vendredi 20 mai 2011

Le sens animal...

le sens animal ! de Bébert !... je retrouve le fil !... Bébert notre chat... ah, m'y revoici!... que Bébert était comme chez lui dans l'immense Château du haut des tourelles aux caves... ils se rencontraient Lili lui d'un couloir l'autre... ils se parlaient pas... ils avaient l'air s'être jamais vus... chacun pour soi! les ondes animales sont de sorte, un quart de milli à côté, vous êtes plus vous... vous existez plus... un autre monde !... le même mystère avec Bessy, ma chienne, plus tard, dans les bois, au Danemark... elle foutait le camp... je l'appelais... vas-y !... elle entendait pas !... elle était en fugue... et c'est tout!... elle passait nous frôlait tout contre... dix fois !... vingt fois !... une flèche !... et à la charge autour des arbres !... si vite vous lui voyiez plus les pattes ! bolide ! ce qu'elle pouvait de vitesse !... je pouvais l'appeler! j'existais plus!... pourtant une chienne que j'adorais... et elle aussi... je crois qu'elle m'aimait... mais sa vie animale d'abord ! pendant deux... trois heures... je comptais plus... elle était en fugue, en furie dans le monde animal, à travers futaies, prairies, lapins, biches, canards... elle me revenait les pattes en sang, affectueuse... elle est morte ici à Meudon, Bessy, elle est enterrée là, tout contre, dans le jardin, je vois le tertre... elle a bien souffert pour mourir... je crois, d'un cancer... elle a voulu mourir que là, dehors... je lui tenais la tête... je l'ai embrassée jusqu'au bout... c'était vraiment la bête splendide... une joie de la regarder... une joie à vibrer... comme elle était belle !... pas un défaut... pelage, carrure, aplomb... oh, rien n'approche dans les Concours !...

C'est un fait, je pense toujours à elle, même là dans la fièvre... d'abord je peux me détacher de rien, ni d'un souvenir, ni d'une personne, à plus forte raison d'une chienne... je suis doué fidèle... fidèle, responsable... responsable de tout!... une vraie maladie... anti-jeanfoutre... le monde vous régale !... les animaux sont innocents, même les fugueurs comme Bessy... on les abat dans les meutes...
je peux dire que je l'ai bien aimée, avec ses folles escapades, je l'aurais pas donnée pour tout l'or du monde... pas plus que Bébert, pourtant le pire hargneux greffe déchireur, un tigre !... mais bien affectueux, ses moments... et terriblement attaché ! j'ai vu à travers l'Allemagne... fidélité de fauve...

Louis-Ferdinand Céline, D'un château l'autre, 1957.

1 commentaire:

  1. C'est toujours un plaisirs.
    Très bonne idée d’insérer de temps à autre un petit extrait. Clouscard a écrit des pages tres intéressantes sur le rythme où il fait l’éloge du swing qu'il rapproche de notre essence naturel, un rythme non perverti. Aujourd'hui nous en sommes loin, L’idéologie libéral nous a imposé le siens, si pauvre. Ces extraits nous permettent de reprendre contact avec ce rythme originel.
    Faut dire que j'écoute peu du jazz, mon rapport au swing a lieu surtout avec Céline. Je raccroche les wagons.
    Et puis quel extrait vous nous avez balancé là.

    L'anonyme de 19.00

    RépondreSupprimer