mercredi 1 août 2012

Quand Henri Pollès concourait face à Céline - Ouest-France - 1er août 2012

Henri Pollès
Ecrivain en Trégor. Des deux écrivains nés à Tréguier, un est injustement méconnu : si Ernest Renan est célèbre, Henri Pollès est, lui, resté dans l’ombre.

Né en 1909, d’un père capitaine au long cours, Henri Pollès quitta Tréguier pour suivre son père nommé ingénieur à la navigation à Nantes en 1919 : il resta pourtant fidèle à Tréguier où il revint tous les étés. Il décida très jeune de se lancer dans la carrière littéraire. Son premier roman, Sophie de Tréguier, fut unanimement salué par la critique et lui valut le prix du roman populiste, en concurrence avec Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline.

Ecrivain, journaliste, courtier… 

Parallèlement à sa vie littéraire, Pollès s’engagea dans le débat politique et le journalisme en collaborant au journal Giustizia e Libertà, publication italienne antifasciste et fit un reportage pour le magazine Vendredi sur la guerre civile en Espagne pendant lequel il rencontra André Malraux. En 1939, il épousa Paulette Bellour, dont il eut quatre enfants. Jugeant que la fonction d’écrivain n’était pas lucrative, il s’installa comme courtier en livres à Brunoy dans le sud de la région parisienne tout en revenant régulièrement à Plougrescant dans la maison qu’il avait héritée de sa mère. Collectionneur dans l’âme depuis son plus jeune âge (timbres, cartes postales, programmes…), il amassa des dizaines de milliers de livres dont il fit don à la fin de sa vie à la bibliothèque des Champs libres à Rennes. Sa fonction de commerçant ne l’empêcha pas d’écrire : il rata à plusieurs reprises le prix Goncourt. Notamment pour Toute guerre se fait la nuit en 1945, roman sur la guerre d’Espagne, et aussi pour Amour, ma douce mort en 1963 et Le fils de l’auteur en 1964. Sur le fleuve de sang vient parfois un beau navire lui valut le prix Paul-Morand de l’Académie française en 1983.

Henri Le Bellec devant la maison natale d'Henri Pollès

Des milliers de livres au musée Henri-Pollès

Mais, c’est dans sa maison de Brunoy que l’on découvrait vraiment la personnalité d’Henri Pollès. Comme le dit Henri Le Bellec, professeur de lettres, spécialiste de l’écrivain : « D’abord, il y a la profusion. Elle est partout : de la cave aux combles, de la cuisine aux chambres, en passant par la salle de bains et même les toilettes. Quant à l’escalier, il n’est plus qu’un étroit boyau entre deux murailles de livres. Trente, quarante, cinquante mille volumes – l’auteur le sait-il lui même ? – se bousculent ainsi et s’entassent, s’accumulent et s’empilent à travers la dizaine de pièces que comporte la maison. Les objets les plus divers voisinent avec les livres : au hasard d’une pièce, on découvre des portraits ou des tableaux ; plus loin, des originaux introuvables de George Sand ; encore plus loin, une édition datée de 1811 des lettres de Mme de Sévigné ou le miroir de Sarah Bernhardt. »
Par bonheur, il avait commencé à léguer plusieurs milliers de ses livres à la ville de Rennes qui les a placés tels qu’à l’origine dans le musée Henri-Pollès aux Champs libres, car l’auteur périt dans l’incendie de sa maison de Brunoy en 1994. Son corps est inhumé dans le cimetière de Tréguier.
Henri Pollès demeura fidèle au pays de ses ancêtres toute sa vie. C’était aussi un grand écrivain comme le remarquèrent plusieurs critiques illustres comme Jean-Louis Bory, François Mauriac ou Bernard Pivot qui estimait que Sur le fleuve de sang vient parfois un beau navire était « le meilleur roman de l’année ».

À lire : Sophie de Tréguier, Prenez garde à la conscience, Amour, ma douce mort, Sur le fleuve de sang vient parfois un beau navire. Remerciements à Henri Le Bellec sans qui cet article n’eut pu être réalisé.

Ouest-France, 1er août 2012.
Edition de Lannion

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