lundi 31 octobre 2011

Echos céliniens...

> A paraître : Tout sur Céline (Bibliographie - filmographie - phonographie - internet), d'Alain de Benoist, Arina Istratova et Marc Laudelout devrait paraître en décembre 2011.

> 501 écrivains : 501 écrivains : Un tour du monde de la littérature qui vient de paraître aux Presses de la Cité consacre une page à Céline (sur 640).

> Paul Yonnet : En hommage à Paul Yonnet, décédé récemment, France-Culture rediffuse la série d'entretiens avec François L'Yvonnet. Dès le premier entretien, il y est question de son livre Le Testament de Céline (éd. de Fallois). A écouter sur www.franceculture.fr.

> Du Lérot : Les parutions aux éditions du Lérot du Dictionnaire de la correspondance de Céline de Jean-Paul Louis, Eric Mazet et Gaël Richard et de La Bretagne de Céline de G. Richard sont repoussées à 2012. www.editionsdulerot.fr

L'harmonie des songes...

Bien sûr que je vais pas tout vous dire. Ils furent trop infâmes avec moi. Ce serait trop grand service leur rendre ! Je veux qu'ils dégustent encore un peu... C'est pas de la vengeance ni de la crosse, c'est que du prudent sentiment, une précaution ésotérique. On ne joue pas avec les présages, ça coûte la vie d'être indiscret ! Je leur en dis un petit peu, ça va ! Je fais un petit effort, c'est convenu, j'épuise pas mon charme. Je reste au mieux avec les musiques, les petites bêtes, l'harmonie des songes, le chat, son ronron. Voilà qui est parfait ainsi. Une jouissance pas davantage, autrement je me tripote, trafique, je m'énerve, je me mets en valeur, je me perds crâneur, c'est fini ! au diable les prestiges ! Je descends aux cailloux, je bute partout, je m'affale, je me proclame Empereur, le Parquet me recherche, me trouve, je reste tout con, tout le monde m'agresse, me dépèce, c'est le coup du Napoléon.

Louis-Ferdinand Céline, Guignol's band I, 1944.( p.99 Pléiade)

Sociologie de Paris

Présentation de l'éditeur
Paris s'embourgeoise. Les richesses et les pouvoirs s'y concentrent. Si tous les Franciliens ne peuvent habiter dans la capitale, résider à Paris ne peut être réservé aux seules familles fortunées sans redoubler symboliquement les inégalités. Cela pose le problème de la mixité sociale. Paris est encore une mosaïque de classes et d'origines. Peut-on lire dans les oppositions entre l'est et l'ouest, entre le centre et la périphérie, entre la rive gauche et la rive droite, les clivages de la société ? Quelles sont les forces qui conduisent à la déprolétarisation d'une ville qui fut ouvrière et révolutionnaire ? Comment alors expliquer que la majorité municipale ait basculé à gauche ? Comment une capitale embourgeoisée et une banlieue populaire peuvent-elles fonctionner ensemble ? La diversité du peuplement de la capitale en fait, toujours, un lieu d'expression des différences sociales et des cultures du monde. Cette Sociologie de Paris entend restituer cette richesse et donner les clefs de lecture d'une vie foisonnante, mais menacée.

Michel et Monique Pinçon, Sociologie de Paris, Le Découverte, 2008.
Commande possible sur Amazon.fr.

dimanche 30 octobre 2011

Le Petit Célinien - Lettre d'actualité n°15

Pour recevoir gratuitement par courriel à chaque parution la lettre d'actualité du Petit Célinien, laissez-nous votre mail à l'adresse habituelle : lepetitcelinien@gmail.com.

Le Petit Célinien - Lettre d'actualité n°15.

vendredi 28 octobre 2011

Débat littéraire autour de Céline - samedi 5 novembre 2011 - Chatou (Yvelines)

La librairie "Comme un roman" organise samedi 5 novembre 2011 à partir de 16h30 un débat littéraire autour de Louis-Ferdinand Céline en présence de trois auteurs céliniens :

David Alliot, D'un Céline l'autre, R. Laffont.

Alexis Salatko, Céline's band, R. Laffont.

Joseph Vebret, Céline l'infréquentable ?, Ed. Jean Picollec.


Librairie "Comme un roman"
40 place Maurice Berteaux
78 Chatou
Renseignements : 01 39 52 31 37

Vient de paraître : M. H. Cadier - Louis-Ferdinand Céline et le cinéma

L'oeuvre de Céline est parsemé, ça et là, de nombreuses références au cinéma. Il a même souhaité que son Voyage au bout de la nuit soit porté à l'écran. Maints réalisateurs et non des moindres envisagèrent cette éventualité mais rien n'en résulta.
De plus Céline apparaît comme un scénariste méconnu et à la rigueur pourrait-on dire que la fameuse "trilogie allemande" - ses trois derniers ouvrages, D'un château l'autre, Nord, Rigodon - serait "montée" comme un film ?
Et là-dessus vient se greffer l'inévitable question Cinéma-Israël vue à travers le prisme célinien.

Marc Henri Cadier, Louis-Ferdinand Céline et le cinéma, Ed. MHC, 2011, 120 pages, 15€.
Commande possible auprès du Bulletin célinien, BP 70, Gare centrale, B1000, Bruxelles.

Théâtre : Céline secret les 11 et 12 novembre 2011 à Dinard

Céline secret d'après l'oeuvre de Véronique Robert et Lucette Destouches.

Pour comprendre Céline, Malraux disait qu'il fallait se rapprocher de Lucette Destouches car elle seule en avait une connaissance instinctive. En s'inspirant du texte écrit conjointement par Véronique Robert et Lucette Destouches et en l'adaptant pour la scène, François Gabriel dresse un portrait de Céline et de celle qui a partagé sa vie durant 25 ans empreint de sensibiltié et d'une sincérité inouïe.

Deux comédiens incarnent sur scène Céline et Lucette dans un face à face incisif, rythmé, le récit autobiographique étant ponctué d'extraits de la correspondance personnelle de Céline.

Ainsi, entre Lucette qui raconte et Céline qui s'exprime, un courant alternatif s'établit entre ces deux êtres indissociables. Une ponctuation musicale en live soutient l'action et souligne les émotions de ce spectacle où la danse, passion partagée par Lucette et Céline, y trouve sa place.


Céline secret
Les vendredi 11 et samedi 12 novembre 2011 à 20h30
Palais des Arts et du Festival de Dinard

Adaptation et mise en scène : François Gabriel
Interprètes : Marie Gwenn et François Gabriel
Percussions : Jean-François Roger
Chorégraphie : Gaëlle Hocquet

Une co-production de la ville de Dinard
Réservations : 02 99 46 94 12.

jeudi 27 octobre 2011

Frédéric J. Grover - Sur Louis-Ferdinand Céline - Entretien avec André Malraux (1973)

Voici un extrait du livre de Frédéric J. Grover intitulé, Six entretiens avec André Malraux sur des écrivains de son temps (1959-1975), paru dans la collection Idées chez Gallimard en 1978. F.J. Gover a rencontré André Malraux à plusieurs reprises dans le cadre de son travail de biographe (André Malraux avait été désigné, dans le testament de Pierre Drieu La Rochelle comme conseiller pour tout ce qui concernait les questions littéraires). En mars 1973, F.J. Grover rencontra Malraux pour préparer une introduction a caractère pédagogique pour le Voyage au bout de la nuit. Nous remercions Alain C. pour la communication de ce texte. Téléchargez-le (pdf) en cliquant ici.

Sur Louis-Ferdinand Céline
Le 9 mars 1973 au Château de Verrières

André Malraux. — Que faites-vous sur Céline ? Une étude d’ensemble ? Un article sur un point précis ?
Frédéric Grover. — Seulement une introduction de caractère pédagogique au Voyage au bout de la nuit.
A. M. — Ah bon ! Vous me rassurez si vous faites seulement le Voyage. Cela aurait été beaucoup plus inquiétant si vous aviez fait un Céline. Céline avait des choses à dire importantes. Il les a dites dans le Voyage… Après, il n’avait plus rien à dire. Il a recommencé. Mais l’expérience humaine qui faisait la base solide du Voyage relève l’intensité particulière de la névrose. Ce qui s’est maintenu ce sont les moyens. Même dans les derniers romans, les moyens sont encore énormes. On a alors l’impression d’un Rabelais, qui n’aurait rien à dire mais qui aurait toujours à sa disposition ces cascades d’adjectifs extraordinaires. Le personnage de Céline après le Voyage est quelque chose à mi-chemin entre le talent d’expression d’un artiste extrêmement doué et la verve du chauffeur de taxi.
Alors que le Voyage c’est tout autre chose : l’expérience de médecin de banlieue qui était la sienne est une expérience humaine très réelle… Son expérience coloniale n’était pas rien non plus…
Je dirais donc que votre projet se présente bien : la situation aurait été très différente si vous aviez essayé de cerner toute l’œuvre, toute la vie de Céline. Vous pouvez nettement marquer les limites. Vous pouvez préciser ces limites en une page pour dire « ce que je dis du Voyage, je ne le dis pas de tout Céline ». — C’est comme l’abbé Prévost : il a écrit Manon Lescaut qui reste mais les Mémoires d’un homme de qualité en dix-sept volumes, ce n’est pas la même chose !
Il y a une chose qui serait d’ailleurs bien intéressante à analyser — c’est comment Céline est passé d’une expérience véritable à une expérience de l’invective. Seule l’expérience humaine est la garantie d’une œuvre durable. L’invective pure, elle, ne reste pas. Il y a un auteur auquel Céline souvent penser et qui était doué lui aussi pour l’invective : c’est Octave Mirbeau. Mais je ne vois pas dans son œuvre d’équivalent du Voyage. Rien ne reste de son œuvre…
Mais vous venez de relire l’œuvre de Céline me dites-vous : l’avez-vous lue avec plaisir, avec difficulté ?
F. G. — Eh bien la trilogie de la fin : D’un château l’autre, Nord et Rigodon, me paraît tenir le coup. C’est un ensemble de lecture difficile mais qui se tient. Personnellement, j’ai aussi un faible pour le Pont de Londres qui fait suite à Guignol’s Band peut-être parce que, là aussi, il y a une expérience réelle, celle de Londres pendant la guerre ; et puis Céline est bien inspiré par ce petit monde de truands, de prostituées, d’inventeurs… Oui je suis sensible dans ces œuvres au charme de la petite musique de Céline. Par contre Normance et Féerie pour une autre fois me paraissent des œuvres ennuyeuses et, en somme, ratées…
A. M. — J’ai relu tous les romans à peu près à la suite. Mort à crédit m’a paru illisible. Il y a quelques épisodes très réussis mais le reste du temps la mécanique tourne… il n’y a pas de raison que ça finisse. Normance est un livre pour psychiatres. Tous ces développements du genre « Moi, le cuirassier héroïque… » C’est tellement pas ça qui nous intéresse chez Céline ! Et il tombe dans la sentimentalité, dans un anarchisme de café-concert. Là je crois qu’il faut tenir compte d’un personnage qui a exercé une influence énorme avant la guerre de 1914 : le chanteur anarchiste de café-concert du genre Montéhus. Il célèbre l’anarchiste que la société martyrise, qu’on envoie aux Bat’ d’Af’, mais qui a le cœur sur la main : « Pardonnez-lui son crime, il aimait bien sa mère… » Or le Voyage, au contraire, n’était pas sentimental et c’est sa force. Avez-vous jamais vu Céline ?
F. G. — Non, mais j’ai vu les photos du Cahier de l’Herne et celles du volume de la Bibliothèque idéale.
A. M. — A propos de cette transformation de Céline après le Voyage, une chose qui vous intéressera c’est de comparer les photos du Céline du temps du Voyage et celles de l’autre Céline, celui de Normance. On voit bien la transformation d’un masque : au temps du Voyage, il y a chez Céline un côté champion de boxe, un type costaud qui fait très « cuirassier », en somme, un côté sympathique, en tout cas extrêmement intéressant et sain et qui est transformé plus tard en un masque du diable.
Connaissez-vous la femme de Céline ?
F. G. — Lucette Almanzor ? Non je ne l’ai pas rencontrée mais je l’ai vue dans un programme de la télévision consacré à Céline.
A. M. — Elle n’est pas sans intérêt car elle ne manque pas d’une certaine pénétration, elle a une connaissance intuitive de Céline.
F. G. — N’y aurait-il pas intérêt à rassembler la correspondance de Céline ? Cette correspondance pourrait contribuer à l’étude de cette transformation de Céline dont vous parliez.
A. M. — Oui, mais y a-t-il une correspondance ? Lui était le désordre même ; sa femme plutôt qu’a y remédier en ajouterait encore.
F. G. — Le Cahier de l’Herne contient tout de même plus de 130 pages de lettres de Céline et ce sont des grandes pages. Or, il s’agit seulement d’un choix de lettres. Ainsi on n’y retient que quatre lettres adressées à Lucien Combelle alors que celui-ci en a conservé trente-quatre. (C’est lui-même qui me l’a dit). De même la correspondance avec Milton Hindus en 1947-1948 revêt une importance particulière à cause des circonstances dans lesquelles elle a été écrite : Céline est seul et oublié, en exil au Danemark. Ces lettres sont donc un peu sa planche de salut, son contact avec le monde extérieur. Et elles s’adressent à quelqu’un qui admire l’auteur du Voyage.
A. M. — Oui, c’est la bonne direction : il faut partir de ceux qui ont reçu ces lettres. Gallimard serait bien inspiré de rassembler ainsi les lettres de deux ou trois destinataires. Cela ferait un volume plus intéressant que les derniers livres de Céline, ce bouillonnement vain.
F. G. — Comment faut-il interpréter le Voyage ? Cette façon qu’a Céline de ne peindre que l’envers de la vie…
A. M. — L’interprétation du Voyage ne me paraît pas poser beaucoup de problèmes. Céline n’est pas un écrivain qui appelle beaucoup le commentaire ; il s’est expliqué lui-même.
F. G. — Oui mais tout de même, Bardamu, Robinson, des doubles de Céline, ne présentent que son côté négatif.
A. M. — Ce ne sont pas des doubles, ce sont des marionnettes. Dans le Voyage il s’en tient à une vision pessimiste de la vie. C’est un pessimisme de carabin, d’interne. Un médecin de son âge et de son expérience habituellement abandonne ce ton. Lui, l’a conservé. Or c’est un ton de dépréciation généralisée. Lui-même n’échappant pas à cette dépréciation : tout ceci est très médical.
F. G. — Il me semble pourtant que dans le Voyage comme dans Les fleurs du mal, ce qui donne à la peinture du mal tout son relief c’est l’aspiration vers la beauté, l’amour, peut-être la charité. Il y a une présence très forte de ce qui semble au premier abord absent de l’œuvre. René Schwob a été très sensible à cette « spiritualité » comme il dit et je voudrais, si vous le permettez, vous lire ce qu’il en a dit dans une lettre ouverte à Céline de mars 1933 :

Si Dieu n’apparaît jamais dans votre œuvre, il y est sous cette forme d’aspiration inavouée à l’amour — sous cette forme de la souffrance à vous sentir doué d’un insuffisant amour. Oui c’est par là je crois que, tout en aimant que les œuvres où l’amour de Dieu et des êtres est exalté j’ai pu être si sensible à votre œuvre où l’ignominie humaine est seule peinte. Parce que je vous ai senti plus misérable encore dans votre incapacité à vous sacrifier totalement, de l’incapacité où est tout homme à se sacrifier pour un compagnon de misère, que souffrant de vos misères mêmes.
Gide me demandait un jour, parce que je lui déniais le sens de la spiritualité vraie, quel auteur aujourd’hui m’en paraissait doué… si je vous avais lu alors, je lui aurais donné votre nom. Et même je suis sûr que c’est votre intense quoique secrète spiritualité qui a incité, à son insu, la N.R.F. à refuser votre ouvrage.

A. M. — Sur ce dernier point, je peux vous dire que ce n’est pas vrai. Il n’y a pas eu de refus. Voici quelles ont été les circonstances : Céline avait envoyé à Gallimard le texte du Voyage en manuscrit c’est-à-dire non pas dactylographié mais recopié par un copiste. Cela faisait un tas de feuillets gros comme ça. J’ai lu ce manuscrit. J’ai donné un avis. Gaston Gallimard a alors passé ce « monstre » à Benjamin Crémieux. Dans sa note de lecture, Benjamin Crémieux a dit que c’était très bon mais que c’était trop long. Il était en faveur de la publication mais avec des coupures.
Or, Céline avait donné son manuscrit en même temps à Denoël et celui-ci lui avait donné son accord sans réserve. Entre un éditeur qui demande des coupures à son texte et un éditeur qui l’acceptait sans remaniements, Céline a dit : « Je choisis celui qui me laisse tranquille. » Très bien ! Il avait raison.
Pour ce qui est de la « spiritualité », je vois bien ce qu’il y a de fécond dans ce point de vue mais il y a aussi quelque chose qui me gêne un peu… C’est un peu comme dans le cas de Jouhandeau : le masochisme tend à donner un sentiment de spiritualité. La peinture de la souffrance dans le retable d’Issenheim donne au tableau de Grünewald l’impression d’une inspiration religieuse intense. Les Christs rhénans du XVIe siècle dégagent aussi une puissance spirituelle intense qui n’est pas la même que celle des figures romanes. Je dirais donc : spiritualité, soit, mais spiritualité qui ressemble davantage à celle de Jouhandeau qu’à celle de saint Jean-de-la-Croix. Vous avez raison d’évoquer Baudelaire mais chez Baudelaire il y a toute l’étendue du génie.
F. G. — Dans un article paru en 1933, « Qu’on s’explique », Céline donne une définition de son « art poétique » qui me paraît s’opposer à celui d’une littérature héroïque que vous illustrez. Voici un passage de ce texte :

Tant qu’à crever d’orgueil, je préfère que ce soit auprès des peintres : le Breughel, Gréco, Goya même, voici les athlètes qui me donnent le courage pour étirer la garce (la « pâte de vie »). Je fais ce que je peux. J’ai les mains sales prétend-on. Pas de petits soucis. Thomas a Kempis, bien pur, lui, s’y connaissait en art, puis en âmes aussi. C’est un malheur qu’il est mort. Voici comment qu’il parlait : « N’essayez pas d’imiter la fauvette et le rossignol, disait-il, si vous ne pouvez pas ! Mais si c’est votre destin de chanter comme un crapaud, alors, allez-y ! Et de toutes vos forces ! Et qu’on vous y entende ! »
Voilà qui est conseiller, je trouve, comme un père. Qui nous juge ?
Est-ce donc cette humanité nietzschéenne ? Fendarde ? Cornélienne ? Stoïque ? Conquérante de Vents ? Tartuffienne et Cocoricotte ? Qu’on nous la prête avec son nerf dentaire et dans huit jours on ne parlera plus de ces cochonneries. Il faut que les âmes aussi passent à tabac.

A. M. — Il y a là un mélange de quelque chose d’assez simple qu’il a à dire et de quelque chose de purement verbal. Pourquoi prendre à témoin quelqu’un comme Thomas a Kempis dont on ne sait même pas s’il a existé et dont l’action sur nous est très faible ? Pourquoi pas saint Jean-de-la-Croix ?... ou saint Jean tout court ?...
Vous avez parlé de charité tout à l’heure et je suppose que vous l’entendez au sens théologique du mot. C’est un problème important mais est-ce que Céline ne reste pas le plus souvent au niveau élémentaire de son côté « chauffeur de taxi » et dont toute la « charité » consiste à s’apitoyer ; c’est le : « ah ! les pauv’ types ! » ?
F. G. — Non, je crois tout de même que ça va plus loin. René Schwob me paraît avoir raison lorsqu’il parle de cette détresse d’être insuffisant, de ne pas avoir assez de cœur, de ne pas avoir le courage de se sacrifier encore davantage pour les autres et surtout pour les pauvres, les malades, les opprimés, les victimes.
A. M. — Dans ce que vous dites, je retiens le mot « détresse » qui convient bien car il y a en effet quelque chose de noble dans Céline mais seulement dans la mesure où c’est un sentiment : il y a une noblesse dans le sentiment, pas dans la prédication. Détresse convient au Voyage. Il convient même au mauvais Céline… Il y a un sentiment de détresse même dans D’un château l’autre. Le symbole de Céline c’est « Ayez pitié de moi ! ».
F. G. — Dans ses lettres, dans le texte enregistré du disque « Céline vous parle », Céline dit qu’il y a peu d’inventeurs de style : deux ou trois par siècle. Il cite Proust qu’il admire, non sans réserves, et lui-même. On a même quelque fois l’impression qu’il a délibérément voulu être une sorte d’anti-Proust. Cela s’exprime dans un passage assez révélateur du Voyage.
Proust, mi-revenant lui-même, s’est perdu avec une extraordinaire ténacité dans l’infime, la diluante futilité des rites et démarches qui s’entortillent autour des gens du monde, des gens du vide, fantômes de désirs, partouzards indécis attendant leur Watteau toujours chercheurs sans entrain d’improbables Cythères. Mais Madame Hérote, populaire et substantielle d’origine, tenait solidement à la terre par de rudes appétits, bêtes et précis.
A. M. — Oui ç’a été son sentiment jusqu’à la guerre mais il faut faire une barre à la guerre : à partir de ce moment il entre dans un conflit, dans un drame, celui d’avoir misé sur les Allemands. Et les Allemands le détestaient…
F. G. — A propos de l’antisémitisme de Céline un problème se pose pour moi et je voudrais vous le soumettre. Il n’y a pas de trace d’antisémitisme dans le Voyage publié en 1932. Il n’y en a pas non plus dans Mort à crédit publié en 1936 (seul le père du héros émet des propos antisémites mais dans le livre c’est un personnage antipathique). Il semblerait donc que l’antisémitisme ne se déclare dans l’œuvre de Céline qu’en 1937 avec Bagatelles. Or dans la pièce l’Église, publiée en 1933 mais terminée en 1928, donc écrite antérieurement au Voyage, le troisième acte, qui se passe à la S.D.N. et met en scène trois personnages qui portent les noms de Yudenzvvek, Mosaïc et Moïse, est nettement antisémite…
A. M. — Il n’y a en effet pas de trace d’antisémitisme dans le Voyage. Mais pourquoi posez-vous le problème sous cette formule difficile et de gaieté de cœur ? L’Église est une œuvre ratée, accidentelle pour ainsi dire, et en somme quelque peu négligeable. Il vaut mieux prendre le problème à partir du Voyage et jusqu’à la fin. Eh bien ! Il me semble qu’un psychiatre intelligent (il est bien entendu que c’est une hypothèse car nous ne sommes psychiatres ni l’un ni l’autre) dirait que nous avons affaire à une névrose. La névrose se définit par le développement des fantômes. L’antisémitisme est un de ces fantômes. Il n’a cessé de proliférer comme un cancer. A la fin, l’antisémitisme chez Céline n’a aucun caractère rationnel, c’est une crise.

F. G. — 1932 : Voyage au bout de la nuit, 1933 : La condition humaine : c’est presque en même temps que paraissent ces deux œuvres marquantes. Or, si elles offrent l’une et l’autre une image de la condition humaine qui se définit par la présence de la mort et par l’absurde, elles offrent deux solutions opposées pour s’accommoder de cette condition ou pour la transcender. Alors que vous exaltez l’héroïsme et le courage, le Bardamu de Céline accepte l’humiliation, avoue sa peur et l’image de l’homme qu’il donne peut paraître à l’opposé de celle qui se dégage de votre roman. Que pensez-vous de ce contraste ?
A. M. — Il me semble qu’il y a tout de même une grande différence : l’absence de toute collectivité dans le Voyage. La notion collective domine La condition humaine. A cette époque-là, poser le communisme chinois alors que personne ne s’intéressait à la chose, c’était une grande nouveauté.
Et ce n’est pas seulement dans le Voyage que la notion collective est absente : il n’y jamais chez Céline le sens d’une collectivité. Même à Sigmaringen où il est, en somme, avec des gens de son bord, il y a les trois compagnons, le chat Bébert, l’acteur La Vigue et Lili ; ça c’est la tribu. Mais les autres, tous les autres, il en pense et en dit le plus grand mal. La camaraderie de combat ne joue aucun rôle dans son œuvre.
D’ailleurs, il est resté très peu de temps au front, il a été blessé très vite.
F. G. — Il a été blessé le 25 octobre 1914. Il a donc passé moins de trois mois au front.
A. M. — Remarquez que trois mois dans la cavalerie, à cette période-là de la guerre, ça pouvait être une expérience très intense. Drieu La Rochelle, qui a connu non seulement Charleroi mais Verdun et la guerre des tranchées, avait été plus impressionné par la charge à la baïonnette que par tout ce qui devait suivre.
F. G. — Que pensez-vous de l’accueil fait au Voyage par la gauche et en particulier par les communistes, la traduction du Voyage en russe et sa publication en Russie ?
A. M. — C’est seulement au second degré que le roman pouvait paraître incompatible avec l’idéologie communiste. D’un point de vue superficiel, c’était un livre d’accusation de la hiérarchie sociale. Il pouvait donc servir. Un communiste vraiment intelligent aurait écrit dans une préface au Voyage : « Ce livre constitue une dénonciation impitoyable de la société capitaliste telle qu’elle est. L’auteur n’est pas marxiste. Il n’est donc pas capable de tirer les conclusions qui doivent être tirées de ce qu’il nous montre, mais le désespoir que peint le livre peut être exploité. »
F. G. — C’est un peu ce qu’a écrit Trotski dans un article publié quelques mois après le Voyage : « Le roman est pensé et réalisé comme un panorama de l’absurdité de la vie, de ses cruautés, de ses heurts, des ses mensonges, sans issue ni lueur d’espoir… »
A. M. — Mais aussi sans dimension métaphysique — au sens où l’entend Kierkegaard.
F. G. — En effet, et Trotski qui voit dans le Voyage l’effroi devant la vie plutôt que la révolte ajoute : « Une vue passive du monde avec une sensibilité à fleur de peau, sans aspiration vers l’avenir. C’est là le fondement psychologique du désespoir — un désespoir sincère qui se débat dans son propre cynisme. » Trotski fait remarquer qu’une révolte active est liée à l’espoir. Et ceci nous ramène à l’opposition fondamentale entre l’attitude de Céline et la vôtre devant la condition humaine puisque vous êtes l’auteur de L’Espoir.
A. M. — Je suis d’accord avec ce que dit Trotski du Voyage. Dans tout ce que vous me dites, je retiens ceci que je n’avais pas remarqué jusqu’à présent : comme Céline a eu peu de relation avec Dostoïevski ! Or c’est lui qui aurait dû être son dialogueur capital ! Or il n’a dit que des choses secondaires sur l’auteur de La maison des morts.
F. G. — Son silence sur Dostoïevski ne signifie pas nécessairement qu’il ne l’a pas fréquenté.
A. M. — C’est vrai, mais tout de même, voyez-vous, il y a des familles. Dostoïevski adorait Dickens — Céline n’aimait certainement pas Dickens.
Pour ce qui est des différences entre le Voyage et La condition humaine, un point me paraît capital : moi, je me place à l’intérieur d’un problème métaphysique. Dostoïevski pose aussi le problème en termes métaphysiques. Pour lui, la grande énigme c’est la présence du mal sur la terre. Vous vous souvenez de ce que dit Ivan Karamazov : « Si l’harmonie de l’univers suppose la souffrance et la mort d’un seul enfant innocent, je rends mon billet, je ne veux pas de cette création. » C’est ce que pensait Dostoïevski. Son point de vue était celui d’un chrétien. Moi, j’essaie de dire, du point de vue d’un agnostique : n’importe quel acte d’héroïsme, n’importe quel acte d’amour est un mystère aussi grand que le mystère du mal.
F. G. — N’est-ce pas un peu la position de Proust dans l’épisode de la mort de Bergotte : « Tout se passe dans notre vie comme si nous y entrions avec le faix d’obligations contractées dans une vie antérieure ; il n’y a aucune raison dans nos conditions de vie sur cette terre pour que nous nous croyions obligés à faire le bien… ni pour l’artiste athée à ce qu’il se croie obligé de recommencer vingt fois un morceau dont l’admiration qu’il excitera importera peu à son corps mangé de vers. »
A. M. — Proust se place là du point de vue du rationalisme. Je me place dans l’irrationalisme. Pour Dostoïevski le bien n’est pas une énigme ; pour lui chrétien, c’est le résultat de la présence du Christ.
F. G. — Une des réussites du Voyage, sa grande nouveauté c’est son langage. On n’avait jamais fait un usage aussi suivi en langage populaire. Céline, qui proteste contre l’indifférence universelle à la souffrance des pauvres ne peut représenter la condition du pauvre avec le détachement que lui donnerait la langue du bourgeois. Il lui faut adhérer à cette condition en empruntant le langage du pauvre, celui de sa révolte et de sa haine contre ceux qui l’exploitent. Parce qu’il s’identifie à l’exploité, il faut qu’il parle le même langage que lui et évite les abstractions des intellectuels, gens « futiles » à ses yeux.
A. M. — Mais remarquez bien que ce langage n’est pas celui du prolétariat. Céline imite le ton du chauffeur de taxi mais son argot n’est pas l’argot des autres. Et d’ailleurs dans la mesure où il se sert de mots d’argot, il s’expose à un très grave danger : celui de ne plus être compris au bout de x années. Car l’argot évolue et évolue très vite. Vous me disiez que pour vous la langue de Céline ne présente pas de difficultés mais l’argot dont il se sert vous est très familier ; c’est celui que vous avez entendu dans votre enfance. Qu’en sera-t-il dans cinquante ans ? Il est trop tôt pour le dire… Mais, après tout, c’est possible. Il y a bien une partie importante de Rabelais qui est inintelligible pour nous aujourd’hui et pourtant, finalement, ça n’a pas d’importance. Il y a un charroi qui emporte tout. Il se peut qu’il en soit de même pour Céline. Néanmoins il faut bien marquer que plutôt que du parler populaire, il s’agit de l’illusion du parler populaire. Ce n’est pas pareil. Des ouvriers vrais n’ont pas le très grand talent de Céline. Et surtout, ce qui est très rare, Céline fait passer sa voix. Et cela demande un très grand talent.
F. G. — D’après beaucoup de témoignages l’impact du Voyage sur les écrivains de 1932 a été énorme. Simone de Beauvoir en a donné un témoignage précis en ce qui la concerne. Parlant d’elle-même et de Sartre, elle écrit dans ses Mémoires : « Nous lisions tout ce qui paraissait ; le livre français qui compta le plus pour nous cette année, ce fut Voyage au bout de la nuit de Céline. Nous en savions par cœur des tas de passages. Son anarchisme nous semblait proche du nôtre. Il s’attaquait à la guerre, au colonialisme, à la médiocrité, aux lieux communs, à la société dans un style, sur un ton qui nous enchantaient. Céline avait forgé un instrument nouveau : une écriture aussi vivante que la parole. Quelle détente après les phrases marmoréennes de Gide, d’Alain, de Valéry ! Sartre en pris de la graine. Il abandonna définitivement le langage gourmé dont il avait encore usé dans la Légende de la vérité. »
A. M. — Prendre de la graine ? La Nausée n’est pas écrit avec un ton de voix. Au théâtre, Sartre arrive à donner un assez bon ton aux personnages mais c’est le ton des personnages, pas son ton à lui. Non, si Céline me fait penser à quelqu’un c’est à Diderot, surtout à celui du Neveu de Rameau. Là aussi, nous entendons la voix, et ça, c’est très difficile.
Pour ce qui est du choc dont parle Simone de Beauvoir, oui il a été très réel. Nous l’avons tous ressenti, mais il ne s’est pas répété : les autres livres de Céline n’ont pas fait le même effet.


Frédéric J. Grover, Six entretiens avec André Malraux sur des écrivains de son temps (1959-1975), Gallimard, 1978.
Commande possible sur Amazon.fr.

mercredi 26 octobre 2011

Le Petit Célinien - Lettre d'actualité n°14

Pour recevoir gratuitement par courriel à chaque parution la lettre d'actualité du Petit Célinien, laissez-nous votre mail à l'adresse habituelle : lepetitcelinien@gmail.com.

Ce numéro est consacré au colloque qui aura lieu à Paris le 9 novembre 2011.

Le Petit Célinien - Lettre d'actualité n°14.

Quelques modifications ont été apportées au programme. Consultez le programme rectifié ici.

Paris détruit

Présentation de l'éditeur
Pourquoi démolit-on ? Relativement épargnée par les guerres ou par les incendies, Paris a été affectée en profondeur par les destructions volontaires. C'est d'abord pour des raisons financières qu'on met à bas avant de reconstruire : nombre d'hôtels particuliers sont lotis pour être rentabilisés. La destruction est aussi le fait d'opérations d'urbanisme : alignement de rues existantes ou percement de voies nouvelles, mais aussi éradication des îlots insalubres ou désaffection de certains bâtiments comme les Halles ou les prisons parisiennes. Enfin, on abat parfois pour des raisons symboliques. La démolition de la Bastille est le premier acte de la Révolution, tandis que la Commune détruit sans retenue, de la maison de Thiers aux Tuileries dont les ruines restent longtemps exposées au public.
Dressant le sombre bilan des disparitions, à travers notamment une iconographie spectaculaire, l'auteur ne s'en tient pas à une dénonciation convenue du « vandalisme », mais montre l'émergence d'une conscience patrimoniale en évolution constante depuis le XIXe siècle.

Pierre Pinon, Paris détruit, Parigramme, 2011.
Commande possible sur Amazon.fr.

mardi 25 octobre 2011

Voyage au bout de Céline - Du 3 au 13 novembre 2011 à Lyon

"Voyage au bout de Céline", spectacle adapté d'extraits de Voyage au bout de la nuit, Mort à crédit et D'un chateau l'autre mêlant théâtre, création sonore et création visuelle (illustration et vidéo). Du 3 au 13 novembre au Carré 30 de Lyon. Mise en scène Willy Play, avec Nicolas Guépin, illustrations Nathalie Houot.

Téléchargez le dossier de presse en cliquant ici.

Voyage au Bout de la Nuit (1932), Mort à Crédit (1936) et D’un Château l’Autre (1957), tels sont les livres qui ont servis de base à ce spectacle qui se veut un hommage à la littérature célinienne. L’oeuvre de L-F Céline et sa vie sont intimement liées, c’est pourquoi un spectacle issu de plusieurs romans différents, avec un fil narrateur constant et lisible, est chose possible avec cet auteur – qui est aujourd’hui considéré par beaucoup, et à juste titre, comme l’un des prosateurs les plus importants du 20ème siècle. Voyage au Bout de Céline se veut un spectacle à part entière, un spectacle vivant, interprété et mis en scène, et non pas une lecture de textes. C’est L-F Céline qui nous parle dans ce spectacle et non pas un comédien qui dit du Céline. [...] Tantôt c’est le Dr L-F Destouches qui nous parle de son actualité à Meudon, dans les années 1950, tantôt c’est le Ferdinand du Voyage au Bout de la Nuit et de Mort à Crédit qui nous raconte sa vie fantasmée, peuplée de visions comico-tragiques, burlesques et cyniques. L’adaptation des textes pour la scène permet une mise en exergue de certaines facettes de l’oeuvre, pour donner à découvrir ou à re-découvrir la richesse de la langue et des images céliniennes. Habillée d'une quarantaine d'illustrations (réalisées par Charlotte Houot), ainsi que de créations vidéo et sonore riches, la langue de Céline – héritière de celle de Rabelais, de Villon, de Zola, de Barbusse – est au centre du spectacle, servie par une mise en scène sobre et imagée.[...]

Du 3 au 13 novembre au Carré 30 de Lyon (69)
Jeudi - vendredi - samedi 20h30
Dimanche 17h30
Infos/réservations : 04 78 39 74 61





Contact

Compagnie Après le Déluge
06 25 25 01 20
contact@apresledeluge.com
www.apresledeluge.com
www.myspace.com/compagnieapresledeluge

Céline seul en scène - Sud-Ouest - 25 octobre 2011

Roman jeunesse, classique : la littérature française en scène chez Alice Médiastore. (Arcachon)

Plusieurs animations sont organisées cette semaine chez Alice Mediastore.

Vendredi 28 octobre, de 17 heures à 19 heures, lecture et rencontre autour de « Silence et les prisonniers de la Louvière ». Pops (illustratrice) et Nathalie Bernard (auteur) seront présentes pour une rencontre dédicace autour de leur roman jeunesse illustré (pour les 8/12 ans). La rencontre commencera par une lecture des premières pages du livre à 17 heures.

Le lendemain, samedi 29 octobre à 18 h 30, spectacle théâtral autour de Louis-Ferdinand Céline. « Y en a que ça emmerde » est composé et interprété par Stanislas de La Tousche, d'après les textes du romancier. Le comédien fait découvrir Louis-Ferdinand Céline, à l'occasion du 50e anniversaire de la mort, au point incertain où l'homme et l'œuvre semblent se fondre. Tout y passe : la solitude de sa fin de vie à Meudon, la vie chère, l'Afrique et ses fièvres, la prison… La troublante ressemblance entre le l'acteur et le personnage vieillissant que Céline a immortalisé dans les interviews amène une jubilation inattendue dans ce vomissement de colère.
Stanislas de La Tousche a été récemment l'interprète, à Paris puis Avignon, de textes rarement mis en scène comme « Féerie pour une autre fois », « D'un château à l'autre » ou encore « Rigodon ».

Sud-Ouest, 25/10/2011.

Alice Mediastore
05.57.72.04.25
Adresse : Ville d'été, Nouvelle place du marché, Arcachon.
www.alicemediastore.fr

Lectures de Louis-Ferdinand Céline à Montréal - du 1er au 10 novembre 2011

Le Théâtre de Fortune appelle le public à la rencontre de Céline vivant, lors de 4 lectures publiques, en association avec les Maisons de la Culture de Montréal.

Présentée et animée par Stéphane Lépine, ces soirées permettront d’entendre et de voir plusieurs documents d’archives dont la fameuse lecture des premiers chapitres du Voyage au bout de la nuit par Michel Simon et d’assister à l’interprétation d’un extrait des Entretiens avec le Professeur Y par Roch Aubert et Jean-Charles Fonti.

L’écrivain Louis-Ferdinand Céline, le volcan Céline, s’éteint en juillet 1961, mais son œuvre lui survit, parmi les plus fécondes et les plus audacieuses du siècle passé. Et ce, en dépit d’inlassables controverses qui se perpétuent encore de nos jours puisque le gouvernement français actuel, cédant à la pression de quelques officines partisanes, a finalement biffé son nom de la liste des personnalités que la France devait commémorer en 2011.

Téléchargez le communiqué de presse

www.theatredefortune.com






Mardi 1 novembre 2011 à 20h
Maison de la culture Notre-Dame-de-Grâce
3755, rue Botrel, Montréal – 514-872-2157

Mercredi 2 novembre 2011 à 20h
Maison de la culture Rosemont-La Petite-Patrie (Studio 1)
6707, avenue de Lorimier, Montréal – 514-872-1730

Jeudi 3 novembre 2011 à 20h
Maison de la culture Plateau-Mont-Royal
465, avenue du Mont-Royal Est, Montréal – 514-872-2266

Jeudi 10 novembre 2011 à 20h
Auditorium Le Prévost
7355, avenue Christophe Colomb, 2é étage, Montréal – 514-872-6131

Renoir répond à Céline - Ce Soir - 20 janvier 1938

Jean Renoir a tenu une rubrique dans le quotidien Ce Soir entre mars 1937 et octobre 1938. Dans un article paru le 20 janvier 1938, il répond aux attaques de Céline contre son film "La Grande Illusion" parues dans Bagatelles pour un massacre (pages 268 à 274) :

Tous mes amis m'abordaient ces jours derniers avec de grandes claques dans le dos et des exclamations, de ce genre : « T'as vu le bouquin de Céline ? Qu'est-ce qu'il met à la Grande Illusion !... Avoue que c'est de la publicité et que tu es de mèche avec lui !... »
Assez intrigué, j'achetai le livre en question — 1 dollar — et je le mis, sans le lire, bien en vue dans ma bibliothèque. C'est gros, c'est riche, c'est flatteur, mais c'est aussi très ennuyeux. Au bout de quatre pages, on a compris. Un truc dans le genre de la pluie monotone et régulier. M. Céline fait beaucoup penser à une dame qui aurait des difficultés périodiques ; ça lui fait mal au ventre, alors elle crie et elle accuse son mari. La force de ses hurlements et la verdeur de son langage amusent la première fois ; la deuxième fois, on bâille un peu ; les fois suivantes, on fiche le camp et on la laisse crier toute seule.
Cette fois-ci, ce n'est pas après son mari que notre Céline en a, mais bien après les Juifs. Voilà qui est tout à fait nouveau, original et inédit. Et j'allais renoncer à savoir ce que ce bavard racontait de mon filin quand intervint un de ces événements rares, héroïques et décisifs qui changent la face de l'Histoire. Un camarade que j'aime bien et, qui m'aime bien, proposa de se sacrifier et de lire le livre tout entier.
Nous tentâmes d'abord de l'amener à renoncer à cette entreprise insensée. Il insista de telle façon que nous dûmes le laisser faire. La tentative eut lieu la nuit. Armé seulement de quelques bouteilles de whisky, de plusieurs flacons de kola, et d'un dictionnaire de la langue verte, il se lança à l'assaut de l'épais fatras sous nos regards admiratifs et étonnés.
Son héroïsme porta ses fruits, et le lendemain, nous savions ce qu'il en était. À dire vrai, nous fûmes déçus. À peu de chose près, Céline se contente d'affirmer que la Grande Illusion est une entreprise de propagande juive. La preuve, c'est que, dans ce film, j'ai osé montrer un vrai juif, et en faire un personnage sympathique. Mes camarades de travail étaient furieux. Non pas que nous jugions déshonorant d'être au service des Juifs plutôt qu'à celui de la Banque de France, des Italiens, des vidangeurs ou des entrepreneurs de pompes funèbres. Mais c'est que précisément, dans ce film, vous n'avions été au service de personne, et que (fait assez rare pour qu'eux et nous en soyons très fiers) nos commanditaires nous avaient simplement demandé d'essayer de faire un bon film. Et c'est ainsi que nous avions pu raconter tout bonnement nos souvenirs, tenter de montrer les choses telles qu'elles s'étaient passées, et c'est tout.
Donc, tous les copains de l'équipe du film n'étaient pas contents (il faut beaucoup de monde pour un film). Ils parlaient d'aller déculotter M. Céline et de le fesser en place publique. Nous eûmes vite fait d'abandonner ces vilains projets, indignes des honnêtes syndicalistes que nous sommes, et bons, tout au plus, pour des fascistes cagoulards. D'autant plus que le héros lecteur, qui nous avait mis au courant, nous apprit que nous n'étions pas les seuls dans le bain.
Au service de la juiverie, il y aurait, paraît-il, aussi des gens comme Cézanne, Racine et bien d'autres. Nous sommes donc en bonne compagnie... et de nous rengorger !
M. Céline n'aime pas Racine. Voilà qui est vraiment dommage pour Racine. Moi, je n'aime pas les imbéciles, et je ne crois pas que ce soit dommage pour M. Céline, car une seule opinion doit importer à ce Gaudissart de l'antisémitisme, c'est la sienne propre.

Jean RENOIR
Ce Soir, 20 janvier 1938.

Article repris dans Jean Renoir, Ecrits 1926-1971, Ed. Belfond, 1974 et Ed. Ramsey, 2006 (poche).
Repris dans la revue 1895 n°63, Printemps 2011.

A nos lecteurs...

  • Nous recherchons une copie numérique du texte "La Quinine en thérapeutique" de Louis-Ferdinand Céline. Nous contacter à l'adresse habituelle : lepetitcelinien@gmail.com
  • Deux articles sur Céline ont paru dans la presse danoise (www.politiken.dk). Nous recherchons donc un généreux traducteur.

lundi 24 octobre 2011

Louis-Ferdinand Céline à Rennes (1918-1924)

Louis Destouches a vécu à Rennes une demi-douzaine d'années mais la ville n'aura pas de place dans l'oeuvre littéraire de Louis-Ferdinand Céline.

Louis Destouches, 24 ans, débarque du train en gare de Rennes, le 10 mars 1918, au milieu des philanthropes américains de la fondation Rockefeller venus en France lutter contre la tuberculose et ses ravages, qui reçoivent un accueil solennel : les Rennais se massent des deux côtés du trajet jusqu'à la mairie où le maire reçoit les membres de la commission, présentés par le Dr Follet, président du comité départemental de lutte contre la tuberculose. Le maréchal des logis cuirassier de 1914, blessé au bras, médaille militaire et croix de guerre, ancien garde forestier au Cameroun, sans diplôme, est ravi de se frotter au milieu médical. Le 11 mars, au cours de la séance inaugurale au théâtre de Rennes fait sa première conférence sur l'hygiène, avec un énorle trac, écrira-t-il plus tard. Dès le 12 mars, au cinéma Omnia,[1] devant un public féminin de jeunes filles du lycée, de l'école normale d'institutrices et de l'école primaire supérieure, il fait "une conférence extrêmement intéressante. Il a parlé avec une grande science de la question et avec un art goûté des plus fins connaisseurs", relate le journal. [2] Et il enchaîne les conférences : le 18 à la halle aux Toiles et à l'école de la rue de Paris, le 19 à la halle aux Toiles et à l'école de garçons du faubourg de Nantes. Devant les syndicats ouvriers il "recommande notamment une lutte énergique contre l'alcool, rappelant que c'est le lit où se couche la tuberculose" [3], puis le 21 c'est à l'école Quineleu "dans le quartier de la gare" devant 250 garçons puis devant 150 filles, puis aux "ouvriers et ouvrières du quartier",[4] le 22 à l'école de la rue Papu devant 100 filles puis "pour les ouvriers et ouvrières de la rue de Brest et du faubourg de Brest".[5]

Le jeune homme a du bagout et de l'allure et plaît, notamment à Edith Follet, 19 ans, fille du docteur Athanase Follet. La jeune fille tombe amoureuse de l'orateur et Destouches est reçu au domicile du docteur, dans son salon du 6 quai de Richemont. Le docteur est professeur de médecine, médecin à l'Hôtel-Dieu, chirurgien en chef à la clinique de la Sagesse, 17 quai d'Ille-et-Rance, et à l'hôpital militaire Ambroise-Paré avec aussi un cabinet médical, 3 rue Duguesclin. Après une soirée d'information à Montfort le 28 avril - avec séance de cinéma, le "brillant conférencier" poursuit la tournée dans le nord du département et les mois suivants jusque dans le Finistère. On parle mariage mais Louis doit passer son bachot et se remet au latin sous la direction du supérieur du collège Saint-Vincent, l'abbé Pihan. L'oncle de Louis est secrétaire de la Faculté de médecine de Paris et d'aucuns voient une relation avec la nomination du beau-père, le docteur Follet, au poste de directeur de l'Ecole de médecine de Rennes. Le 19 août 1919, Louis Destouches, le baratineur anticonformiste, épouse Edith Follet à Quintin et le couple, qui bénéficie en dot d'une pension viagère de 12 000 F., loge au rez-de-chaussée du 6 quai de Richemont et Louis étudie en face, à la Faculté des sciences où il obtient le certificat de physique, chimie et histoire naturelle. En PCN comme lui, le Rennais René Patay raconte une plaisanterie de carabin :" Nous fabriquons de l'ammoniaque lorsque Destouches revient à moi en disant:" C'est de la blague ce que dit Arthus, cela ne sent rien !" Sans rien dire je prend le flacon qui, sur la cuve à eau, se remplit de gaz devant moi et le lui met sous le nez. Il en aspire une bonne dose... et s'abat tout de son long sur le carrelage ! Affolé, j'appelle Arthus qui, très calmement, me dit :" Ce n'est rien, cela vaut la soupe à l'oignon pour dessaouler quelqu'un. N'empêche que, si cela avait été toxique, je privais la littérature française de Louis-Ferdinand Céline !".[6].

En 1920 naît Colette. Louis joue au tennis, monte à cheval, fait de la moto avec son épouse dans le side-car. Il fait médecine, fait des travaux au laboratoire de biologie marine de Roscoff, prépare sa thèse, remplace le docteur Porée, 5 quai Lamennais, l'été 1923, et soutien sa thèse à Paris le 1er mai 1924. Les relations avec son beau-père sont bonnes mais laches : Destouches écrit à un ami qu'il lui arrive de se promener le long des quais de la Vilaine dans un sens pendant que le Dr Follet tourne dans le sens opposé. Il remplace en mai-juin le Dr Cardot à son cabinet de Montfort-sur-Meu et celui-ci a estimé le jeune médecin peu consciencieux. Une plaque, apposée en 2004 sur la maison, évoque ce séjour.[7] La première oeuvre "littéraire" de Louis Destouches est "le Petit Mouck", conte pour enfants illusté par son épouse, ancienne élève des Beaux-Arts, qui fournit des dessins à la Semaine de Suzette.[8]

Il ne vit plus avec son épouse dès 1924, divorce en juin 1926 et quitte Rennes. Il abandonne une perspective de vie bourgeoise et de médecin de province. Il prend le large pour diverses missions pendant trois ans à travers le monde. Toutefois il revient à Rennes voir sa fille avec laquelle il passe un mois de vacances à Dinard. Et Louis Destouches deviendra l'écrivain que l'on sait : Louis-Ferdinand Céline, Céline prénom de sa grand-mère maternelle Guillou... [9]
références

WikiRennes, 19/10/2011.


1 -Voir l'article anciennes salles de cinéma de Rennes
2 - Ouest-Eclair 13 mars 1918
3 - Ouest-Eclair 19 mars 1918
4 - Ouest-Eclair 22 mars 1918
5 - Ouest-Eclair 25 mars 1918
6 -
Mémoires d'un Français moyen, par René Patay -1974
7 -
Céline en Bretagne au début du XXIe siècle, par Charles-Antoine Cardot- Le Bulletin célinien, n° 289, septembre 2007
8 -
Louis-Ferdinand Destouches (Céline) à Rennes et à Montfort (1918-1957), par Charles-Antoine Cardot; Bulletin et mémoires de la Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine. t. CVII-2003
9 -
Les belles années rennaises de Céline-1918-1924, par Georges Guitton, Place Publique n°5.

Tout autour des Halles quand finissait la nuit

Présentation de l'éditeur
Après avoir été violée par son oncle, Hermine S., dite Mimine, se retrouve pensionnaire d une maison close du quartier des Halles à Paris. Mais, n ayant ni goût ni talent pour son nouveau métier, elle accepte de devenir la concierge du 62, rue Montorgueuil. C'est de ce poste d'observation qu'elle traverse la drôle de guerre, l'Occupation et la Libération. Le récit, écrit à la première personne, dépeint la vie quotidienne sous la botte allemande, du marché noir à la rafle du Vel d'Hiv ; raconte la résistance, la collaboration, l'épuration et ses cortèges de femmes tondues... Écrit dans une langue gouailleuse et imagée, Tout autour des Halles quand finissait la nuit met en scène le petit peuple d'un Paris disparu, décrit par une femme drôle et bouleversante.

Gérard Landrot, Tout autour des Halles quand finissait la nuit, L'Editeur, 2011.
Commande possible sur Amazon.fr.

Le Bulletin célinien n°335 - novembre 2011

Vient de paraître : Le Bulletin célinien n°335. Au sommaire :

Marc Laudelout : Bloc-notes
P.-L. Moudenc : « Céline’s band »
Robert Le Blanc : Jeanne Alexandre et « Voyage au bout de la nuit »
Jeanne Alexandre : « Voyage au bout de la nuit » [1933]
Rémi Astruc : Céline et la question du patrimoine
M. L. : Céline et Jean Renoir
Pierre de Bonneville : Céline et Villon (4 et fin).

Un numéro de 24 pages, 6 € franco.

Le Bulletin célinien, B. P. 70, Gare centrale, BE 1000 Belgique.

Soirée Céline à la bibliothèque de Coye-la-forêt (Oise) samedi 5 novembre 2011

Seront diffusés à la bibliothèque de Coye-la-forêt samedi 5 novembre 2011 à 20h30 les grands entretiens de Louis-Ferdinand Céline (faisant suite à la soirée du 22 octobre). Après la projection, lectures d'extraits et débat. Soirée animée par Agnès Bouchard.

www.coye29.com

dimanche 23 octobre 2011

Sartre, les « petits juifs » et Céline par Nicholas Hewitt

En avril 1938, André Gide publiait un article intitulé « Céline, les Juifs et Maritain (1) », qui constitue à la fois un compte rendu du premier pamphlet antisémite de Céline, Bagatelles pour un massacre , et le commentaire d’une chronique antérieure de Jacques Maritain, parue dans Esprit . Dans cette chronique, Maritain s’était insurgé contre l’antisémitisme soudain sensible de Céline, insistant surtout sur la falsification flagrante des statistiques, en particulier celles concernant la participation des juifs français à la Première Guerre mondiale (2). Mais Gide, pour sa part, pense que Maritain se trompe lourdement sur les intentions de Céline, qui, selon lui, utilise comme procédés l’hyperbole et la falsification afin de donner l’impression d’une parodie de l’antisémitisme français de l’époque. Cependant, à la fin de son compte rendu, un doute persiste, ce qui pousse Gide à s’interroger : « S’il fallait voir dans Bagatelles pour un massacre autre chose qu’un jeu, Céline, en dépit de tout son génie, serait sans excuse de remuer les passions banales avec ce cynisme et cette désinvolte légèreté (3) . »

Ce qui est intéressant dans le débat Gide-Maritain, c’est qu’il survient précisément au moment de la publication de La Nausée et qu’il souligne une différence profonde dans le traitement de la question juive chez Sartre et Céline. La caractéristique essentielle de l’écriture antisémite de Céline est constituée par sa profonde ambiguïté, une ambiguïté délibérée, ce qui permet à Walter Benjamin de la ranger dans la catégorie du « culte de la blague », un outil essentiel de la propagande fasciste. C’est cette ambiguïté inhérente aux écrits antisémites de Céline qui les rend précisément si dangereux et constitue une provocation incontournable de la vision humaniste et ouverte de la littérature qu’exprime Sartre dans l’une des thèses centrales de Qu’est-ce que la littérature ? selon laquelle une « grande littérature fasciste » ne saurait exister. Autrement dit, là où Sartre est censé avoir produit un portrait de l’antisémite clair et peu sujet à caution, celui qu’en fait Céline — un autoportrait —, surtout dans les trois pamphlets Bagatelles pour un massacre (1937), L’École des cadavres (1938) et Les Beaux Draps (1941), paraît hautement problématique parce qu’il conduit le lecteur au coeur de ce qu’Henri Godard appelle le « scandale » de Céline : la coexistence dans une même écriture d’une stylistique géniale et d’une prise de position morale et politique absolument détestable. En revanche, la problématique de l’antisémitisme chez Sartre réside ailleurs que dans la complexité de l’écriture et se situe dans l’évocation du juif lui-même, réduit au sobriquet de « petit juif ».

SARTRE ET CÉLINE : UNE ÉCRITURE CONVERGENTE ?
D’abord, les faits. Si nous écartons les influences indirectes exercées par Voyage au bout de la nuit sur La Nausée et les nouvelles du Mur, les ressemblances concrètes entre l’écriture sartrienne et celle de Céline sont peu nombreuses et limitées à une période de dix ans, entre 1938 et 1948 : la citation tirée de la pièce de théâtre de Céline, L’Église, qui sert d’exergue à La Nausée ; une brève allusion dans les Mémoires de Lucette Destouches, la veuve de Céline, à une visite de Sartre au cours de l’Occupation ; et la référence bien connue à Céline dans le « Portrait de l’antisémite », qui valut à Sartre comme riposte le pamphlet célinien de 1948, À l’agité du bocal. Ajoutons la remarque de Sartre sur Céline dans l’article « Écrire pour son époque », de 1946 : « Peut-être Céline demeurera seul de nous tous (4). »
Commençons par l’exergue de La Nausée : « C’est un garçon sans importance collective, c’est tout juste un individu. » Il s’agit d’une citation tirée du troisième acte de L’Église, écrite en 1926 et refusée selon Céline par l’imprésario hongrois Ladislas Medgyès, qu’il caractérise comme « pratique, sensuel, malin et asiatique » (lire : « juif (5)»). L’Église, qui constitue l’ébauche en forme de drame du Voyage au bout de la nuit, n’a été jouée qu’en 1936 à Lyon et reprise à Paris en 1976, plutôt comme une curiosité littéraire. Après avoir été refusée par Gallimard en 1927, la pièce n’a été publiée qu’en 1933 par Denoël, sur l’insistance de Céline, à la suite du succès de Voyage au bout de la nuit. Il est vrai que, comme l’indiquent Contat et Rybalka, Sartre a nié avoir connu « l’aspect antisémite de la pièce, puisqu’il ne l’avait pas lue : il tenait la citation de seconde main (6)», affirmation intéressante qui entre pleinement dans le domaine des « on-dit » identifiés par Henri Meschonnic comme sources principales, voire uniques, de la documentation sartrienne sur l’antisémitisme (7). Avec le recul, ce démenti se révèle d’autant plus nécessaire, si l’on tient compte du fait que le contexte immédiat de la citation a un caractère explosif. Le troisième acte de L’Église réprésente, après l’Afrique et les États-Unis, la troisième étape dans l’itinéraire du protagoniste Bardamu et se déroule à Genève, siège de la Société des Nations. Ici, Céline puise dans ses expériences personnelles de fonctionnaire dans le Service de l’hygiène sous la direction de Ludwig Rajchman, fonction qu’il exerçait toujours lors de la composition de la pièce (8), et choisit de dépeindre les démêlés picaresques de son protagoniste, le non-juif Bardamu, avec les hauts dirigeants de la SDN, représentés par les juifs Moïse et, surtout, Yudenzweck. La description de ce dernier est conforme à tous les portraits stéréotypés contemporains du juif : « Un petit homme habillé en Juif polonais, long cache-poussière noir, petite casquette, lunettes épaisses, nez extrêmement crochu, parapluie, guêtres, se glisse prudent, très prudent (9)… » Non seulement Céline a choisi de donner un portrait quasiment suicidaire de son supérieur Rajchman, avec lequel il entretenait pourtant des rapports très cordiaux jusqu’en 1933, date de la publication de la pièce, mais il concentre aussi son tir sur une cible chère à l’extrême droite antibriandiste : la SDN ressemble à un microcosme où l’on trouve une prétendue domination internationale des milieux juifs, et le choc de deux conceptions sociales diamétralement opposées, celle de la collectivité et celle de l’individu. Comme l’énonce Yudenzweck (« but des juifs », en allemand) : « Nous ne parlons pas le même langage. Il parlait le langage de l’individu, moi, je ne parle que le langage collectif. Il m’intéressait assez jusqu’au moment où j’ai compris ça. Alors, j’ai cessé de l’écouter, par discipline (10). » Même si Sartre nie avoir jamais lu L’Église et pris connaissance de la nature explicitement antisémite du troisième acte, il est tout de même important de se demander si l’utilisation d’une citation tirée de Céline en 1938 pouvait porter préjudice à un auteur qui se situait à gauche. Ici, il faut nuancer. Tout d’abord, il n’est pas sûr que, lors de la publication de La Nausée au printemps 1938, Céline eût déjà acquis la réputation d’antisémite acharné qu’il allait connaître par la suite, après l’Occupation. Lors de la livraison du manuscrit à La NRF en 1936, Céline jouissait toujours de la réputation, qu’il s’était soigneusement construite, d’un écrivain de gauche, bien que non conformiste. Quand La Nausée commence à être imprimée chez Gallimard à la fin de 1937, il est probable que Sartre n’a pas encore pris connaissance de la publication du premier pamphlet antisémite de Céline, Bagatelles pour un massacre , qui ne paraîtra qu’à la fin de cette année-là. La publication de La Nausée coïncide donc d’une façon pour le moins fâcheuse avec une diffusion plus générale du pamphlet, bien que, comme nous venons de le voir, la portée en ait été ambiguë. Si Céline récidive dans L’École des cadavres et dans Les Beaux Draps, leur accueil reste quelque peu mitigé, et c’est seulement après les activités quasiment publiques de Céline au cours de l’Occupation que sa réputation d’antisémite se concrétisera pour de bon, surtout après la Libération. Il importe aussi de souligner que ce flou dans l’accueil réservé à L’Église et aux pamphlets, surtout en ce qui concerne Bagatelles, doit beaucoup à un certain courant antisémite « mondain » de gauche où la satire contre les milieux juifs était largement tolérée, voire appréciée. Henri Meschonnic fait allusion à une remarque de Walter Benjamin concernant l’absence d’une « position nette sur le livre Bagatelles pour un massacre », au cours de laquelle Benjamin « affirma que son expérience personnelle lui avait appris que, même parmi les intellectuels de gauche, un certain antisémitisme était très répandu (11)».




Nicholas HEWITT, « 12 : Sartre, les « petits juifs » et Céline » , in Ingrid Galster Sartre et les Juifs, La Découverte « Recherches », 2005 p. 169-177. Commande possible sur Amazon.fr.


Notes
1. André GIDE, « Céline, les Juifs et Maritain », La Nouvelle Revue française, avril 1938.
2. La falsification des faits est un procédé cher à Céline dès les premiers ouvrages signés Louis-Ferdinand
Destouches. Voir surtout La Vie et l’oeuvre de Semmelweis et Voyage au bout de la nuit, où l’auteur paraît se tromper sur les dates du massacre des gardes suisses aux Tuileries et du voyage du Mayflower.
3. André GIDE, « Céline, les Juifs et Maritain », art. cit., p. 634.
4. Jean-Paul SARTRE, « Écrire pour son époque », Érasme (La Haye), 11-12, 1946, repris par Michel CONTAT et Michel RYBALKA, Les Écrits de Sartre, Gallimard, Paris, 1970, p. 675-676.
5. Cf.Philippe ALMÉRAS, Céline, entre haines et passion, Robert Laffont, Paris, 1994, p. 91, et Nicholas HEWITT, The Life of Céline, Blackwell, Oxford et Malden, Mass., 1999, p. 72.
6. Jean-Paul SARTRE, OEuvres romanesques, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, p. 1719.
7. Henri MESCHONNIC, « Sartre et la question juive », Études sartriennes, 1, Cahiers de sémiotique textuelle, 2, 1984, p. 125.
8.Cf.Nicholas HEWITT, The Life of Céline, op. cit ., p. 59.
9. Cité in Philippe ALMÉRAS, Céline. Entre haines et passion, op. cit., p. 138.
10. Louis-Ferdinand CÉLINE, L’Église, Denoël et Steel, Paris, 1933, acte III.
11. Gershom SCHOLEM, Walter Benjamin. Histoire d’une amitié, Calmann-Lévy, Paris, 1981, p. 236, cité in Henri MESCHONNIC, « Sartre et la question juive », art. cit., p. 126.

samedi 22 octobre 2011

Vente aux enchères le 10 novembre 2011 à Drouot

L'étude Néret-Minet & Tessier organise une vente aux enchères de livres anciens et modernes, photographies des XIXe et XXe le 10 novembre 2011 à Drouot (salle 2, 14h). Plusieurs pièces céliniennes (lots 294 à 303) : Sept lettres de Robert Le Vigan au journaliste Paul Bonny, disques, livre et encarts publicitaires médicaux de Céline.

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Une nouvelle édition de Mea Culpa

Les Editions Derrière la salle de bains publient Mea Culpa de Louis-Ferdinand Céline. Format 145x190 mm, sur papier bouffant 150 gr, couverture à grands rabats. Prix : 9€.

Commande sur le site de l'éditeur : www.leseditionsderrierelasalledebains.com

Le Procès Céline - Le Canard enchaîné - 19 octobre 2011

Le Canard enchaîné du 19 octobre publie un court compte-rendu du film "Le Procès Céline" diffusé le 17 octobre sur Arte :


Le ballet des asticots par Pierre Chalmin

À propos de Joseph Vebret, Céline, l’infréquentable ? (Jean Picollec éditeur) et n°2 de la revue Spécial Céline, Céline sans masque. Autopsie d'un insupportable talent (Le Magazine des Livres, Lafont Presse, septembre/octobre 2011). «Celui qui parle de l’avenir est un coquin. C’est l’actuel qui compte. Invoquer sa postérité, c’est faire un discours aux asticots.» Céline, Voyage au bout de la nuit.

On remet Céline en route, c’est tous les jours en cette glorieuse année du cinquantenaire de sa mort. Je commence à en avoir assez, je le dis tout net, et l’effet s’avère désastreux sur mes nerfs de ces fastidieuses compilations d’opinions ressassées, de tant de livres inutiles, de numéros «hors-série» fumeux fabriqués avec des bouts de chandelles, de tous ces avis doctes et cons et mille fois entendus de tout le monde et de n’importe qui : tant de broutilles indigentes, de temps perdu et de papier gâché… Je sais bien qu’il s’agit d’une industrie, que les illettrés aussi doivent gagner leur vie, etc. Permettez qu’étant femme du monde et non pas putain, je décline l’invitation à partouzer. On me proposa jadis d’écrire un petit ouvrage évoquant notre sujet : Les Céliniens, j’avais déjà mon idée, mon angle d’attaque. On me sait las méchant. On a renoncé. Je n’eusse rien pu écrire de toute façon, on ne diffame pas la canaille, à quoi serviraient sinon les lois ?
Bref, je reçois deux nouvelles publications d’anniversaire – cent et cent-unième, deux cent et deux cent-unième publiées en cette année faste ? – relatives à Céline, et Asensio me somme, avec ses grâces habituelles – pistolet sur la tempe – d’en rendre compte.
Je contemple la couverture du premier objet : Spécial Céline, c’est déjà le n° 2, – un troisième est annoncé en novembre ! –, qui s’intitule Céline sans masque. Une réminiscence de Sipriot et son Montherlant. Sous-titré : Autopsie d’un insupportable talent. Je bondis. Qui peut commettre une telle ânerie ? Je renvoie aux dictionnaires, n’importe lequel : ça ne veut rien dire. Je soupèse l’objet : 135 grammes. Pour 128 pages imprimées sur du papier torchon. Dites un prix ?… 17,50 euros ! C’est publié par Lafont Presse, un trust énorme. Ça doit leur coûter dans les 30 centimes à imprimer, et encore j’exagère peut-être, il y a longtemps que je n’ai pas joué à l’éditeur… J’ouvre et je lis le nom des deux compères éditorialistes à qui l’on doit je présume les jolis titres : MM. Joseph Vebret et David Alliot. David Alliot, je le connais, il publie un livre par trimestre sur Céline depuis quelques années. Joseph Vebret, un de ses amis me l’avait jadis décrit comme le plus désintéressé des amateurs de littérature, le plus fauché, le plus gratuit… (C’est peu de temps après que je l’ai vu deviser – oh ! quelques instants ! on n’a plus guère de patience à mon âge – avec Houellebecq, le passage juste où Houellebecq explique sa supériorité sur Baudelaire. Je me suis arrêté trente secondes plus tard, je pensais que Vebret se lèverait et partirait, que la messe était dite. Et puis pas du tout, ils continuaient de disserter sur le «génie» de Houellebecq : parce que c’est ainsi, Houellebecq a du génie, Céline du «talent» seulement…). Curieux de le retrouver là.

Second objet qui cette fois ressemble à un livre : Céline l’Infréquentable ? Publié par Jean Picollec, un ami de longue date. 208 pages, 16 euros. Je souffle un peu. Miséricorde ! l’auteur, c’est précisément et encore Joseph Vebret. Je saute à la page de faux-titre… «À Jules, parce que» : parce que quoi ? qu’est-ce que cette puérilité ! Tout de suite envie de le jeter aux orties «parce que merde»… Même page, trois épigraphes. Le nom du destinataire de la première est mal orthographié : lire «Marcel Lafaÿe»; deuxième citation, de Philippe Muray… sortie de son contexte et qui exprime exactement le contraire de ce que Muray a longuement écrit, expliqué, disséqué dans son Céline (je renvoie à ma contribution – bénévole ! – au copieux Muray à paraître à la mi-octobre aux éditions du Cerf, où précisément je traite le sujet); enfin, pied de page, dernière citation, de Gide cette fois, un article de la NRF d’avril 1938 (du 1er avril exactement, mais notre citateur n’y est pas allé chercher et c’est dommage parce que cet article, consacré entre autres à Bagatelles pour un massacre, recèle mille fois plus intéressant que la pauvre phrase qu’il en extrait) : «Les juifs, Céline et Maritan»… «Maritan» pour Maritain ! l’association est pourtant explicite quand on sait un peu d’histoire littéraire…
Soyons franc, ça commençait par trop mal. Ma patience avait été fort éprouvée déjà par un récent entretien avec le professeur Philippe Alméras à qui j’avais tenu à donner la parole puisque aussi bien tout le monde la lui refusait, mais dont la thèse ne m’a jamais convaincu. Je m’apprêtais à sabrer sans nuance ces nouvelles publications, et bien-succinctement. Heureusement, je dispose depuis plus de quinze ans d’un nègre critique, comme par hasard qui se trouve être le plus compétent des céliniens. Je l’ai donc sommé – pistolet sur la tempe, méthode Asensio – de me donner un avis nuancé sur ces deux ouvrages. Lisez plutôt.

Céline l’Infréquentable ?
– Je trouve ce petit livre très bien, c’était une très bonne idée, car il donne la parole à plusieurs céliniens qui ne se connaissent pas forcément et qui ont chacun une approche différente ou des réponses différentes… ou semblables. Une histoire avec Céline différente. Comment chacun y est venu, à quel âge, pourquoi, ce qu’il a apporté… Des âges différents; des formations différentes aussi. On pourrait reprocher à l’ouvrage de n’avoir pas donné la parole à Alméras, ou à André Derval qui aurait été plus critique à l’égard de Céline que certains. Même si on peut dire qu’aucun n’est complaisant à l’égard d’un certain Céline et que tous se posent des questions. Soulignons que ce sont des interviews, donc des «instants», des «réponses partielles», «limitées», qui demanderaient sans doute explications, nuances, compléments, non des thèses ou des études qui se voudraient complètes, définitives, mûrement réfléchies. Les interviews les plus intéressantes sont celles des jeunes céliniens : Laudelout, Mazet, Brami, Alliot. Les vieux céliniens ont tendance à plus parler d’eux-mêmes que de Céline… (N.B. : Les «vieux» céliniens sont donc, en procédant par élimination, Bruno de Cessole, François Gibault, Philippe Sollers et Frédéric Vitoux, l’ouvrage étant constitué de huit entretiens…).

Céline sans masque
– «Les céliniens : combien de divisions ?» par Marc Laudelout : une synthèse remarquable, Laudelout étant aux premières loges depuis plus de trente ans avec son Bulletin célinien pour juger des querelles intestines incessantes qui agitent le petit monde des céliniens.
Malavoy dans l’entretien qu’il accorde à David Alliot sous le titre : Le diable apparaît chez Céline est fort sympathique, il montre de l’enthousiasme, est honnête avec lui-même, mais un peu naïf tout de même, fait trop confiance à ce que dit Céline ou ce qu’en dit Lucette…
Céline et Montandon par Éric Mazet : analysant Montandon, fanatique communiste puis fanatique nazi, Mazet ne se contente pas de la caricature d’un être déjà caricatural; c’est fouillé, extrêmement précis, très éclairant.
Céline par Henri Mondor par David Alliot : il y a de l’exagération dans le titre ! Alliot n’apporte rien sur Mondor ni son texte. Même remarque pour son Céline à Kränzlin, le témoignage d’Asta Schertz. Plus intéressante est son exhumation des archives de la Préfecture de Police de Paris sur Céline. Une riche idée de rééditer ces textes peu connus ou difficilement trouvables.
L’étude de Lavenne : Image de l’écrivain, Céline face aux médias. De l’aura de l’absent à la présence du spectre, est intéressante en dépit d’un titre trop long… qui a cependant le mérite de résumer trente-six pages en moins de vingt mots.
Charles Louis Roseau, Céline ou le «marketing» de l’ancien combattant est assez complet sans rien révolutionner.
Véra Maurice, Quand les jupes se retroussent dans l’écriture célinienne, a réfléchi à son sujet…

Et voilà ce qui s’appelle de la critique enlevée ! Quant à moi, je relève la présence des mêmes noms dans les deux ouvrages, et je me demande, naïvement, pourquoi on ne demande jamais leur avis à des céliniens aussi éminents et décisifs et «qui bossent» comme disait Céline – «Tout ce que je vois, c’est que je bosse et que les autres ne foutent rien…» –, que Jean-Paul Louis qui est à l’origine de la publication des Lettres de Céline en Pléiade, mais encore de L’Année Céline depuis 1990, ni de l’extraordinaire Gaël Richard, auteur d’un Dictionnaire des personnages dans l’œuvre romanesque de Louis-Ferdinand Céline, qui prépare un Dictionnaire de la correspondance de Céline et une Bretagne de Céline, ouvrages édités parmi cent merveilles et autant de raretés par le même Jean-Paul Louis aux éditions Du Lérot (Les Usines réunies, 16140 Tusson – site : www.editionsdulerot.fr) ? La réponse est dans la question : ils bossent, ils n’ont pas de temps à perdre. Ni moi non plus pour finir.

En conclusion, et suivant ses centres d’intérêt, que le lecteur choisisse ce qu’il a envie de lire : lequel des deux ouvrages sommairement présentés supra, l’un, l’autre, aucun…
S’il recherche une introduction à l’œuvre de Céline, la plus abordable, entre biographie et essai, est le Céline d’Henri Godard qui vient de paraître (Gallimard, 594 pages, 25,50 euros). La biographie «historique» de François Gibault, en trois volumes : Céline – 1894-1932 – Le Temps des espérances; Céline – 1932-1944 – Délires et persécutions; Céline – 1944-1961 – Cavalier de l’Apocalypse, vient de reparaître au Mercure de France (compter un peu plus de 80 euros pour un peu moins de 1 200 pages).
Voyage au bout de la nuit, 505 pages, est disponible dans la collection Folio pour le prix de 8,90 euros; Mort à crédit, 622 pages, 9,40 euros, que nous conseillons aux néophytes pour aborder l’œuvre de Céline, se trouve dans la même collection.

Pierre CHALMIN
Stalker, 11/10/2011