDACTES
53, rue du Cardinal-Lemoine
75005 PARIS
Courriel : autodidactes@gmail.com
01.43.26.95.18
samedi 7 septembre 2013
« Voyage au bout de la nuit » par la compagnie Möbius-band (octobre 2013)
La compagnie Möbius-band proposera une lecture/échange autour de Voyage au bout de la nuit à la bibliothèque de Chinon le 5 octobre 2013 à 10h30 avant une représentation le 8 octobre 2013 d'une adaptation du premier roman de Céline à l'Espace Rabelais de Chinon. Détails, dossier de presse et présentation ici :
Samedi 5 octobre 2013
Lecture-débat
Bibliothèque de Chinon
Bibliothèque de Chinon
Place du Général de Gaulle
37500 CHINON
02 47 93 53 45
Mardi 8 octobre 2013
« Voyage au bout de la nuit »
Espace Rabelais
Espace Rabelais
Digue Saint-Jacques
37500 CHINON
02 47 98 46 55
dimanche 1 septembre 2013
Céline au Septentrion : un voyage aux îles Saint-Pierre-et-Miquelon
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Blason de Saint-Pierre-et-Miquelon |
Céline au Septentrion
Un voyage aux îles Saint-Pierre-et-Miquelon
« Je suis un fervent de St Pierre et Miquelon »
Situées à 25 km de Terre-Neuve, au large des côtes canadiennes et américaines, baptisées Saint-Pierre par Jacques Cartier en 1536, les îles de Saint-Pierre-et-Miquelon auront été témoins de la glorieuse épopée française en Amérique du Nord qui s'étalera du XVIè au XVIIIè siècle. Cet archipel passera alternativement sous domination française et anglaise pour définitivement revenir sous pavillon français en 1815. Il servait de base aux pêcheurs normands, bretons et basques au XVIe siècle, a été essentiellement voué au travail de la pêche, mais profitera aussi jusque dans les années 30, grâce à la prohibition du voisin américain, du trafic d’alcools, de vins français et de whisky. L'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon reste aujourd'hui le dernier territoire français en Amérique du Nord, dernier vestige de l'histoire de la Nouvelle-France.
Que Céline a t-il bien pu vouloir venir faire en 1938 sur ces îles à l'aspect rude et sauvage, au climat froid et humide ? Dans quel état d'esprit était-il au moment où sort Bagatelles pour un massacre, son premier texte antisémite ? Récit du voyage...
La traversée
Céline s'embarque à Bordeaux le 15 avril 1938 à bord du bateau de marchandises Le Celte, cargo à vapeur de 907 tonneaux commandé par le capitaine Jean-Marie Esnault pour la Compagnie générale de grande pêche. Chargé de 240 tonnes de charbon et produits divers, de 22 hommes d'équipages et de quatre passagers, dont Céline, il quitte la France en fin d'après-midi. Un seul témoignage nous reste de cette traversée de l'Atlantique qui va durer 11 jours, celui de la petite Jeanne, alors âgée de 10 ans, qui se souvient de l'illustre passager :
« Tous les récits de mes souvenirs de jeunesse ont laissé en moi une empreinte indélébile. Mais s'il est un chapitre auquel je suis particulièrement attaché, c'est bien celui de mon voyage Bordeaux – Saint-Pierre-et-Miquelon en date précise du 15 avril 1938.Le cargo français Le Celte en provenance de Zeebruge, arrivé deux jours avant à Bordeaux avait chargé deux cent quarante tonnes de marchandises. Vingt deux hommes sous la houlette du Commandant Henaut composaient l'équipage. Quatre passagers en supplément s'embarquèrent à bord pour la destination directe de Saint-Pierre-et-Miquelon :- M. Louis Destouches (Docteur en Médecine)- M. René Haran (originaire des Îles)- Mme Elisa Allain (également originaire des Îles)- Mlle Allain Jeanne, moi-même.La perspective d'entreprendre cette traversée de l'Atlantique inquiétait particulièrement ma mère et pour cause. Je venais d'être opérée d'une appendicite aigüe avec complications de péritonite quelque temps auparavant. Mais quand le commandant lui annonça qu'il y avait un médecin à bord, elle fut soulagée et sécurisée.On appareillait donc, en fin d'après-midi et ce jour-là, c'était un Vendredi Saint. J'ai remonté le temps en faisant le compte à rebours et je n'ai rien inventé. Ainsi, à l'heure de la cloche, nous nous sommes retrouvés à la table du commandant, dès le premier soir. Un repas de circonstance avec du poisson au menu. C'est ainsi que je fis la connaissance de l'écrivain que j'appelais aussitôt « Monsieur ».Dès cet instant, nous avons sympathisé tous les deux et je garde au coeur le privilège que j'ai pu avoir de le rencontrer. Il faut croire qu'il avait une grande influence sur moi pour en être marquée à tel point. On est donc rapidement devenus deux amis.Je garderai toute ma vie, l'image de ce grand monsieur à l'imperméable beige et au gros cache-nez à double tour chaussant des bottes en peau de phoques. A cette époque, je ne savais pas qu'il était écrivain, mais je sentais malgré tout qu'il passait entre nous un courant un peu spécial.Chaque jour, il me rendait visite dans ma cabine, il frappait à la porte, bien que cette dernière fut le plus souvent ouverte pour me permettre de regarder le mouvement.La plupart du temps je lisais Les Fables de La Fontaine, il trouvait cela très bien, m'avait-il dit. Mais moi, je lui ai posé une question un peu embarrassante. On dit toujours que la vérité sort de la bouche des enfants. Oui, lui ai-je dit, mais l'auteur pour moi avait menti en faisant parler les animaux.Une autre fois, un jour de très grosse mer, il m'avait demandé si je n'avais pas peur de ces montagnes de vagues qui déferlaient sur le bateau. Bien au contraire, je prenais plaisir à les voir venir mourir sur le hublot de ma cabine. Plus on dansait, quand il y avait du roulis, plus j'étais contente.- Tu vois, me disait-il, quand on va de gauche à droite, ça fait des zigs et ça fait des zags (des zigzags). Cela, j'aime à le répéter et je ne l'ai jamais oublié.Un autre jour, la conversation s'aiguilla sur les poissons. Très rapidement, croyant tout savoir sur ce sujet, j'énumérai tous ceux qui me venaient à l'esprit et que l'on trouvait au pays.- Ah ! Me dit-il, cherche bien, je suis sûr que tu en oublies un !Non, je ne voyais pas. Et le hareng ! Faut pas oublier que nous en avons un avec nous à bord. Il faisait allusion à un passager qui portait ce nom.- Et bien toi, me dit-il, tu seras la sardine. C'est ainsi que j'héritais de ce sobriquet pendant le reste du voyage.Ainsi donc défilaient les jours, en tanguant et en roulant selon les caprices du temps et pas un seul ne s'est passé sans que l'Ecrivain ne vienne me rendre visite chaque après-midi.Mais, il n'existe pas de voyage sans problème, que ce soit train, avion ou bateau et c'est toujours quand on s'y attend le moins que les catastrophes ou les surprises vous arrivent.Tout cela était trop beau pour durer et il a fallu qu'un coup du sort vienne me tomber dessus. Comme surprise, elle fut de taille ! Le vent avait-il viré, sans prévenir ? En tout cas, à l'instant même où j'entendis la cloche sonner pour le déjeuner, il est arrivé une énorme lame de travers, m'arrosant copieusement dans ma bannette. Prise de panique, je me mis à crier pour alerter. Je fus secourue et rassurée sur le champ. Je venais d'hériter d'une belle douche écossaise surnommée « le baptême de l'Atlantique ».Après m'être remise de mes émotions, je crois me souvenir que ce fut à table que l'on arrosa l'événement. Pour éviter un second baptême, la porte de la cabine fut fermée mais cela n'empêchait pas mon ami de me rendre visite. Je lui avais confié que j'aurais aimé rester à Bordeaux mais ma mère avait décidé de repartir à cause des rumeurs de la guerre et que l'on serait certainement plus tranquille à Saint-Pierre.Elle avait vu juste, mais moi, je ne comprenais pas très bien. La seule chose qui m'intéressait, c'était la perspective de retrouver ma famille. De jour en jour, on se rapprochait donc du pays sans penser aux risques qui nous attendaient. Mauvaise saison que ce mois d'avril, pour ceux qui naviguent dans le sillage des icebergs qui descendent du Grand Nord. Mais personne ne parlait de rien de cela à bord.Hélas, par un brouillard épais, une nuit nous avons eu très froid, cela nous a réveillés. Puis tout d'un coup, le bateau s'est penché, puis sans doute un changement de direction, nous a fait pivoter. Nous avions évité le pire, en frôlant une de ces masses de glace flottantes, détachée de la banquise. On peut dire, sans jeu de mots, que ça donne le frisson des glaces.Mais quand je pense à ce voyage sur Le Celte, nous avons eu beaucoup de chance de ne pas faire naufrage. Alors, nous avons senti que le bateau avançait à vitesse réduite par la suite. Mais, il le fallait impérieusement au risque de trouver la même chose à chaque minutes. Puis, on nous a annoncé l'arrivée à bon port sous quelques heures.Très exactement dans un brouillard épais, nous sommes rentrés le mardi 26 avril, dans l'après-midi, sous bonne escorte des pilotes. C'est là que le monsieur me dédicaça un autographe, avant de nous quitter, en me disant que je lirais ses romans plus tard, dans l'avenir.Je regrette beaucoup de n'avoir pas conservé cette preuve, en souvenir de ce voyage. Il n'en reste pas moins certain que lorsque j'en parle autour de moi, on n'ose pas croire que j'ai côtoyé L.-F. Céline pendant onze jours. » (1)
Céline débarque donc à Saint-Pierre-et-Miquelon le 26 avril 1938, « l'île du bout du monde, des grands vents, de l'océan, des brumes et de l'oubli. Territoire romanesque, territoire célinien sauvage et désolé » (2) Il s'installe à l'Hôtel Robert. Il n'en repartira que deux jours plus tard, le 28, à bord d'un vapeur postal, Le Belle-Isle qui l'amènera à Montréal. Deux jours. Pourquoi passer deux jours sur ces îles inhospitalières du bout du monde ? Les biographes seront peu diserts sur ce voyage, qu'ils mentionnent essentiellement comme un lieu de passage vers le Canada et les États-Unis. Céline a en effet plusieurs raisons de se rendre à Montréal et New York. Nous les évoquerons ici rapidement, pour revenir ensuite à Saint-Pierre-et-Miquelon. (Pour plus de détails sur ces escales montréalaise et new-yorkaise, voir les références en fin d'article). D'abord Montréal. C'est à titre personnel qu'il s'y rend dans l'objectif d'en apprendre un peu plus sur un mouvement fasciste canadien dirigé par Adrien Arcand. Une visite « sans tambours ni trompette, presque incognito » (3). Victor Barbeau réussi tout de même à le débusquer, et à le traîner presque malgré lui à un dîner d'une Société des écrivains du Canada français qu'il anime. Intérrogé par le journal La Presse, probablement alerté par Barbeau, Céline confirmera très clairement l'objet de sa visite montréalaise : « J'ai rencontré les chefs d'un parti fasciste à l'avenir duquel je m'intéresse ». C'est ensuite New York, où Céline se rend à titre professionnel pour suivre la publication de la traduction américaine de Mort à crédit.
Mais revenons à Saint-Pierre-et-Miquelon. A cette époque, Céline se trouve dans un état d'esprit bien particulier. Il vient de publier Bagatelles pour un massacre, dans lequel il dénonce furieusement les va-t-en-guerre et est dans l'angoisse d'une prochaine catastrophe qu'il sent poindre. La sortie du livre lui vaudra de nombreuses critiques (toutes ne seront pas mauvaises) et le forcera notamment à démissionner de son poste de médecin au dispensaire de Clichy. Il se sent persécuté. Il annonce son projet de départ en mars 1938 à Robert Allerton Parker ainsi : « Je pense me rendre bientôt dans quelques temps à NY – mais par Terre Neuve ou (St Pierre et Miquelon) Ne pense pas que ma vie est très "safe" à Paris » (4) puis son départ au Dr Bécart : « Je m'absente en lointain voyage pour 2 mois. En revenant, si je reviens... Sans doute de grands changements permettront de parler à coup sûr ! » (5). Ses correspondances font ressortir cet état d'esprit : « Je serai bientôt, je le sens, en exil quelque part... » (6), « Je ne sais pas où aller non plus. Je suis signalé et indésirable partout - même en Irlande. » (7). Entre ses peurs d'une Europe de nouveau en guerre et les pressions liées à son actualité littéraire, Céline cherche une porte de sortie : « Ma vie devient très sportive. Elle consiste à bien choisir le moment juste pour filer à l'étranger. » (8), « le temps n'est peut-être plus loin où il faudra fuir ou crever » (9). Il se met donc à la recherche active d'un point de chute, d'un refuge « suffisamment en marge du monde pour ne faire l'envie de personne et échapper ainsi aux batailles qui, sent-il, couvent déjà au-dessus de l'Europe... » (10) Il commence par placer une partie de son argent dans diverses banques européennes, puis poursuit une série de visites de lieux de refuge possibles. Parmi ceux-ci, on trouvera une autre île : Jersey, île anglo-normande visitée en compagnie de Lucette en mai 1937 : « Je vais à Jersey début mai voir un peu les choses, peut-être acheter une petite maison » (11). Les choses, il va les voir, et vivre sur les terres anglaises un épisode rocambolesque, que nous raconte Gaël Richard : « Une certaine tension régnait, côté britannique, à l'approche du couronnement de George VI, prévu le 12 mai ; le comportement manifestement paranoïaque dans lequel commençait à s'enfermer Céline à peut-être provoqué à Saint-Hélier un petit incident et attiré l'attention des autorités de police locale. En tout cas, très peu de temps après son arrivée sur l'île, la police, à l'occasion d'un contrôle de leurs papiers, mit le couple sous surveillance. [...] Privés de leurs papiers, les deux ressortissants français firent appel au consulat. » (12)
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Illustration de Céline pour "Scandale aux abysses" |
Dans ces romans, Céline fera apparaître de rares fois le nom de Saint-Pierre-et-Miquelon. On trouve une référence dans Nord : « En fait !... j'avais bien prévu, c'était une grosse blonde, pas mal... ...question l'épicerie, une grande chaumière comme les autres, mais là-dedans rien que des étagères... tout le tour des murs... j'ai vu comme ça au Canada, à Saint-Pierre aussi, Miquelon... aussi au Cameroun en 18, le genre factorie... je veux pas vous bluffer que je suis le bouleversant voyageur, le "Madon des Sleepings", maintenant qu'aller-retour Le Cap est un petit impromptu de week-end !... New York par la stratosphère plus ennuyeux que Robinson... » (19) Mais c'est surtout dans un célèbre passage de D'un château l'autre qu'il évoquera l'archipel. Alors réfugié à Sigmaringen, il se fera officiellement nommer gouverneur de St-Pierre ! :
« Qu’est-ce que je peux faire pour vous, Docteur ? — Monsieur le Président, si vous voulez bien m’écouter… d’abord, pas ouvrir le flacon !… ensuite rien dire à personne !… — Oui !… c’est entendu ! mais vous-même ?… tout de même, vous avez bien un petit désir ? » Voilà une autre idée qui me monte ! pourtant je peux dire j’ai tout refusé ! tout !… mais où on est… plus rien a plus d’importance !… « Vous pourriez peut-être, monsieur le Président, me faire nommer Gouverneur des Îles Saint-Pierre et Miquelon ? » J’ai pas à me gêner ! « Promis !… accordé ! entendu ! vous noterez n’est-ce pas, Bichelonne ? — Certainement, monsieur le Président ! » Laval tout de même… Laval a une petite question… « Mais qui vous a donné l’idée, Docteur ? — Comme ça, monsieur le Président ! les beautés de Saint-Pierre et Miquelon !… » Je lui raconte… je parle pas par « on-dit »… j’y ai été !… on mettait alors vingt-cinq jours Bordeaux-Saint-Pierre… sur le très fragile Celtique… on péchait encore à Saint-Pierre… je connais bien Langlade et Miquelon… je connais bien la route… l’unique route de bout en bout de l’île… la route et la borne du « Souvenir », la route creusée en plein roc par les marins de l’Iphigénie… j’invente rien… du vrai souvenir, de la vraie route !… pas que les marins de l’Iphigénie !… les forçats aussi… ils ont eu un bagne à Saint-Pierre… qui a laissé aussi une borne !… « Vous verriez ça, monsieur le Président ! en plein océan Atlantique ! » Le principal : j’étais nommé Gouverneur... je le suis encore !... » (20)
« J’ai connu aussi Laval à Sigmaringen. Je ne l’aimais pas. Il ne m’aimait pas, de longue date. Et puis à son contact (je l’ai soigné) je me suis pris de sympathie pour lui. Il avait deux vertus admirables à mes yeux. Il était ennemi absolu de toute violence – gandhiste [sic] à cet égard – et très patriote, fanatique sur ce point, comme moi – En rigolant ensemble je lui demandais toujours s’il revenait au pouvoir (??!!!) de me faire nommer gouverneur de St Pierre et Miquelon – ma seule ambition terrestre. Il me promettait toujours d’étudier la chose…! Je suis un fervent de St Pierre et Miquelon – c’est l’île la plus pauvre et la plus désolée du monde – c’est tout ce qu’il nous reste du Canada, de notre grandeur –― c’est l’Ile-Reproche ― » (21)
En 1957, Céline évoquera une dernière fois avec drôlerie ces îles lointaines, dans une lettre à sa secrétaire, Marie Canavaggia : « Au prochain ouvrage j'irai me reposer à St Pierre Miquelon que je connais bien, j'ai l'âge, et tous les droits ! J'enverrai les épreuves par "bouteilles à la mer" les recevra qui pourra ! Ne sera-ce poétique ? » (22)
« Ne sera-ce poétique ? »
Matthias GADRET
Le Petit Célinien,1er septembre 2013
Notes
1 - Jeanne Allain-Poirier, Vie de famille aux îles Saint-Pierre-et-Miquelon, Éd. Du Petit Véhicule, 1997.2 - Frédéric Vitoux, La vie de Céline, Folio Gallimard, 2005.
3 - Victor Barbeau, Aspects de la France, 17 janvier 1963.
4 - « Céline et Robert Allerton Parker », Études céliniennes n°5, Hiver 2009-2010.
5 - Lettre au Dr Auguste Bécart, 11 avril 1938.
6 - Lettre à Evelyne Pollet, 17 décembre 1937.
7 - Lettre à Karen Marie Jensen, Début 1938.
8 - Lettre à Karen Marie Jensen, 15 mars 1938.
9 - Lettre à Karen Marie Jensen, 5 avril 1937.
10 - Jean-François Nadeau, Adrien Arcand, führer canadien, Lux, 2010.
11 - Lettre à John Marks, avril 1937.
12 - Gaël Richard, La Bretagne de Céline, Du Lérot, 2013.
13 - Sur ce projet espagnol, voir « Le rêve espagnol de Céline – Documents inédits », Histoires littéraires, vol. XIII, n°51, juillet-août-Septembre 2012.
14 - Lettres à Gen Paul, 1938.
15 - Lettre à Gen Paul, mai 1938 ; Lettres 38-15.
16 - Jeanne Allain-Poirier, Vie de famille aux îles Saint-Pierre-et-Miquelon, Éd. Du Petit Véhicule, 1997.
17 - François Gibault, Céline, Tome II, Mercure de France, 1985, p187.
18 - David Alliot, D'un Céline l'autre, R. Laffont, 2011.
19 - Nord, Romans II, Pléiade, pp.439-440.
20 - D'un château l'autre, Romans II, Pléiade, pp. 245-246. Plus loin dans le texte, Céline mentionnera de nouveau l'archipel, mais de manière moins significative : « peut être on contestera mes titres ?... que j’ai pas Saint-Pierre et Miquelon !... d’abord, que Laval est mort !... et que Bichelonne a rien laissé, rien écrit !... qu’on ne trouve rien aux « Colonies » ! et que ma parole suffit pas !... [...] me demander ce qui m’irait le mieux ?... Gouverneur du Mont Valérien ? Ou Gouverneur de Saint-Pierre ? vous pensez !… méditations ?... on va m’en foutre !... surtout depuis quelques jours... vraiment houspillé depuis quelques jours... oh, rien de bien grave !… mais enfin… des pressentiments...»
21 - Lettres à son avocat, 118 lettres inédites à Me Albert Naud, La Flûte de Pan,1984.
22 - Lettre à Marie Canavaggia, Lettres 57-9.
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