jeudi 29 décembre 2011

Le langage célinien dans Mort à crédit par Julia Autio (Finlande, 2011)

Le langage célinien dans Mort à crédit, Mémoire de licence de Julia Autio, Université de Jyväskylä (Finlande, 2011) :


Introduction
Nous nous accordons aujourd'hui à considérer l'oeuvre littéraire de Louis-Ferdinand Céline comme l'une des plus importantes du vingtième siècle. Céline y attaque les formes de littérature « officielle » avec le style de l’écriture exceptionnel, qui naît de multiples répétitions et porte à merveille la vision de son monde. Il crée l’illusion d’une langue populaire, ou plus précisément orale, dont les caractéristique sont en relation avec la vision du monde de l’auteur. La langue académique est mort-née pour Céline, ce qui explique qu’il emploie continuellement dans ses textes les fonctions corporelles, les organes génitaux et les mots grossiers. Les thématiques sont carnavalesques dans leur absurdité et leur crudité. (1)
Sans crainte de se tromper, nous pouvons parler de véritable révolution esthétique et stylistique depuis la sortie de Voyage au bout de la nuit en 1932 (2). Ce mémoire de licence a pour objet d’examiner le langage grotesque et exceptionnel baptisé célinien et en lisant je faisais des listes (3) de mots argotiques. Nous en examinerons certaines thématiques comme les diverses appellations des femmes, son rythme et sa « petite musique », c’est à dire le balancement de la phrase qui donne un effet poétique. Le but était de mieux connaître le langage particulier et l’ouvrage théorique principal qui a été utilisé est Les Figures de style d’Henri Suhamy. A côté de cet ouvrage, j’avais un dossier de Céline publié dans Le Magazine Littéraire en février 2011.


1. Le langage de Céline
Céline révolutionne le récit romanesque traditionnel, jouant avec les rythmes et les sonorités, dans ce qu'il appelle sa « petite musique ». Le vocabulaire à la fois argotique et scientifique, familier et recherché, est au service d'une terrible lucidité, oscillant entre désespoir et humour, violence et tendresse (4).

RÉ !.. fa !... sol dièze !... mi !... Merde ! (5)

L’exemple (1) donne un bon exemple d’utilisation du rythme combiné avec d’une part des termes musicaux et d’autre part un juron. L’auteur a transformé le terme musical « dièse » au « dièze » probablement faisant une référence à l’oeuvre de Jules Verne, M. Ré-Dièze et MlleMi-Bémoll. La langue célinienne suit ainsi de multiples pratiques, et la thématique métaphorique de la métamorphose domine le texte. Il écrit sans craindre le jeu de mots qui produit l’ambiguïté syntaxique et n’évite pas non plus le pléonasme, c’est-à-dire les redondances maladroites qui relèvent plutôt de la grammaire ou de la lexicologie. Une attitude puriste consiste à condamner l’emploi de tournures comme et, puis, alors, après, termes qui de toute manière ne présentent pas d’intérêt stylistique. Malgré tout, il arrive que de tels pléonasmes grammaticaux émettent une résonance expressive. C’est ainsi que Céline écrit :

De la prison on en sort vivant, pas de la guerre.(6)

Nous pouvons penser à première vue que la présence inutile du pronom en reflète simplement le niveau de langue que l’auteur a choisi. D’autre part, le pléonasme ne manque pas de pertinence syntaxique, car lorsque le parler populaire commence une phrase par une inversion (ici celle du complément), il compense la mise en suspense du sens général par l’emploi d’un pronom de rappel. (7)



Julia AUTIO
Mémoire de licence, Université de Jyväskylä (Finlande, 2011)


1 Mercier-Leca F., 2011. « Voyage au bout de la viande »,
Le Magazine Littéraire,66
2 http://louisferdinandceline.free.fr/index2.htm (consulté le 6 avril 2011)
3 Voir l’annexe
4 http://tarayre.wifeo.com/album.php (consulté le 6 avril 2011)
5 Mort à Crédit, 32
6 Voyage au bout de la nuit, 25
7 Suhamy 1992, 68

1 commentaire:

  1. Ça commence fort : « L'exemple 1 donne un bon exemple... »
    Encore un chaleureux mémoire qui prendra place sur les rayons de l'IMEC, sans crainte d'être dérangé.
    Je me disais récemment : « Tiens, je ferais bien un mémoire sur le nombre de trois points dans l'œuvre de Céline »...
    L'informatique le permet, désormais. Cela me rappelle un chercheur canadien, Paul Fortier, le premier qui ait informatisé le « Voyage ». Une franche poilade car, à l'époque, il cherchait partout «Bâdâmu». On lui proposait alors un « vé », un verre. Quelle belle époque.

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