mardi 2 février 2010

Louis-Ferdinand Céline et la poursuite du délire par Pierre Lalanne - extraits

[...] Céline erre parmi les ruines de nos délires et inscrit ses prophéties en caractères runiques, inscriptions millénaires qu’il découvre à force de travail et de réécriture en faisant surgir le jus de son inconscient… qui est aussi le nôtre… Cette écriture va bien au-delà du génie et de la littérature et c’est pour cette raison que l’on ne parvient toujours pas à la comprendre, à la déchiffrer, à l’interpréter de manière acceptable.

Ce ton si juste… Cette petite musique ensorcelante, fascinante… chamanique. Elle nous pénètre, comme le son d’un tam-tam et nous amène peu à peu en un état de transe sauvage. Il suffit de se laisser porter et l’effet agit instantanément… nous partons avec lui en voyage… en voyage au bout de soi… au bout de «l’être» «dans la nuit où rien ne luit». Mais avec lui la peur est supportable, car il ne ment jamais sur la destination finale. [...]

Insaisissable, parce qu’entier; occulte, parce que multiple… On le croit communiste, anarchiste, fasciste, antisémite… Céline n’est rien de tout cela… Il est au-dessus, il imagine… Il transpose… Il l’est tout à la fois et n’est rien. Il est mystique. Il est Dieu et Diable… Onde et nuée… Phénix et sorcier… Légèreté et raffinement. Il est délire! [...]

Lorsque Céline affirmait que la race blanche avait perdu à Stalingrad… C’est le dernier soubresaut du monde des fées et des démons qu’il percevait, bien au-delà de la défaite allemande, il voyait l’Europe d’aujourd’hui et de demain. [...]

Yves Buin dans son «Céline» publié chez Folio, fait ressortir l’importance du séjour de Céline à Londres en 1915. Il montre surtout la métamorphose de Céline survenu dans une période de temps très court, qui peut illustrer le délire célinien. Même si Buin refuse d’aller trop loin dans cette direction, sa vocation a peut-être débuté là-bas… Période obscure dont on ne sait pas grand-chose, propice aux légendes et au fantastique, «Guignol’s band» en sera le chef d’œuvre.

Voilà ce que constate Buin en examinant une photographie de l’époque de Londres…cela se passe de commentaires :

«Une photographie d’identité de 1915 peut, là encore, nous servir de jalon. On n’y voit plus le Louis martial puis convalescent de 1914 mais un tout autre homme : débraillé, les cheveux en bataille, le regard étrange et narquois soumis à des puissances obscures, un visage d’aube agitée qui pourrait être celui d’un convict, d’un dément, d’un terrorisme révolutionnaire. Il est loisible de commenter sans fin tant ce visage est différent, à quelques mois près, de ce qui était montré auparavant. Une mutation s’est-elle produite? Une révélation a-t-elle eu lieu? De qui? De l’être? La photo impressionne par son authenticité, un insaisissable qui, sans doute, n’est pas loin d’une folie qui affleure et qu’on est incapable de nommer. Fugitive apparition de ce qui se préfigure de l’écrivain à venir et que l’on se complaira, à l’âge mur, à désigner comme visionnaire, halluciné, monologueur inspiré et volontiers prophète de malheur.» (p.77)

En fait, Louis Ferdinand Destouches avait le choix entre devenir écrivain, guérisseur ou prophète, les trois éléments se sont imposés et superposés. Cette combinaison lui a permis de devenir Louis-Ferdinand Céline, dernier maître du Verbe et de l’imaginaire.

Pierre Lalanne
L'article complet est à lire sur L'ombre de LF Céline.

1 commentaire:

  1. Cet bout d'article m'a donné des frissons...

    Très belle et puissante écriture que ce Lalanne.

    Je vais aller lire l'article complet, il me plaît bien ce type.

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