mercredi 12 juin 2013

« Un autre Docteur Destouches » par Patrick CHEVREL

Louis Dantès DESTOUCHES (1893-1947)
C’est en mettant une dernière main à la biographie que je consacre à mon aïeul Maxime NEMO (1888-1975) qu’en cet été 2010, je décide de relire et de classer sa volumineuse correspondance. Entre une lettre de Francis Carco et une autre d’André Gide, je tombe sur plusieurs enveloppes postées à Troyes d’un Dr Destouches. Intrigué, je les parcours et découvre un texte manuscrit : « Voyage au bout de la nuit ». Poème en prose de 1944 comme d’autres qui l’accompagnent, ce dernier m’amène à m’interroger sur son auteur à partir des éléments dont je dispose et à remonter le fil de cette correspondance amicale entre les deux hommes.
S’agit-il d’un pastiche de l’original ? Apparemment non. L’autre Docteur L.D. Destouches habite 23 rue de la Paix à Troyes et pratique la médecine générale homéopathique, il consulte de 1h30 à 4h sauf le lundi comme le précise le papier à en tête qu’il adresse régulièrement à Maxime Nemo jusqu’au 24 février 1947 à la veille de son départ définitif pour Haïti avec sa secrétaire Yvonne Tourdot dite « Vonnick » qui deviendra sa seconde femme.
La lettre composée de quatre feuillets se termine comme il en a l’habitude par un poème « Mirage » puis plus rien, les échanges s’arrêtent brutalement. Rien d’autre dans les liasses minutieusement archivées afin de reconstituer la chronologie. L’homme a disparu…
C’est grâce à la généalogie des Destouches que je découvre un site qui lui est consacré ainsi qu’à ses lointains ancêtres et que je rétablis le contact avec ses descendants en la personne de sa petite fille.
De la rencontre des deux hommes et de leur amitié profonde, peu d’éléments fiables, sans doute a-t-elle pris naissance lors du séjour de Maxime Nemo et de sa compagne également prénommée Yvonne, à Troyes lors d’une de ses conférences.
C’est grâce à la petite fille de L. D. Destouches, qui a réalisé une généalogie assez exhaustive, que l’on comprend mieux qui était le personnage fantasque et parfois misanthrope, ce qui n’était pas pour déplaire au fondateur de la Société J.-J. Rousseau, alors installé à Montmorency après la guerre.
En réponse à ma lettre, le 17 septembre 2010, un mél posté de Bruxelles émanant de M. Stephane Paryski-Van Reeth m’en apprend un peu plus sur Louis Dantès Destouches :

 « 1944 représente la période d'idylle entre lui et sa secrétaire, Yvonne Tourdot, qui va devenir sa deuxième femme et qu'il va convaincre de partir en Haïti avec leur petite fille de quelques mois. Yvonne partira avec sa mère, son frère et deux cousins qui resteront tous en Haïti après le décès inopiné de Dantès, lors de la fête célébrant son retour... Yvonne racontait que Dantès se promenait à Troyes avec une canne-épée pour se défendre d'agresseurs le prenant pour l'autre Dr Destouches... C'est vrai qu'ils n'avaient que quelques mois de différence et ont tous deux été médecins militaires pendant la première guerre. Mais comme je l'ai reconstitué il y a un peu moins d'un an, il n'existe aucun lien familial entre eux. »
Louis Etienne Stanislas Dantès-Destouches est né le 6 février 1893 et meurt d'un arrêt cardiaque lors de la fête qui célébrait son retour en Haïti le 6 juillet 1947 ; Plusieurs citations pour son courage au sein de la Légion Etrangère pendant la Grande Guerre, il est fait Chevalier de la Légion d'honneur en 1929. Une généalogie de la famille Destouches permet de remonter dans le temps jusqu’en 1720 à partir des Archives d’Haïti et de Documents familiaux et de découvrir les SURREAU DE VILLENEUVE et un premier personnage « le bon Docteur » Nicolas Louis Dantès DESTOUCHES (né le 6-2-1862 et mort le 22-1-1912) Une monographie imprimée à Port au Prince en 1917 lui est même consacrée.

Le second Docteur Destouches n’a donc aucun lien avec Céline contrairement à ce que certains de ses contemporains auraient pu croire.

Patrick Y. CHEVREL
Le Petit Célinien, 12 juin 2013.

Lettre du Dr L. D. Destouches de 1947 (cliquez pour agrandir)

1 commentaire:

  1. Intéressant. J’ai trouvé son nom aux archives nationales dans le cadre de recherches sur une organisation secrète dans les années 1930 et m’étais alors posé la question s’il s’agissait de l’écrivain bien connu ou pas. Son adresse à Troyes m’avait alors intrigué. Merci

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