vendredi 20 janvier 2012

Hier, au Sébasto, Fabrice Luchini a fait revivre Baudelaire, Céline et La Fontaine - La Voix du Nord - 20 janvier 2012

« Qui aurait cru voir 1 300 personnes applaudir un gars dans une salle qui, ... pour commencer son spectacle, déclame du Nietzsche ? » Et comble de cet exploit, aussi incroyable qu'inhabituel, qui aurait cru pouvoir, deux heures durant, aimer ça ? C'est pourtant ce qui s'est produit hier soir, au théâtre Sébastopol à Lille. Comédien aussi drôle qu'exubérant, Fabrice Luchini a, sur scène, montré son amour pour la langue française « ce qu'il y a de plus fédérateur », au travers d'une lecture de Nietzsche, Baudelaire, Céline et La Fontaine. Mieux, il a donné à ces textes parfois oubliés, une âme.

« C'est un exercice périlleux », soutient le comédien. Et on le croit volontiers, surtout lorsqu'on le regarde et l'écoute, réciter à la perfection Le Spleen de Paris de Baudelaire, sans doute le moment le plus impressionnant du spectacle. Posés sur la table, les livres ne sont que prétexte, comme pour se rassurer. Sur scène, ça articule, ça déclame à grand renfort de variations vocales. Ça récite aussi, un peu trop parfois, au risque de perdre, l'espace de quelques minutes, la salle.

Fabuliste hors pair
Heureusement, si Luchini aime les lettres, il sait aussi les faire vivre. Passant aussi aisément de la correspondance (et l'imitation) d'un Louis-Ferdinand Céline en fin de carrière, à Hugo et Gide. Mais c'est auprès de La Fontaine que le narrateur excelle. On le soupçonne de lui donner sa préférence, tant le jeu est bon. Le fantastique fabuliste aurait sans doute aimé cet homme de scène qui décortique, explique, s'arrête sur les beaux mots et les met en scène pour expliquer ou se moquer de la société. Drôle avec La Tortue et les deux canards, il sublime L'Ours et l'amateur de jardin et fait rire en récitant, en verlan et en rappant à une vitesse folle Le Corbeau et le renard.

En réalité, Luchini ne lit pas, ou très peu. Il joue. On admire tant d'énergie et de spontanéité. On le quitte sur Nietzsche et Mamy Blue, entonné par une salle qui ne s'y attendait pas. « De nouvelles musiques pour de nouvelles oreilles », disait Nietzsche en son temps. En fait, les anciennes nous conviennent, il suffisait de nous les dire.

C. DY.
La Voix du Nord, 20 janvier 2012.

Ce soir à 20 h 30, au théâtre Sébastopol, place Sébastopol à Lille. COMPLET.

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