dimanche 31 juillet 2011

Louis-Ferdinand CÉLINE vu par Henri GUILLEMIN (1960 & 1966)

Cinq ans après la mort de l'écrivain, en juin 1966, Henri Guillemin consacre une de ses conférences télévisées à Louis-Ferdinand Céline. Le critique s'attache à disculper cet auteur devenu paria en raison de son antisémitisme vociférant. Il met en lumière le style de Céline, son écriture jubilatoire et les étincelles de poésie dans la noirceur de ses récits mais surtout Henri Guillemin évoque l'homme, sa profondeur, sa sensibilité :




Henri GUILLEMIN commente Nord (1960) : 

samedi 30 juillet 2011

Vient de paraître : L'Année Céline 2010

Vient de paraître aux éditions Du Lérot L'Année Céline 2010. Au sommaire :

TEXTES DE CELINE
Deux lettres et dix dédicaces à Romuald Gallier
Lettres à divers : Herminée Howyan, Georges Michau, Jean-Gabriel Daragnès, Georges Geoffroy, Paul Marteau, Jules Almansor, Maurice Lemaître, Claude Gallimard
Déclaration d'impôt
Dédicaces et lettres passées en vente
Fragment de lettres : à Jules Almansor, Théophile Briant, Ansbert Frimat, Georges Geoffroy, John Marks, Paul Marteau
Editions et rééditions d'oeuvres de Céline  

DOCUMENTS Sur les routes d'Eure-et-Loir, hiver 1918, par Gaël Richard
Une médaille de bronze pour le Dr Destouches
Autour du procès de Céline, par Gaël Richard
Prière d'insérer de The Crippled Giant de M. Hindus
La nécrologie de Céline dans la presse danoise, par François Marchetti.  

ETUDES La science grotesque, La représenation de la figure du savant dans les romans de Louis-Ferdinand Céline, par Guillaume Grondin.
Les traces d'une vie, recherches biographiques, par Gaël Richard.

CHRONIQUE
Bibliographie critique : volumes, articles, colloques et travaux universitaires, chapitres de livres, fictions, périodiques.
Adaptations et mises en scène, audiovisuel, bibliophilie, varia : théâtre, bibliophilie, expositions, tract, jeu, télévision, cinéma.
Echos et mentions.

L'Année Céline 2010, Ed. du Lérot, 2011, 35€.
Du Lérot éditeur
Les Usines Réunies
16140 TUSSON
05.45.31.71.56

www.editionsdulerot.fr
Illustration de couverture : envoi de Céline à Romuald Gallier (coll. part)

vendredi 29 juillet 2011

Le Petit Célinien - Lettre d'actualité n°10

Pour recevoir gratuitement par courriel à chaque parution la lettre d'actualité du Petit Célinien, laissez-nous votre mail à l'adresse habituelle : lepetitcelinien@gmail.com.

Le Petit Célinien - Lettre d'actualité n°10.

jeudi 28 juillet 2011

Louis-Ferdinand Céline et le Chella

Extrait de Chella, Lyautey et Céline, article du site Maîtres du vent :

"Après la déclaration de guerre de 1939, Louis-Ferdinand Céline «va vivre un épisode bouffon, très célinien. En septembre, il devient médecin maritime pour la compagnie Paquet. Il embarque donc sur le Chella, qui assure la ligne vers le Maroc. Mais dans la nuit du 5 au 6 janvier 1940 devant Gibraltar, le navire éperonne par mégarde un aviso britannique. Il y a vingt-sept morts du côté anglais et le docteur Destouches (vrai nom de Céline) soigne les victimes. Le Chella rallie tant bien que mal Marseille.» (François Gibautlt, dans Lire hors-série n°7).

Céline est en fait volontaire mais trop vieux pour aller au front et invalide à 75% depuis la Première Guerre mondiale après des faits d’arme qui lui valurent des médailles et la quatrième de couverture en couleur de L’Illustré national. Il devient donc médecin de bord sur le Chella, réquisitionné pour des transports d’armes : «Militaire comme tu me connais, tu ne seras pas surpris de me voir devenu médecin de la marine de guerre et embarqué à bord d’un paquebot armé» écrit-il à un de ses amis, le docteur Camus.

Il écrit aussi à René Arnold : «Gibraltar 11 janvier [1940] À peine venais-je de vous écrire que nous faisions naufrage devant ce port. Heureusement (si l’on peut dire) sauf, mais ayant expédié au fond 24 vaillants anglais. Collision de détroit ! avec explosion - et blessés partout. Quelle nuit ! Quelle longue nuit ! Nous rejoindrons Marseille plus tard et puis je rechercherai un embarquement. Comme la vie est aléatoire!». Enfin il précise, toujours professionnel : «Les médicaments font merveille! après cette nuit dans l’eau que de bronchites guéries, prévenues!».


Photo: Le paquebot Chella de la compagnie de navigation Paquet dans un bassin du port de la Joliette. (Collection des Archives du musée d’histoire de Marseille). Paquebot en acier de 130 mètres de long, construit aux Forges et chantiers de la Méditerranée à La Seyne en 1933.

mercredi 27 juillet 2011

Une lecture de D'un château l'autre par Arnaud Maïsetti

Lecture d'un extrait de D'un château l'autre par Arnaud Maïsetti, mise en ligne sur le site Page 48 le 2 février 2011 (Durée 2'05) :

Connaissez-vous vraiment Céline, cet exceptionnel antisémite ? - JSSNews.com - 27 juillet 2011

JSSNews.com, "webzine d’opinion israélien", se fait l'écho de la parution du Céline, un antisémite exceptionnel d'Antoine Peillon, paru en mai aux éditions Le bord de l'eau.

Louis-Ferdinand Destouches, dit « Céline », fait la une de l’actualité française avec ce que l’on nomme déjà : l’affaire des célébrations nationales. L’écrivain, encensé par certains comme une véritable légende, un homme extraordinaire, un génie, possède cependant, un tout autre profil que je qualifierais des plus méprisables !

Antoine Peillon, journaliste sérieux et pointu, nous présente Céline. Un Céline en toute vérité, dans son dernier livre “Céline, un antisémite exceptionnel“. Un livre passionant que j’ai dévoré.

A commencer par les toutes premières pages de ce document vérité.

« Georges Charpak s’adressant à Fabrice Luchini lors de la dernière émission de Bouillon de Culture, de Bernard Pivot, le 29 juin 2001 :
« Je ne peux pas m’empêcher de penser, en voyant cette séquence -interventions, en paroles et en musiques, des violonistes Manuel Rosental, Yehudi Menuhim et Patrice Fontanarosa- que si Céline l’avait vue, il l’aurait haïe. (…) J’aimerais comprendre comment on peut défendre Céline grand écrivain – et je m’incline devant le grand écrivain – et ne pas mettre une barrière devant l’homme (…) qui était abject car il souhaitait la mort de tous les gens que l’on voyait là en train de jouer du violon… »

Céline, grand écrivain mais également ardent défenseur de la haine anti-juive ?

La véritable personnalité du personnage se dévoile au fur et a mesure de la lecture de ce livre. 72 pages truffées d’histoires, d’anecdotes et d’exemples aussi intéressants les uns que les autres, un véritable opus ! A commencer par les propres mots de Céline : « Plus de Juifs que jamais dans les rues… dans la presse… au barreau… en Sorbonne… en médecine… au théâtre, à l’Opéra, au Français ; dans l’industrie, dans les banques. » 70 ans après avoir rédigé ces lignes, elles sont plus que jamais, hélas, actuelles, du moins, pour les défenseurs de la cause anti-juive (et anti-israélienne qui plus est) moderne. La banque, la culture, la presse, ils sont partout… Des idées reçues qui poursuivent le Juif et qui ne périssent jamais. Pire, qui se recyclent. Et Céline sait y faire.

Dès 1963, Philippe Sollers se scandalisait déjà, « qu’on ose reprocher à un littérateur ses engagements politiques de la veille au risque de nuire à sa carrière politique. » Comme si les écrivains sarkozistes l’étaient devenus uniquement par ambition, juste avant l’élection de Sarkozy comme président en 2007. Rien de politique la-dedans, juste une petite touche de zèle bien placé. Et les célinophiles ont du mal à se l’avouer. Les Bruno Gollnish et autres... Eric Nolleau, sans oublier le Grand Fabrice Luchini.

Dans son livre, Antoine Peillon explique également que la haine raciale de Céline est originaire, construite, systématique et “exterminationniste”. Est aveugle celui qui ne veut pas le voir. Pour Louis-Ferdinand, la solution aux problèmes de la France se trouvait dans l’alliance avec l’Allemagne nazie. Céline voulait « éliminer la race juive », il voulait « les égorger dans leur mesquinerie » et faire comme Hitler : « surgir (…) et par salve, tuer. »

Il est de ces livres pour la culture et l’intelligence que vous lisez sans pouvoir le lâcher, tant que vous ne l’avez pas terminé. Celui d’Antoine Peillon en fait parti. A moins de 6 €, il serait bien dommage de s’en priver!

Jonathan-Simon SELLEM
JSSNews, 27/07/2011


Antoine Peillon, Céline, un antisémite exceptionnel, Ed. Le bord de l'eau, 2011.
Commande possible sur Amazon.fr.

mardi 26 juillet 2011

La fille de Louis-Ferdinand CÉLINE est morte (2011)

La photo de presse ci-dessus montre Lucette Almansor, seconde épouse et veuve de L.-F. Céline, bénissant le cercueil de son mari, au cimetière des Longs-Réages à Meudon, le 4 juillet 1961.
La jeune femme à sa gauche est Mme Colette Turpin, née Destousches, unique enfant de l'écrivain, née à Rennes en 1920 de son premier mariage avec Edith Follet, fille du Dr Athanase Follet et petite-fille du Dr Augustin Morvan. Elle vient de mourir à Lannilis (1), le 9 mai, dans la maison de son arrière-grand-père Morvan, qui fut maire de cette petite ville du Nord-Finistère.
L'entente entre Lucette et Colette ne dura pas plus longtemps que cette photo. Colette refusa son héritage (Céline devait 2,7 millions de nouveaux francs à Gallimard). Lucette gère donc aujourd'hui encore, avec son avocat Maître François Gibault, l'oeuvre de Céline. Elle a 98 ans.
Colette Turpin a eu cinq enfants, deux garçons et trois filles, entre 1942 et 1950 : Jean-Marie, Annick (Mme Gillot), Françoise (Mme Legrand), Catherine (Mme Grener), Claude. Ils sont tous mariés, et plusieurs sont déjà grands-parents. Céline, divorcé dès 1926, n'avait rencontré que l'aîné (une seule fois).

Présent n°7363, samedi 4 juin 2011.

1- Colette Turpin est en réalité décédée à Neuilly-sur Seine (Hauts-de-Seine) et enterrée à Lannilis (Finistère).

Sur le sujet :
> Entretien avec Colette Turpin née Destouches
> Céline vu par sa fille, Figaro Littéraire, 26 mai 2011

Stanislas de la Tousche - Céline, Y en a que ça emmerde ? - CityLocalNews.com - 22 juillet 2011

Remarquable. Stanislas de la Tousche, assis dans son fauteuil, retrace la vie de Louis Ferdinand Céline avec brio, qui plonge la salle dans une vague de rires et de larmes. Pour apprécier le spectacle, mieux vaut cependant laisser les convenances chez soi.

A l’occasion du 50ème anniversaire de sa mort, Stanislas de la Tousche interprète Céline et nous raconte la vie du poète, homme au génie remarquable.

Il est des spectacles qui ne s’adressent qu’aux avertis. « Y’en a que ça emmerde » en fait résolument parti. Bien sûr, nul besoin d’aimer Céline, l’homme de lettres, le médecin, le révolté, l’impertinent, l’amer, pour apprécier le spectacle. Mais il est préférable de laisser les convenances chez soi en claquant la porte. Pendant une heure, Stanislas de la Tousche, le comédien, s’assoie face à nous pour nous conter la vie de Louis Ferdinand Céline. Son enfance à Courbevoie, ses passions troubles, les malades, les lecteurs, ses lectures, la vie chère… Sur cette scène au décor simple et rustique, le vieil homme, nonchalamment installé dans un fauteuil se souvient. « C’est effrayant ce que j’ai d’ennemis ! Ils en sont comme à bout de crachats, vous le savez ! mais je vais les prévenir un fort coup ! Quand même ! L’agonique méchant ! Le loup crève sans hurler, pas moi ! » Il déclame pêle-mêle des textes tirés de ses écrits, tous confondus. Féerie pour une autre fois, D’un château l’autre, Rigodon, entretiens avec A. Parinaud, etc... Sorte de plaidoyer sur le présent qu’il déteste, les choses qui vont bon train mauvais train. Ce que nous propose Stanislas de la Tousche, grand connaisseur de Céline depuis des décennies est une performance. Il incarne merveilleusement ce personnage qu’il adore, et, entre un cri de colère et un vomissement de douleur laisse éclater le rire dans la salle.

Gaëlle GRANDON
CityLocalNews, 22/7/2011.

Céline, « Y’en a que ça emmerde ? » au Théâtre des vents, 63 rue Guillaume Puy, 84000 Avignon.
Jusqu’au 31 juillet, à 11h. Réservations : 06 20 17 24 12.

lundi 25 juillet 2011

Une maison, un écrivain : Louis-Ferdinand Céline, le reclus de Meudon

"Une maison, un écrivain", série documentaire proposée par Patrick Poivre d'Arvor, a consacré un numéro à Louis-Ferdinand Céline. Un épisode écrit et réalisé par François Caillat, diffusé sur France 5 dimanche 24 juillet 2011. Durée 26 min. 



Le Petit Célinien - Lettre d'actualité n°10

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vendredi 22 juillet 2011

Du chochotte drôle...

Vercingétorix ! Pétain ! Voltaire ! Blanqui ! Oscar Wilde ! Lecoin ! Jaurès ! Thorez ! M. Braguet ! François 1er ! Sacco ! c’est des prédécesseurs un peu ! et d’autres ! et Latude ! Qui qu’a pas été en cellule c’est du chochotte drôle… c’est que du venteux bibelot petit être… Grogneugneu ! qu’il fait… il sait pas… et qu’il veut rien apprendre loustic ! Causer, mentir, sa machine !... pour ça que le monde reste si con… »

Louis-Ferdinand Céline, Féerie pour une autre fois, p33 Pléiade.

jeudi 21 juillet 2011

Théâtre : Faire danser les alligators sur la flûte de Pan à Figeac les 21 et 26 juillet 2011

Dans le cadre du Festival de théâtre de Figeac, Denis Lavant interprétera Faire danser les alligators sur la flûte de Pan, spectacle composé par Emile Brami à partir de la correspondance de Louis-Ferdinand Céline. Mise en scène Ivan Morane.

Jeudi 21 et mardi 26 juillet 2011 à 20h
Magic Mirror
Place Vival
FIGEAC


www.compagnie-ivan-morane.com

mercredi 20 juillet 2011

Le Petit Célinien

Les 77 numéros du Petit Célinien (avril 2009-décembre 2010) restent disponibles en format pdf au prix de 2.50€ le numéro.
Les sommaires sont à consulter ici.

mardi 19 juillet 2011

Fabrice Luchini lit Céline

Fabrice Luchini lit Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline. Un enregistrement disponible en CD (en vente sur Amazon.fr).

Céline et Césaire ont de nombreux points communs : entretien avec David Alliot - 2 juillet 2010

Marie-Noëlle RECOQUE : Vous êtes connu pour être un spécialiste de L.F. Céline, pourquoi avez-vous eu envie de rédiger une biographie d’Aimé Césaire [Aimé Césaire, le nègre universel, Infolio, 2008] ?
David ALLIOT : J'ai eu un coup de foudre en lisant le Cahier d'un retour au pays natal. Cela fait une vingtaine d'années que je lis Aimé Césaire, c'est un auteur qui me passionne. Comme je suis un peu fouineur, j'ai commencé à accumuler des documents, des éditions rares. Et au final, j’ai commencé à écrire sa vie. C'est arrivé très naturellement, mais sur le long terme

Quelles difficultés avez-vous rencontrées dans votre travail et quelles lacunes n’avez-vous pas réussi à combler ?
Je n'ai pas eu de difficultés si ce n'est le décès de Césaire lui-même qui m’a fait anticiper la publication de l’ouvrage; je devais me rendre à Fort-de-France, fin mai 2008, et rendre mon manuscrit en septembre 2008, pour une publication en janvier 2009. Je n'ai pas eu le loisir de rencontrer les enfants de Césaire, Pierre Aliker et d'autres témoins capitaux. Je vais le faire sous peu, en vue d'une édition « longue » de ma biographie, pour le centenaire de la naissance de Césaire en 2013. J'ai encore beaucoup de matériaux biographiques qui n'ont pas servi.

Faut-il faire (ou pas) le grand écart pour passer de Céline à Césaire ?
En fait je pense (mais cela n'engage que moi) que Céline et Césaire ont de nombreux points communs. Ce sont des poètes qui ont eu une vie palpitante et passionnante, ils se sont engagés politiquement (même si on peut critiquer l'engagement), ils avaient un profond rejet du système en place et une aversion de l'injustice. D’un auteur à l’autre, bien sûr, les styles diffèrent et les résultats également. Mais cela ne m'a pas demandé un effort considérable pour passer de l'un à l'autre. J’aime les hommes de conviction et les gens qui s'engagent.

Dans quelles circonstances des manuscrits de Césaire ont-ils pu être conservés à l’Assemblée nationale ? Je veux parler des œuvres littéraires, notamment un manuscrit du Cahier d’un retour au pays natal.
Ce manuscrit est une merveille conservée à la bibliothèque de l’Assemblée nationale. Il a été acheté à un libraire d’autographes, qui lui-même l’avait acheté à des particuliers, à la fin des années 80, et il est bien conservé. C’est la version la plus ancienne connue du Cahier, il y a des ratures, des ajouts, des corrections, des passages supprimés, ce qui laisse entrevoir comment Césaire travaillait ses poèmes. Sa façon de créer se révèle passionnante. J’étudie d’ailleurs d’autres manuscrits et prépare d’autres ouvrages sur Césaire.

Vous attirez l’attention dans votre ouvrage sur le fait que l’étude des manuscrits de Césaire est primordiale pour la compréhension de la genèse de son œuvre mais vous précisez que cette étude n’en est qu’à ses balbutiements. Que faudrait-il pour qu’elle soit rendue possible ?
Pour qu’il y ait une étude des manuscrits, il faut qu’il y ait un marché de bibliophiles ou de collectionneurs. Pour la simple raison qu’un papier qui n’a aucune valeur marchande est jeté et disparaît. Jusqu’à une date très récente Aimé Césaire n’avait pas une grande valeur bibliophilique et l’on pouvait acheter des autographes, des éditions rares et/ou signées pour une bouchée de pain. Par ignorance ou par préjugé, le marché n’existait pas. Le tapuscrit du Cahier d’un retour au pays natal a été acheté par la bibliothèque de l’Assemblée nationale à peu près 1300 euros (8000 francs) en 1992, un prix dérisoire. Mais les choses changent et la cote de Césaire grimpe très vite. Du coup, les manuscrits commencent à sortir des tiroirs. Cela permet de les étudier au passage. Maintenant il faut que les bibliothèques et les archives les préemptent pour que ces documents littéraires et historiques puissent rejoindre définitivement les collections publiques et deviennent le patrimoine de tous.

Propos recueillis par Marie-Noëlle RECOQUE
La plume francophone, 2 juillet 2010.

lundi 18 juillet 2011

Le fou et la tortue par Philippe Lacoche

Un régal que ce roman où Salatko évalue l'amitié Louis-Ferdinand Céline-Marcel Aymé.

Marcel Aymé, avec sa tête de tortue, avait un sens aigu de l'amitié. Lorsqu'il donnait celle-ci, il ne la reprenait pas : il la poussait jusqu'au bout. On aurait pu penser qu'il avait de la suite dans les idées ; il avait simplement un sens évolué de l'Autre. L'amitié qu'il a dispensée à l'endroit de Céline était sans limite. Il fut l'ami des bons et des mauvais jours de l'écrivain le plus génial, le plus fou, le plus immense et le plus détestable de la terre. Cette amitié, Céline la rendait à Marcel. Mais à sa manière. Et il fallait bien avoir la sensibilité de Marcel Aymé pour comprendre cela. Romancier et nouvelliste de grand talent, Alexis Salatko tourne autour de cette amitié, la flaire, la soupèse, l'évalue grâce à une fiction impeccable, romanesque à souhait. En 1981, le narrateur du roman, dix-sept ans, cheveux longs, fan des Who, des Stones et lecteur de Charlie Hebdo, rompt avec sa famille, tente de rejoindre son frangin, étudiant à Jussieu, s'engueule avec lui, et se réfugie chez Ginette et Maximilien (Max) Hardelot, amis de ses parents, à Draveil, près de Juvisy. Malade, quasiment en fin de vie, Max s'achève au pastis, s'engueule avec Ginette, affiche une humeur épouvantable. Malgré ça, les Hardelot accueillent l'intrus en cavale. Ils le logent dans la chambre d'Alban, leur fils, disparu dans un accident de moto deux mois plus tôt. Max commence par prendre le jeune homme en grippe. Puis il se détend, le regarde différemment( après tout, ce ne serait pas un peu le retour du fils adoré ?). Et finit par lui parler. Il ne s'arrêtera plus de causer. Il passe tout en revue. Son passé, sa jeunesse, sa rencontre avec Ginette, et surtout il évoque ses grands copains d'avant : Céline et Marcel Aymé. Et l'amitié indéfectible qui réunit les deux zèbres. Il y a autour d'eux les ombres frémissantes et agitées de Gen Paul et de Le Vigan. Les portraits sont à cru, taillés dans le vif. Les propos de Céline, souvent extraits de ses œuvres et de ses correspondances, valent bien tous les steaks des boucheries de Meudon et de Courbevoie, tant on rigole. Ce livre teigneux et mélancolique est un pur régal.

Philippe LACOCHE
Service Littéraire n°43, juillet-août 2011.

Ecrivain et journaliste, dernier ouvrage paru : " La maison des girafes " chez Alphée.

> Alexis Salatko, Céline's band, Robert laffont, 2011.



Dans ce même numéro du Service Littéraire, on oubliera deux remarques assassines dans la rubrique "on trouve ça bien, on trouve ça mauvais". Un "Céline à toutes les sauces, ras le bol !" en guise de commentaire pour la réédition de La Bringuebale avec Céline d'Henri Mahé. On attend toujours un jugement sur le texte... Christophe Malavoy se voit aussi malmené : "Un dialogue platonicien qui ne vaut pas tripette. L'avalanche Céline nous pèle déjà le jonc, mais quand c'est du sous-Céline revu et corrigé par un acteur qui se la pète, là, on se la mord !" Ici, nous défendons ce texte, plutôt bien écrit, de quelqu'un qui a lu Céline (ils ne sont pas si nombreux à s'en donner la peine) et en a saisi toute sa sensibilité et toutes ces contradictions.

Louis-Ferdinand Céline : nouvelles parutions italienne et néerlandaise

Parution aux éditions Il Settimo Sigillo de lettres de Céline à la presse collaborationniste entre 1940 et 1944. Un choix d'Andréa Lombardi, préfacé par Stenio Solinas, traduit du français par Valeria Ferretti. http://lf-celine.blogspot.com

Presentiamo qui, per la prima volta in italiano, le discusse lettere e gli scritti di Louis-Ferdinand Céline alla stampa collaborazionista francese e apparse su “Je suis partout”, “Au Pilori”, “Germinal”, “La Gerbe”...
I temi toccati da Céline in queste lettere “maledette”, vanno dalla disfatta del 1940 e Vichy, gli ebrei, il razzismo, la guerra, la collaborazione franco-tedesca e gli intellettuali, alla polemica letteraria contro Proust, Cocteau e Peguy. Nel volume sono anche riprodotte le pagine originali delle ormai introvabili riviste e quotidiani dove apparvero gli scritti tradotti, mentre le appendici comprendono la risposta di Céline alle accuse della Procura francese, un ricordo di Céline scritto da Karl Epting, direttore dell’Istituto Tedesco di Parigi, un breve saggio sulla cultura politicizzata della Sinistra in quegli stessi anni e uno sui rapporti tra gli intellettuali francesi e tedeschi, e numerose fotografie.



Un livre de Nico Keuning paraît en néerlandais sur la période de l'exil danois, De laatste reis, De Deense jaren van Céline in ballingschap 1945 - 1951, aux éditions Aspekt.

Louis-Ferdinand Céline (1894-1961) heeft als soldaat, (onder zijn werkelijke naam Destouches), arts en schrijver een turbulent leven geleid. Als avonturier en gelukzoeker zocht hij zijn heil in Afrika en in zijn functie als hygiënist van de Volkenbond reisde hij onder andere naar Amerika, Engeland, Duitsland, Denemarken...

Met zijn roman Reis naar het einde van de nacht (1932) bracht hij een vernieuwing in de Europese literatuur teweeg. ‘Ik heb de emotie weer in de schrijftaal gebracht.’ In Nederland vond hij bewonderaars onder schrijvers als Gerard Reve en W.F. Hermans. Wellicht ook door zijn misantropie, paranoia en eigenzinnigheid. Eind jaren ’30 neemt zijn carrière een dramatische wen- ding als hij in antisemitische pamfletten openlijk sympathiseert met ideeën van het nationaal-socialisme en het Franse volk waarschuwt tegen de joden en de dreiging van een Tweede Wereldoorlog. Uit angst geëxecuteerd te worden, slaat Céline in juni 1944 op de vlucht.

De laatste reis laat een andere Céline zien: een schrijver in het plunje van een zwerver op de vlucht door Duitsland, ondergedoken in Kopenhagen, opge- sloten in de Vestre Fængsel, de gevangenis in Kopenhagen, onder huisarrest in Klarskovgaard op het Deense eiland Seeland. Een kankerende Céline, een hatende Céline een wanhopige Céline, maar vooral een schrijvende Céline. Tijdens zijn Deense ballingschap (1945-1951) schreef hij naast een aantal romans zo’n vierduizend brieven, waarvan honderden aan zijn advovaat Thorvald Mikkelsen die in een ministerie van Justitie de slepende rechtszaak uiteindelijk wist te winnen.

Nico Keuning bezoekt de adressen in Kopenhagen, Korsør en Klarskovgaard, komt in contact met Céline-kenners, vindt nieuwe documenten, ontdekt een ‘pleitrede’ van Céline uit 1946 en werpt een ander licht op de Deense jaren van zowel de persoon Destouches als de schrijver Céline, die nu vijftig jaar geleden, op 1 juli 1961 in Meudon overleed.

dimanche 17 juillet 2011

Céline, une vie déchirée - JDD - 10 juillet 2011

Henri Godard, le spécialiste de l'écrivain, retrace dans une passionnante biographie la vie de celui qui suscite toujours autant la polémique, cinquante ans après sa mort.

La danse fut la grande passion de sa vie. Il existait donc des hommes et des femmes capables de vaincre la lourdeur et la pesanteur existentielles à force d’un travail acharné. ça valait le coup de tenter de faire la même chose – enlever boulets aux pieds et menottes aux poignets – pour s’élever dans les airs. Et puis, quoi ? Il est impossible, là encore, de livrer une réponse au cordeau. Céline échouera et réussira à la fois dans son imitation de la danse. Son écriture filée ne cessera de décrire une humanité fixée. Nous, pris dans la nasse. Le professeur Henri Godard, maître d’œuvre de Céline dans la Pléiade, a écrit une passionnante biographie. Elle complète et complexifie. Henri Godard ne coupe pas en deux l’homme. L’un des plus grands romanciers du XXe siècle avec Proust fut, aussi, l’auteur de pamphlets antisémites préparant les esprits à accepter le pire. Il n’existe pas deux Céline. Le créateur hors du commun d’une langue nouvelle contre le soi-disant fou empli d’antisémitisme. Il n’y a qu’un seul homme admirable et haïssable. Il faut faire avec.

De 1894 à 1961. Tout y est. Ce qu’on connaît bien et ce qu’on connaît moins bien. L’enfance passage Choiseul, à Paris, sans accord et sans accroc ; l’école quittée à 13 ans et il y aura toujours un gouffre entre ceux qui "pensent" la vie et ceux qui "éprouvent" la vie ; les deux années d’apprentissage en tant que commis de boutique où la haine des patrons donne la main à la haine des juifs ; l’expérience de la guerre (août-décembre 1914), durant laquelle il sera blessé creusant dans sa vie un avant et un après ; le séjour à Londres, où il s’affranchit des codes de bonne conduite familiaux ; la publication fracassante à 38 ans de Voyage au bout de la nuit (1932), où l’on passe de l’Afrique à l’Amérique ; le mauvais accueil réservé à Mort à crédit (1936) et le succès en librairie de Bagatelles pour un massacre (1938) ; les compromissions sous l’Occupation ; la fuite en Allemagne ; l’arrestation en décembre 1945 ; les années d’exil danois ; l’acquittement par le tribunal militaire ; le retour en France en 1951 ; les années Meudon. Il prendra plaisir à y être immortalisé en semi-clochard.

Jusqu’au bout. Le fils de commerçants sera antisémite du début à la fin de sa vie. Il verra son père attribuer ses gadins professionnels aux juifs et aux francs-maçons ; il mettra l’échec de Mort à crédit sur le dos des juifs décidés à en découdre avec les non-juifs ; il n’aura pas un mot de remords après la guerre arguant qu’il fut avant tout pacifiste. Obsessions et obscénités. Céline a tout ratissé et rapetissé. L’amour, le sexe, la politique, le peuple. Le médecin des pauvres a refusé d’idéaliser le peuple dont il vient. "Le malheur en tout ceci, c’est qu’il n’y a pas de peuple, au sens touchant où vous l’entendez, il n’y a que des exploiteurs et des exploités, et chaque exploité ne demande qu’à devenir exploiteur". (Lettre à Élie Faure de juillet 1935). Les femmes (Elizabeth Craig, Karen Marie Jensen, Lucette Almanzor) ont tenu une place importante dans sa vie.

Encore ce désir de scintillements, de légèreté
L’auteur de D’un château l’autre (1957) est entré dans la légende pour avoir cassé la gueule à la langue, produit des pamphlets antisémites, créé un personnage d’écrivain maudit. Est-ce qu’il aurait pu être autre que ce qu’il a été ? Peut-être a-t-il regretté, comme Ferdinand Bardamu au chevet d’un mourant dans Voyage au bout de la nuit, que la vie ait éteint en lui l’amour des autres. "Mais il n’y avait que moi, bien moi, moi tout seul, à côté de lui, un Ferdinand bien véritable auquel il manquait ce qui ferait un homme plus grand que sa simple vie, l’amour de la vie des autres. De ça, j’en avais pas, ou vraiment si peu que c’était pas la peine de le montrer". Quand le journaliste Pierre Dumayet demande, dans Lectures pour tous, à Céline, ce qu’il reproche le plus aux hommes, il répond : "Ils sont lourds". Eh oui, encore ce désir de scintillements, de pas de danse, de légèreté, chez cet écrivain de la désacralisation.

Une trajectoire déchirée mais pas déchirante. Henri Godard met les choses au clair. Un génie de la langue, pas fou, obsédé par sa haine des juifs. Le biographe raconte une vie en forme de ciel de traîne avec gelées, averses, orages. Céline écoutait juste et voyait trop : "J’avais ce sale penchant aussi pour les fantômes. Peut-être pas tout à fait par ma faute. La vie vous force à rester beaucoup trop souvent avec les fantômes" (Voyage au bout de la nuit). Le travail d’Henri Godard vaut aussi par la somme de détails, de silences, de nervures, d’à-côtés mise en exergue. Céline adorait se rendre à des spectacles de danse, se plonger dans Pascal et La Fontaine, se projeter dans les paysages de Bretagne. Il aimait tellement la mer. Il n’écrivait pas pareil et n’était pas pareil face à la mer. Il avait besoin d’elle. La perte de vue.

Marie-Laure DELORME
Le Journal du Dimanche, 10 juillet 2011.

Illustration : José Corréa



>>> Henri Godard, Céline, Gallimard, 2011.

La vie et moi de Marcel Lévy

Voici une lecture fort sympathique, sans aucun rapport à Céline, que nous vous conseillons : La vie et moi de Marcel Lévy. Un jeune esprit de 93 ans nous explique, avec drôlerie, comment bien rater sa vie...

Présentation de l'éditeur
L'auteur présente ainsi son projet dès les premières pages : « On a déjà écrit de nombreux ouvrages sur l'art de réussir dans la vie. De pauvres hères, végétant misérablement dans des soupentes, on souvent essayé de gagner un bifteck précaire en montrant aux deshérités de ce monde la voie la plus sûre et la plus commode de parvenir à l'or et aux grandeurs… On peut se demander si la valeur pratique de telles oeuvres est aussi haute que leur portée littéraire. Pour atteindre le succès, il convient de posséder un assortiment de qualités et de défauts qui n'est pas souvent l'apanage des littérateurs de bas étage — si je puis appeler ainsi des hommes de lettres logés dans des mansardes. Et l'on peut concevoir des doutes sur l'esprit désintéressé de ces messieurs, plus soucieux de conduire leur prochain à la fortune que d'en goûter eux-mêmes les fruits, car un tel excès d'altruisme n'est pas dans la nature humaine. « Puisque les hommes conçoivent toujours ce voeu relativement légitime de réussir dans la vie, j'ai eu l'idée de leur montrer par des exemples bien choisis et tirés de l'existence les différentes routes qu'un homme normal (moi-même en l'occurrence) a pu suivre pour parvenir en toutes choses à un insuccès total — en un mot, la vie d'un raté. Les amateurs connaîtront de la sorte sinon la voie à suivre, du moins les chemins à éviter, ce qui est d'une importance majeure. Ils seront mis en garde contre la plupart des pièges de l'existence. S'ils ignorent peut-être encore quels sont les vices et les vertus qui contribuent le mieux à la réussite, ils sauront avec certitude quels sont les crimes les moins rémunérateurs et les bonnes actions les plus mal cotées en bourse… » Ajoutons qu'à suivre Marcel Lévy en ses désolantes tribulations, on finit par se prendre d'affection pour le prétendu cynique qui nous fait ici l'aveu de sa déconfiture — et qui nous livre entre les lignes, sous le masque de l'humour, la chanson douce-amère d'un homme blessé par la vie. Réédition en collection libretto de La Vie et moi de Marcel Lévy (1992)… sous-titré : « Chroniques et réflexions d'un raté ». Un récit autobiographique plein d'impertinence, qui signalait l'entrée en littérature d'un « jeune » écrivain de 93 ans. La critique l'avait comparé à Léautaud et à Cioran.

Marcel Lévy, La vie et moi, Ed. Phébus, 1992.
Commande possible sur Amazon.fr.

samedi 16 juillet 2011

François Gibault et David Alliot sur France 3 - 16 juillet 2011

François Gibault était l'invité du JT de France 3 Ile de France ce samedi 16 juillet 2011. Une vidéo à voir ici :

JT France 3 IDF - Me François Gibault / David Alliot

Un maison, un écrivain - France 5 - dimanche 24 juillet 2011

Le numéro consacré à Céline de la série documentaire "Une maison, un écrivain" proposée par Patrick Poivre d'Arvor sera diffusé dimanche 24 juillet 2011 à 22h06. Episode écrit et réalisé par François Caillat. Rediffusion samedi 30 juillet à 20h54.

Un film à voir ici.  

Les écrivains établissent souvent une relation singulière avec les endroits qu'ils habitent, qu'ils soient maison d'enfance, refuge sentimental ou demeure de la maturité. Chaque épisode nous permet de visiter l'un de ces lieux privilégiés, qui éclairent le cheminement d'un auteur et rayonnent dans ses écrits. Louis-Ferdinand Céline, le reclus de Meudon. En 1951, Louis-Ferdinand Céline rentre d'un long exil au Danemark et s'installe non loin de Paris, à Meudon. Pendant dix ans, Il va vivre reclus dans sa maison et rédiger sa 'Trilogie allemande', une fresque sur l'Europe en ruines à la fin de la guerre. Bientôt, l'écrivain retrouve un public. Il accueille les journalistes et multiplie les interviews...

"Les Livres qui tuent", un téléfilm sur l'assassinat de l'éditeur Robert DENOËL

"Les films qui tuent", téléfilm réalisé par Denys Granier-Deferre, consacré à l'assassinat de Robert Denoël en 1945, diffusé sur France 2 vendredi 15 juillet 2011. Avec Lorànt Deutsch, Blanche Gardin, Eric Prat, Hubert Saint-Macary et Michaël Abiteboul.







Télérama a consacré un article à ce film le jour de sa diffusion sous la plume de Samuel Douhaire:

Robert Denoël, éditeur de Céline, est assassiné en 1945... Un épisode historique raconté de manière très personnelle dans “Les Livres qui tuent”, de Denys Granier-Deferre, par le scénariste Jean-Claude Grumberg.

Une énigme policière basée sur des faits réels - l'assassinat, en 1945, de Robert Denoël, l'éditeur des pamphlets antisémites de Céline. Une reconstitution historique de bonne tenue. Une tête d'affiche jeune et « bankable » : Lorànt Deutsch. Sur le papier, Les Livres qui tuent avait tous les atouts pour être programmé à 20h35 avec succès d'audience à la clé. Et pourtant... Le téléfilm de Denys Granier-Deferre, terminé début 2009, est resté plus de deux ans sur les étagères de France 2. Il est finalement relégué en deuxième partie de soirée au coeur de l'été, vendredi 15 juillet.

Une telle attente est, sans doute, liée à l'instabilité chronique des équipes dirigeantes de France Télévisions : Les Livres qui tuent a été commandé par un premier directeur de la fiction, livré à un deuxième, sans doute peu pressé de mettre à l'antenne un programme dont il n'avait pas eu l'initiative, et diffusé par un troisième, qui semble résolu à faire place nette avant d'imprimer sa marque. Le scénariste Jean-Claude Grumberg avance une autre explication : « J'ai voulu parler d'un épisode historique d'une manière très personnelle. Peut-être trop personnelle pour la télévision telle qu'on la produit désormais. »

Dans une scène marquante des Livres qui tuent, le jeune journaliste interprété par Lorànt Deutsch découvre l'ampleur de la littérature antisémite chez un libraire nostalgique de Vichy. Le dramaturge s'était retrouvé dans une situation équivalente au moment d'écrire sa pièce sur l'affaire Dreyfus, en 1974. « Je cherchais La France juive [le livre d'Edouard Drumont, grand succès dans les années 1890, NDLR]. On m'avait indiqué une libraire du quartier Saint-Placide, à Paris, dont la vitrine se faisait régulièrement casser au cri de "Mort aux fachos". Là, un vieux monsieur en blouse grise et béret me dit qu'il n'a plus l'ouvrage en stock, mais qu'il est régulièrement réapprovisionné. Il m'a proposé de laisser mon adresse : je suis parti en courant ! »

Certificats d'aryanité
Jean-Claude Grumberg se passionne pour la période de l'après-guerre, qu'il a vécue enfant. Il a évoqué l'épuration dans 93, rue Lauriston (2004), le retour des déportés dans Clémentine, d'après une nouvelle de Vercors (2010). En 2002, il avait monté au Théâtre du Rond-Point Une leçon de savoir-vivre, une pseudo-conférence à l'ironie grinçante : un orateur (Pierre Arditi) apprenait aux spectateurs à « reconnaître un juif » en reprenant les « bons conseils » du Dr Montandon. Les Livres qui tuent revient sur la pratique médicale et les écrits non moins douteux de cet anthropologue raciste, mandaté pendant l'Occupation par le Commissariat général aux questions juives pour délivrer des certificats d'« aryanité physique ».

Les dialogues reprennent également certaines phrases parmi les plus ignobles de Bagatelles pour un massacre, de L'Ecole des cadavres et des Beaux draps, trois best-sellers de Céline dont la veuve interdit aujour­d'hui toute nouvelle publication. « Je dois le dire prosaïquement, écrivait Jean-Claude Grumberg dans sa postface à Une leçon de savoir-vivre (Seuil), le culte célinien, l'adoration du roi mage plein de points de suspension, du chantre de la haine et de la détestation universelle sans cesse célébrées, a fini par me faire prodigieusement chier. » Plus poliment, mais pas moins fermement, il précise aujourd'hui son rejet d'un écrivain qui, explique-t-il, a fait de l'antisémitisme « le centre de son oeuvre ». « Céline est devenu le parangon de la modernité en littérature et ça m'est insupportable parce que cet homme souhaitait ma mort. Quand les nazis ont commencé à tuer les juifs, nombre d'antisémites eux-mêmes pensaient : "c'est trop". Céline, lui, disait : "ce n'est pas ­assez" ».

Samuel DOUHAIRE
Télérama n° 3208

Louis-Ferdinand Céline au théâtre : "ça a débuté comme ça" en Avignon du 8 au 31 juillet 2011

Le spectacle "ça a débuté comme ça" d'après Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline se jouera en Avignon du 8 au 31 juillet 2011 (10h45, Péniche Didascalie, quai de la ligne). Avec Antoine Bersoux. Mise en scène Chloé Desfachelle. Lumière Clélia Tournay.

Infos et réservations : 06.12.89.69.17

Compte-rendu d'Alain Pécoult paru sur le site de La Provence le 16 juillet 2011:
[...] Le spectacle interprété par Antoine Bersoux nous restitue le premier quart du roman. C’est l’histoire du « dépucelage » de Barnabu, tout jeune carabin, lors de la guerre de 14 - 18. Dans une langue tout à la fois gouailleuse et littéraire, Céline nous emmène sur les traces d’un innocent vite dessalé par les horreurs de la guerre qui n’est qu’une création des hommes, du front à l’arrière, à l’hôpital, jusqu’à son arrivée en Afrique, aux colonies.
Barnabu apprend à survivre parmi la folie de ses semblables en déjouant les pièges du langage, du faux semblant. Le portrait que Céline brosse des hommes et des femmes est sans concession et sans appel sa condamnation d’une société malhonnête et brutale.
Le comédien met tout son cœur et sa vigueur à restituer ce texte dru, tendu, à faire vivre ce personnage étonné et tient le spectateur en haleine pendant l’heure et demie que dure ce voyage-là.

Alain PECOULT
La Provence, 16/07/2011.

Céline, la passion du noir - Politis - 30 juin/6 juillet 2011

Interview d'Henri Godard paru dans le magazine Politis n°1159 du 30 juin-6 juillet 2011.

Après les biographies, de Maurice Bardèche à Philippe Alméras, consacrées à Céline, pourquoi vous y êtes-vous « collé », après vos cinq volumes dans « La Pléiade » ?
Henri Godard : J'ai eu envie d'atteindre un public plus vaste. J'ai un certain nombre de choses à dire sur Céline, que j'exprimais jusqu'à présent sous une forme universitaire. Cela a été aussi une manière de considérer les choses dans le temps. Le travail autour de la correspondance permettait de ne pas seulement rappeler les faits mais de montrer les réactions par rapport aux faits puisque c'est à partir de là que s'opèrent les transpositions chez l'écrivain. Enfin, c'était l'occasion de consacrer quelques pages aux œuvres elles-mêmes, romans et pamphlets.

Du tome II en 1974 à la réédition du tome I en 1981, de la correspondance publiée en 2009 à aujourd'hui, votre perception de l'écrivain a-t-elle évolué ?
Elle a changé par à-coups. J'étais parti sur l'aspect positif, les romans, pour démontrer leur valeur, avec l'idée de dire que c'est bien à partir de là que le problème se pose. S'il n'y avait pas eu ces huit romans, que ce type soit un fou antisémite, tout le monde s'en ficherait. C'est donc sur la prise en charge des pamphlets que le travail a évolué. J'ai essayé de suivre deux lignes : la formation de l'écrivain et la progressive expression de l'antisémitisme.
Vous soulignez l'importance de la formation chez Céline... C'est un garçon né dans un milieu pour lequel la littérature n'existait pas. Il lâche l'école à 13 ans et n'a de contacts avec les grands auteurs qu'en dehors de la scolarité. C'est là que naît le désir d'écrire, de rivaliser avec des gens qui lui paraissent éminents. S'y ajoute une existence invraisemblable : son origine dans un milieu de petits commerçants, l'expérience de commis dans un magasin, la Grande Guerre, les milieux interlopes à Londres, l'Afrique, les États-Unis, la SDN. C'est un enchaînement de moments où tout est fait avec excès, jusqu'en 1936, avec l'échec public et critique de Mort à crédit.

Vous opérez un aller-retour constant entre la vie et l'œuvre. Tout se passe comme si l'une nourrissait l'autre.
Absolument. C'était la difficulté de cette biographie, de ne pas prendre pour argent comptant toutes les transpositions mais de confronter l'expérience aux textes tout en bénéficiant des recherches récentes et des lettres qui resurgissent. Dans un sens, travailler sur Céline, c'est toujours plus vivant que sur n'importe quel autre écrivain !

La complexité de la trajectoire de Céline et de son personnage ne peut s'appréhender qu'au bout de milliers de pages...
Il est vrai qu'il fiche le camp dans tous les sens. D'un côté, il est médecin des pauvres, à l'autre bout il écrit les pires horreurs. Sans prendre le cas extrême des pamphlets, il est aussi difficile à appréhender dans la différence entre les romans d'avant et d'après-guerre. Même les gens favorables à Céline ne sont pas tous sensibles au même Céline. Près de 80 % ne sortent pas de Voyage, d'autres voient dans la trilogie allemande l'aboutissement d'un style. Si Céline a un avenir, ce sera quand l'on prendra conscience de sa continuité et de sa discontinuité. Car dans l'emploi de la langue, tout est déjà dans Voyage et en même temps rien n'y est. C'est du populaire et du révolté qui n'existent plus dans les romans finaux, tournés vers la déconstruction, la segmentation de la phrase. Reste un fort sentiment de l'unité de l'œuvre.

L'œuvre n'est-elle pas souvent réduite à son désespoir, sans y voir la part d'humanité, de sens comique, de cœur simple ?
Il a fait ce qu'il fallait pour ça. Il existe en effet un aspect chez lui qu'on n'ose plus souligner parce qu'il a écrit tellement d'horreurs à côté, et qu'on aurait l'air de l'excuser. Il y a également chez Céline lui-même une espèce de pudeur à montrer ses bons côtés. "Il faut noircir et se noircir", disait-il. Mais il a assurément un autre pôle de sensibilité qui n'est pas moins puissant, qu'on observe dans tous les romans.

Des analyses que vous consacrez aux pamphlets jusqu'aux travaux déjà publiés, tout semble prêt pour une édition critique de ces pamphlets.
Je trouve que ce serait plus sain. Je ne crois pas que ce soit nocif, même si je peux me tromper. Il serait plus normal que chacun puisse prendre ses responsabilités. Quand j'étais à l'université, lorsqu'un étudiant me proposait de diriger sa thèse sur Céline, je lui demandais de lire d'abord les pamphlets puis de revenir vers moi s'il avait toujours envie de se lancer dans ce travail. Surtout, je souhaiterais que les pamphlets soient republiés avec un appareil critique et sous la forme d'un
volume collectif nommé « Écrits polémiques ». Je répugnerais à publier sous le seul titre Bagatelles pour un massacre. Car c'est une telle bombe, à cause de Céline bien sûr, mais aussi à cause du contresens que renferme le titre de ce livre, publié en 1937, et qui a été pris après-guerre pour le massacre des juifs. Un volume d'écrits collectifs aurait l'avantage de présenter un ensemble de textes formant une certaine unité, qui pourrait commencer par Mea Culpa (1936), consacré à son voyage en URSS, jusqu'à À l'agité du bocal (1948), destiné à Jean-Paul Sartre.

Quel regard portez-vous sur les polémiques, voire les guerres de tranchées que soulève Céline dans l'Université ?
Je ne vois pas tant de polémiques, à l'exception de Jean-Pierre -Martin [qui a publié Contre Céline, en 1996, chez Corti, NDLR]. On peut plutôt constater l'insuffisance de prise en compte de l'œuvre littéraire, si l'on en juge par la rareté d'inscription des romans dans les programmes – mis à part Voyage, à la rigueur Mort à crédit, les autres sont complètement ignorés –, la rareté également des séminaires de recherche, celle des collègues qui acceptent de diriger un travail. Céline est un écrivain qui reste tenu à distance.

La commémoration officielle avortée du 50è anniversaire de la mort de Céline a donné lieu à un nouveau débat. Avec le recul, qu'en pensez-vous ?
Il y a un an déjà, un comité décide d'inscrire ce cinquantenaire dans les commémorations officielles. On me propose alors de rédiger une notice. J'émets des réserves mais on m'assure alors que cette inscription a fait l'unanimité. Ma notice commençait justement par « doit-on, faut-il célébrer Céline ? ». Elle a été acceptée et appréciée. Le livre est sorti en novembre. En janvier, face à la polémique, le ministre de la Culture décide de retirer cette notice sans me donner d'explication. La masse de publications et d'articles qui paraissent maintenant prouve que Céline n'avait pas besoin d'une commémoration officielle. Même si, ce n'est pas absurde de le penser, j'ai cru que c'était l'occasion de commémorer Céline en tant qu'écrivain.

Propos recueillis par Jean-Claude RENARD
Politis n°1159 du 30 juin-6 juillet 2011.

vendredi 15 juillet 2011

Henri Godard - France Info - 8 juillet 2011

Rencontre avec Henri Godard qui vient de publier Céline chez Gallimard.

Les livres qui tuent : enquête sur la mort mystérieuse de l'éditeur Robert DENOËL

France 2 diffuse ce soir à 22h10 le téléfilm de Denys GRANIER-DEFERRE "Les livres qui tuent", adaptation du livre de A. Louise STAMAN, Assassinat d'un éditeur à la Libération : Robert Denoël (1902-1945). Avec Lorànt Deutsch, Blanche Gardin, Eric Prat, Hubert Saint-Macary et Michaël Abiteboul :




Résumé
En décembre 1945, l'éditeur Robert Denoël est assassiné en plein Paris. L'enquête est bâclée et conclut à un crime crapuleux. Deux ans plus tard, un jeune journaliste liégeois, Léon Lenoir - alias Léo Schwartz - reprend les investigations et suit une piste qui le conduit à des ouvrages sulfureux, brûlots antisémites, mis à l'index à la Libération. Mais dans la France de l'épuration d'après-guerre, toute vérité n'est pas bonne à dire ni à entendre...


A lire :
A. Louise STAMAN, Assassinat d'un éditeur à la Libération : Robert Denoël (1902-1945), Editions E-dite, 2005..

Présentation de l'éditeur
Assassinat d'un éditeur à la Libération : une histoire d'ambition, de cupidité, d'infidélité et de trahison dans le Paris de l'Occupation et de la Libération. Tableau foisonnant et sans fard de l'édition française, quand Robert Denoël, dandy et aventurier, décide de se tailler un royaume face à l'empire Gallimard. Robert Denoël se compromet. Il n'est pas le seul, les autres ne peuvent que l'imiter. Il ne manque pas d'audace, surtout en un moment critique où son poulain le plus prestigieux,
Céline a abandonné les fourgons vichyssois, en déroute, à Sigmaringen, pour traverser l'Europe en feu et se réfugier au Danemark où il connaîtra les affres des geôles scandinaves. Mais Denoël a confiance : il a de solides atouts, quelques amitiés et de l'argent. Mieux de l'or. On retrouvera son cadavre, près de sa voiture, abattu par balles, quelques jours avant l'ouverture de son procès. L'enquête piétinera, classée et instruite à plusieurs reprises. En 1950, on rouvre une dernière fois l'enquête. Mais le mystère demeure entier.
A. Louise Staman, universitaire américaine, a mené l'enquête en écrivant une manière de biographie de Robert Denoël, qui est aussi un modèle d'investigation criminelle, se lisant comme un roman. Elle a réussi les portraits de personnages hors du commun, tout en brossant des tableaux du monde des arts et de l'édition durant deux décennies tourmentées.

Internet : Robert Denoël, éditeur : thyssens.com

Louis-Ferdinand Céline par Anne Baudart

Céline vu par son ami SS Hermann Bickler - Lire hors-série - 2008

Hermann Bickler, colonel nazi, a peut-être sauvé la vie de Céline: c'est grâce à lui qu'il obtient les visas nécessaires pour fuir au Danemark, au printemps 1945. Nous publions ici le chapitre inédit de ses Mémoires consacré à l'écrivain.

"L'un des personnages les plus étranges, les plus intéressants et aussi les plus sympathiques que j'aie connus en France était l'écrivain Louis Ferdinand Destouches, plus connu en littérature sous le pseudonyme de Louis-Ferdinand Céline. Son nom m'était familier depuis les années trente, depuis que j'avais fait la critique de son premier roman, Voyage au bout de la nuit, dans un journal de Strasbourg [...].

Après l'armistice de juin 1940, j'appris que Céline était resté à Paris, comme d'ailleurs la plupart des intellectuels et des artistes. Je ne sais plus ce qui a motivé le premier contact avec lui, mais j'ai très vite appris qu'il fréquentait l'ambassade d'Allemagne de la rue de Varenne. Je me souviens qu'un jour le planton m'annonça qu'un homme d'aspect douteux souhaitait me parler. Il me demandait s'il pouvait le laisser passer. Quand j'ai entendu le nom de cet homme, j'ai mandé que, sans plus le faire attendre, on le conduise jusqu'à moi. Lorsque enfin, toujours flanqué du planton, il pénétra dans mon bureau, je ne compris que trop la méfiance de la sentinelle : Céline ressemblait vraiment à l'image que l'on pouvait se faire d'un résistant ou de quelqu'un qui se disposait à commettre un attentat. Cet homme de haute taille, large d'épaules, portait une pelisse de peau de mouton en laine retournée. Ses cheveux noirs, sur un visage plutôt pâle, étaient en désordre. Toute sa personne d'ailleurs était vêtue sans aucun soin ni élégance. Il avait coutume de se rendre à moto depuis son logement montmartrois à ses consultations dans une banlieue de Paris où il travaillait comme médecin des pauvres 1. Cependant, après une brève conversation, nous nous entendîmes au mieux [...].

Après notre première rencontre, Céline avait demandé l'obtention d'un permis de port d'armes parce qu'il se sentait menacé par les gaullistes, permis qui lui fut délivré sans autre forme de procès. A mon avis d'ailleurs, Céline n'a jamais été menacé pendant cette période. Même les communistes, qui commençaient à se montrer récalcitrants à cette époque, n'auraient jamais fait de mal à un médecin des pauvres. J'en veux pour preuve une anecdote typique, que mon ami Céline me narra lui-même : après une consultation, l'un de ces titis parisiens lui rapporta le pistolet que, par distraction, il avait laissé traîner dans son cabinet pendant un examen. Le garçon remit la pétoire au médecin en lui disant, avec son inimitable accent des rues : "Ferdinand, t'as oublié ton rigolo...2"

Souvent, quand Céline passait dans les parages en pétaradant avec sa moto, il nous rendait une petite visite. Désormais, quand il s'arrêtait, le planton n'avait plus aucune appréhension. Par la suite, l'écrivain m'invita chez lui, sur la Butte. Plusieurs de ces soirées sont restées gravées dans ma mémoire. Son domicile se trouvait au coeur de Montmartre, et répondait en tout point à sa propre apparence. Une fois que l'on avait gravi plusieurs escaliers sombres dans cette maison ancienne, on arrivait dans un logement qui se composait de trois pièces. Une pièce servait de salle à manger et de chambre à coucher, dans l'autre pièce trônait une grande table ronde qui était entièrement recouverte, comme le sol d'ailleurs, de feuillets manuscrits. La troisième servait d'office et de pièce de rangement, la réserve de bois y était entreposée à côté de la moto. Dans le séjour proprement dit, la lourde peau de mouton était disposée en travers du lit, qui avait été simplement un peu repoussé de côté afin de ménager une banquette aux invités. Le repas se composait d'une unique potée roborative et savoureuse, et dans tout le logement, où à l'évidence le luxe et plus encore l'élégance n'avaient pas la moindre valeur, on se sentait extrêmement bien. C'était toujours intéressant. On se trouvait là en pleine bohème, comme elle a toujours existé à Montmartre. Il n'était pas rare qu'un peintre ou un écrivain, qui avait établi ses quartiers dans le même immeuble ou dans le voisinage, se joignît à notre cercle [...].

On ressentait des impressions uniques lorsque Céline se mettait à rêver. Il parlait toujours d'une voix très ténue, mais dans ces moments-là, comme absent, il baissait la voix encore plus, comme si réellement il se parlait à lui-même. On réalisait dans ces instants que Céline était de la lignée des grands somnambules. Il était, au fond, un réaliste triste. Qu'importe si cela venait des origines celtes de ce natif de Bretagne, ou bien de ses années de familiarité avec le côté sombre de l'existence humaine. Il apparaissait parfois dans ces moments-là, à l'image de ses livres, comme un cynique cruel. En réalité, il était chaleureux et pouvait en tant qu'ami être d'une cordialité incomparable. Mais il ne se faisait pas d'illusions sur les humains. Il avait voyagé en Amérique et en Afrique pour le compte de la Société des Nations et avait même visité l'Union soviétique. Il avait raconté de façon terrifiante l'effondrement de la France en 1940, et ses livres sur le chaos allemand de 1945 eux aussi ne se lisent guère différemment. Il portait un jugement pessimiste sur la guerre et sur la position des Allemands dans celle-ci. J'irais même jusqu'à supposer que beaucoup d'Allemands, a fortiori les gens qu'il avait rencontrés autour de l'ambassade d'Allemagne pendant l'Occupation, ne lui étaient pas particulièrement sympathiques. Il leur reprochait de s'être fait mener en bateau en permanence par le gouvernement de Vichy. Il rejetait Laval comme typiquement "youpin" 2, et d'ailleurs, dans ces moments-là, il était encore moins porté que jamais à modérer sa ligne de conduite farouchement antisémite, qui était déjà la sienne avant-guerre. Il eut d'ailleurs également un conflit à ce propos avec Ernst Jünger, qui était au Commandement militaire à Paris et devait exprimer clairement son rejet absolu de Céline dans son Journal de guerre. Céline ne le lui pardonna jamais et, comme je l'ai appris de la bouche de ses derniers visiteurs, il lui décernait l'appellation, typique pour lui, mais injuste, de petit flic 2. Ein kleiner Bulle 3, comme nous disons chez nous.

Nos rencontres se muèrent très vite en une amitié sincère qui se prolongea au-delà de la guerre, quand bien même je ne devais plus le revoir. Mais il m'écrivit encore de France, après son retour d'exil au Danemark, quelques lettres émouvantes et typiques de lui. Hélas, je n'ai pas eu, à l'époque, la possibilité de lui rendre visite. Il était déjà très malade et véritablement au bout du rouleau."

Lire hors-série 2008, revue et augmenté en 2011.


1. De 1940 à 1944, Céline était médecin au dispensaire de Bezons.
2. En français dans le texte.
3. Littéralement "petit taureau", expression qui désigne les policiers en Allemagne.

Traduit de l'allemand par Patrick Démerin - ©Succession Hermann Bickler

Photo : "Fremdenpass" de Céline, qui lui servit de passeport pour sa fuite de France vers l'Allemagne et le Danemark. Collection François Gibault





Hermann Bickler (1904-1984) était un homme de convictions radicales : né en Lorraine, à l'époque allemande, cet autonomiste alsacien a fondé, en 1937, l'Elsass-Lothringer Partei, au programme calqué sur celui des nazis. Après la débâcle de juin 1940, promu colonel SS, il devient kreisleiter (préfet) de Strasbourg, puis, à partir de 1943, responsable du contre-espionnage et de la surveillance des personnalités politiques françaises à Paris - on lui doit notamment un "centre de formation" au château de Taverny-Vaucelles, où les Français qui souhaitaient rejoindre la Gestapo pouvaient faire des "stages" de contre-guérilla et de technique d'interrogatoire... C'est à cette époque que ce dignitaire nazi fait la connaissance de Louis-Ferdinand Céline.
Condamné à mort par contumace à la Libération, Hermann Bickler sera vraisemblablement "retourné" par les services secrets américains. Après la guerre, il s'installe en Italie du Nord, fonde une famille et dirige une entreprise de textile, sans jamais être inquiété par la justice. Dans cet extrait d'Erinnerungen Teil II, second tome de ses Mémoires tirés à quelques exemplaires en Allemagne et inédits en français, l'ex-colonel revient sur ses liens avec Louis-Ferdinand Céline. Un témoignage de première main sur les relations que pouvait entretenir le romancier avec les Allemands pendant l'Occupation. David ALLIOT

jeudi 14 juillet 2011

Louis-Ferdinand CÉLINE à Meudon (1960)

Voici un document assez rare (en 6 parties), absent du net à notre connaissance. Il s'agit d'un ensemble d'enregistrements réalisés à Meudon en 1960 par Jacques d'Arribehaude et Jean Guénot, publiés d'abord en cassettes puis en CD aux Editions Guénot. Ces entretiens, retranscrits par Jean Guénot, ont été publiés pour la première fois en 1973 dans Louis-Ferdinand Céline damné par l'écriture. Les cinq premières minutes sont difficilement audibles...

mercredi 13 juillet 2011

Madame veuve Céline par Etienne de Montety - Le Figaro - 27 juin 2011

Le 1er juillet 1961 mourait à Meudon l'auteur du « Voyage au bout de la nuit ». Cinquante ans plus tard, sa veuve, Lucette Almanzor, vit toujours dans la même maison, entourée d'amis et de souvenirs.

Si Toto le perroquet pouvait rédiger ses Mémoires, il raconterait les dimanches à Meudon chez Lucette Almanzor, Mme veuve Céline. Le rituel est immuable : on arrive en fin d'après-midi, on entre dans un salon aux murs recouverts de liège, où sont piqués des croquis de chats et des photos de l'écrivain. Puis on passe à table au milieu de ce sympathique bric-à-brac de vieille dame. On dîne sur ses genoux ou on pose son assiette sur la table basse. Les chichis sont laissés à la porte. Les autres hôtes des lieux, un chat de rencontre et un mâtin pas très présentable, viennent vous saluer. François Gibault, ami fidèle de la maîtresse de maison, a apporté le dessert et des nouvelles de la cour et de la ville : vie politique, actualité heureuse, chronique de l'Académie française.
Devant la vieille dame, la télévision est allumée mais le son est éteint. Au babillage de Michel Drucker ou de Harry Roselmack, Lucette Almanzor préfère la conversation de Me Gibault. Cette semaine, il lui apprend que le comédien Sagamore Stévenin (fils de Jean-François, qui fut un familier de Meudon) projette d'adapter en dessins animés la bande dessinée du Voyage faite par Jacques Tardi. Il manque juste au jeune homme dix-neuf sous pour faire un franc. « Pour Céline, y a jamais d'argent », dit Lucette.
Elle a parlé posément, sans animosité. Ses grands et beaux yeux sont tournés vers la fenêtre qui ouvre sur une vue imprenable. En contrebas de la colline de Bellevue, derrière le rideau d'arbres, c'est la Seine et l'île Seguin. Plus loin, Paris et la tour Eiffel. Céline a décrit l'endroit comme on ne pourrait mieux le faire : « Cependant Paris s'impose... tout Paris en face, en bas...... les boucles de la Seine... le Sacré-Coeur, très au loin... tout près Billancourt.... Suresnes sa colline... Puteaux entre deux... des souvenirs, Puteaux... le sentier des bergères... d'autres souvenirs le mont Valérien... »
Elle est allongée, fatiguée de porter le siècle - elle s'approche à petits pas des... Est-il bien séant d'exposer une dame aux rigueurs de l'état civil ? En cette fin d'après-midi, son corps gracieux qui a tant dansé, demande grâce ; alors Lucette reçoit comme jadis Juliette Récamier et Louise de Vilmorin. Nabe et Frédéric Vitoux ont leurs habitudes. François-Marie Banier est venu un temps, amené par Angelo Rinaldi. « Toto ne les aimait pas, décrète-t-elle. Ils venaient me voir quand François Gibault n'était pas là. » C'est ainsi en littérature depuis cinquante ans : les céliniens ne font pas bon ménage avec les proustiens. Mais tout le monde est le bienvenu.

Une « fort jolie jeune femme toute simple »
« Un jour Patrick Besson est venu, accompagné d'une fort jolie jeune femme, toute simple. Nous nous sommes très bien entendues... » La « fort jolie jeune femme toute simple » s'appelait Carla Bruni, amatrice de danse et de l'oeuvre de Céline. D'un château l'autre...
Dès les années cinquante, on venait chez Céline chercher une atmosphère. Justement, bien avant Carla Bruni, c'est Arletty qui fit le pèlerinage, accompagnée de Michel Simon. Montaient souvent la côte des Gardes Roger Nimier, Albert Paraz ou Pierre Monnier, autant de fidèles avocats de Céline dans la République des lettres qu'avaient outragée ses pamphlets. Loin de Saint-Germain, ils l'écoutaient vitupérer son époque de sa voix de prophète brisé. Céline s'est installé avec Lucette à Meudon en 1951, au lendemain de son amnistie par un tribunal militaire. Après les errances de la guerre, il a posé ses valises et ses visions dans cette grande maison de Seine-et-Oise. Sitôt installée, Lucette a posé sa plaque : « Lucette Almanzor, danses classiques et de caractère ». Et Céline, qui n'a jamais cessé d'être médecin - et médecin des pauvres -, a ensuite mis la sienne : « Docteur L.-F. Destouches, docteur en médecine de la Faculté de Paris ». « Les plaques ont été volées ; les gens sont fétichistes », dit Lucette.
À cette époque, Claude Gallimard, pressé par Nimier, fit de Céline un auteur maison et le succès revint. Et avec lui le tapage : Céline, génie ou monstre ? Cette question, Lucette l'esquive d'une pirouette. Elle a donné des cours de danse jusqu'à plus de 80 ans et se souvient de ses élèves comme si elles avaient toujours 16 ans. De Judith Magre et de sa soeur, et des filles de Claude Gallimard, Françoise et Isabelle. Sans parler des innombrables petits rats de la banlieue ouest, venant faire des entrechats chez Mme Almanzor, au milieu des animaux de la maison. Sur chacune elle est diserte. Attendrie. Mais veut-on la faire sortir de ses gonds ? On lâche alors le nom de Ludmilla Tcherina. « Ce n'était pas une danseuse, c'était une comédienne qui dansait. Et mal. »
Est-ce ça qu'on appelle une pointe ? Aujourd'hui encore la maison porte la trace des activités de l'hôtesse. Au fond, on trouve une vaste salle de danse et à l'étage une salle de gymnastique où les barres fixes sont encore là, même si Lucette ne pratique plus depuis quelques lustres.
La soirée suit son cours. Le soleil tombe sur la Défense. Si les arbres et les herbes n'avaient pas poussé, on pourrait croire le temps immobilisé. La maison de Meudon est celle d'un professeur de danse à la retraite plutôt que celle d'un écrivain. De Céline point, ou si peu. Un incendie en 1968 a détruit ses livres de médecine, ses dessins d'anatomie, ses manuscrits. La pièce où l'auteur du Voyage travaillait est désormais une cuisine. Et pourtant Céline est partout, par la fidélité d'une femme à sa mémoire.
Parle-t-on à Lucette des éclats de voix qui ont accueilli l'idée de mettre Céline aux commémorations nationales ? Elle ne commente pas. L'homme de sa vie a connu l'indignité nationale et la confiscation de ses biens. Alors un livre, un tintamarre de plus... Elle sait bien qu'elle a attaché sa vie à une tornade, aussi n'est-elle pas surprise que le vent souffle de temps à autre. Quand ça s'agite, elle ne répond pas et se plonge dans ses souvenirs, Marcel Aymé, Gen Paul, les amis de la bande de l'avenue Junot, Paul et Hélène Morand.
Quand le soir est arrivé, on prend congé. La voix stridente du perroquet Toto nous raccompagne sur la route des Gardes : « Faut faire dodo. »

Etienne De MONTETY
Le Figaro, 27 juin 2011.

Photo : Lucette Destouches et François Gibault

A écouter :
Le témoignage de Lucette DESTOUCHES (1965)

A paraître en 2018 :
> David ALLIOT, Madame Céline, vie de Lucette Almanzor, la femme de L.-F. Céline, Tallandier, janvier 2018.