lundi 5 mars 2012

Frédéric Mitterrand et l'affaire des célébrations...

Dans cet extrait de Le désir et la chance, qui vient de paraître, Frédéric Mitterrand revient sur l’événement qui fit débuter en fanfare l’année du cinquantenaire de la mort de Céline. Il ne regrette en rien sa décision d’avoir fait supprimer le nom de Céline du recueil (déjà imprimé) des célébrations nationales, mais avoue avoir manqué de vigilance en ayant agit trop tardivement.
Mais les souvenirs du Ministre de la culture semble partiellement lacunaire. Quid du nom de Serge Klarsfeld, qui, au nom de son association des Fils et Filles des déportés juifs de France, a exigé, en menaçant d’en faire appel au Président de la République lui-même, le retrait du nom de Céline de ce recueil. Car c’est bien à son initiative que le Ministre, qui avait pourtant préfacé l’ouvrage, s’est exécuté, en désavouant le travail des agents de son ministère ainsi que les membres du Haut comité des célébrations… Il aura préféré nous faire don de quelques souvenirs familiaux des plus poignants… Retour sur cet épisode finalement de peu d’importance…

« Deux incidents récents m’ont montré à quel point il restait des franges sur lesquelles j’avais encore du mal à marquer l’empreinte de la volonté du ministre : le premier, ce fut celui des célébrations nationales et de l’affaire Céline où je me suis laissé prendre de court en arrêtant in extremis l’inscription de Céline parmi les célébrations – décision que je ne regrette aucunement, mais pour laquelle il aurait fallu prendre les devants. Ce n’était pas l’immense talent de Céline qui était en cause, mais ce que l’on sait de son attitude durant la guerre et de ses délires antisémites. L’erreur ne fut donc pas de retirer son nom de la liste des célébrations nationales, mais plutôt de l’avoir laissé inscrire au départ sans y avoir pris suffisamment garde. Cela n’a d’ailleurs pas été sans injustices personnelles, puisque Henri Godard, le professeur qui avait rédigé la notice tout à fait remarquable sur Céline, n’avait pas omis lui-même de soulever le problème.
Dans l’affaire Céline, on m’a donc aussi reproché d’être intervenu après que la commission des célébrations nationales eut donné son avis et l’eut inscris dans un catalogue ; dont acte, j’aurai dû réagir plus vite, avant la publication du recueil des célébrations, qui n’avait pas suffisamment retenu mon attention. Mais, en l’occurrence, l’émotion suscitée par cette inscription était à la fois considérable et légitime. Et tout indiquait qu’elle ne s’éteindrait pas, et serait finalement dommageable à l’image même de l’écrivain. L’inévitable agitation aurait certainement braqué la lumière sur ce qu’il y avait d’odieux dans son œuvre, qu’il aurait été anormal de réduire à ses écrits antisémites. Durant les heures qui ont précédé la décision de retirer Céline des célébrations nationales, quand bien même sa place dans la littérature française et l’édition de son œuvre dans la Pléiade valent bien toutes les célébrations officielles, j’avais relu Bagatelles pour un massacre, dans l’une de ces éditions pirates que l’on peut se procurer assez facilement. Cette relecture a emporté ma décision, d’autant plus que cet écrit avait été réédité pendant la guerre, en pleine occupation nazie. Bien plus tard, en relisant la remarquable interview accordée par le professeur Godard dans le numéro spécial de Télérama consacré à Céline, une coïncidence des dates m’a frappé. Mon grand-père maternel, qui avait été à peu près l’exact contemporain de Céline, et que j’aimais pour son charme , sa profonde culture littéraire et son humour, était un antisémite presque aussi vitupérant et en tous cas aussi abominablement viscéral que Céline lui-même, et, pour le coup, cette part de sa personnalité m’avait toujours été insuportable. Il n’est pas impossible qu’en retranchant Céline des célébrations nationales, j’ai aussi voulu retrancher quelque chose de ma mémoire personnelle, où son attitude ravageait encore une part des souvenirs que j’avais de lui. Je me suis rendu compte de cet aspect inconscient de ma démarche que bien plus tard ; mais il est probable qu’il a joué un rôle dans ma décision. »

Frédéric Mitterrand, Le désir et la chance, Robert Laffont, 2012.
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2 commentaires:

  1. Plaidoyer pitoyable...Confession ridicule !

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  2. Il persiste le cafouilleux ! en tout cas, je suis sûr que Céline aurait été mort de rire face à cette affaire ridicule !
    Je trouve bien plus dommageable d'avoir au poste de ministre un personnage qui avoue dans sa biographie avoir payé pour avoir des relations avec des garçons (avec tous les sous-entendus vu le pays) ! Dommage que Céline ne soit plus là pour lui écrire un plaidoyer comme il le fit pour JB Sartre ! qu'est-ce qu'on aurait ri !

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