jeudi 12 septembre 2013

Vient de paraître : La vie étrange de l'argot d'Émile CHAUTARD

Les éditions Bartillat rééditent La vie étrange de l'argot d'Émile Chautard. Ce typographe, né en 1864 dans le XIXè arrondissement de Paris, a publié la première fois ce volume aux éditions Denoël en janvier 1932. C'est là le premier point commun de Chautard avec Céline que nous rappelle Henri Godard dans une très intéressante préface « Céline, Chautard et l'argot » : « Que Chautard et Céline ait en commun leur éditeur Denoël n'est peut-être pas un hasard. La publication de La vie étrange de l'argot date de décembre 1931-janvier 1932. A cette date, la rédaction de Voyage au bout de la nuit était largement avancée ou même terminée : Céline soumet le manuscrit aux Editions de la N.R.F. avant la mi-avril. Mais la publication par Denoël du livre de Chautard, ajoutée à celle de L'Hôtel du Nord d'Eugène Dabit, peut avoir joué un rôle dans la décision prise par Céline de proposer son Voyage à cet éditeur [...]  »

Si Céline a pu être influencer sur le choix de son éditeur par le travail de Chautard, c'est bien que l'argot avait une certaine importance à ses yeux. Il a souvent été collé à Céline l'étiquette d'auteur argotique. A tort. Si l'argot est bien présent dans les romans de Céline, ce n'est qu'un des moyens choisis par lui pour créer son style, faire vivre la langue, lui apporter l'agressivité et la violence que la phrase  académique ne lui offrait pas : « C'est la haine qui fait l'argot » affirmera t-il d'ailleurs en 1957.

Ces mots d'argot que Céline sélectionne, retravaille et intègre à la langue, il les tirera de sa propre expérience : « école communale, [argot] des commis de boutiques (les roupiots), celui de l'armée et plus particulièrement d'un quartier de cavalerie [...] ses fréquentations des souteneurs de Londres en 1915, puis celle d'Henri Mahé [...] des échanges quotidiens avec Gen Paul, plus argotier que lui. », mais aussi de ces lectures, et cette Vie étrange de l'argot viendra l'aider à faire évoluer son style, du Voyage, plus populaire qu'argotique, à Mort à crédit, où les mots d'argot sont beaucoup plus nombreux, jusqu'aux chansons que Chautard affectionne particulièrement (on sait l'importance qu'elle ont aussi pour Céline, voir à ce sujet notre entretien avec Michaël Ferrier), et que Chautard reproduit dans cet ouvrage, qu'il construit autour de quatre parties, de la naissance à la mort, en ajoutant au traditionnel dictionnaire de multiples informations, faits divers et biographies de ceux que ce passionné du langage a fréquenté et qui ont fait vivre les mots et expressions de la langue verte.

M.G.

Émile CHAUTARD, La vie étrange de l'argot, Éd. Bartillat, 2013.
Commande possible sur Amazon.fr.

2 commentaires:

  1. Il n'est peut-être pas inutile de rappeler ce qu'écrivait René-Louis Doyon dans ses Livrets du mandarin (1956) : « « Denoël aimait refaire, sinon faire le livre informe, le travail mal façonné. Ainsi il fit sur des feuilles impossibles à assembler « L'Argot » de Chautard. Le « Glossaire typographique » (1937) est entièrement de ma main, le vieux typographe ayant présenté une copie et un bafouillage tels que Denoël y renonça. »

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  2. Rappelons que l'épigraphe de "Mort à crédit" est prise au Chautard :
    "Habillez-vous ! Un pantalon
    Souvent trop court, parfois trop long.Puis veste ronde !
    Gilet, chemise et lourd béret
    Chaussures qui sur mer feraient
    Le tour du Monde !…"
    Chanson de prison.
    J'avais découvert cela voici une quinzaine d'années ; Eric Mazet m'avait naturellement précédé.

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