vendredi 15 janvier 2010

Céline. Lettres (1907-1961)

Engagé dans l’armée, Céline (1894-1961) écrit à ses parents des lettres affectueuses. En 1917, il commet selon ses propres termes une nouvelle acceptée par Henri de Régnier. Les années trente l’accaparent, ses correspondants se diversifient depuis la publication du Voyage et de Mort à crédit, des lettres courtes, des longues lettres, des cartes postales, parfois en anglais, des inquiétudes concernant les traductions du Voyage, des soucis d’argent, des problèmes de santé, des liaisons, des déménagements, des fidélités et des amis qui tournent casaque au moment de l’épuration. En 1944, on le retrouve à Sigmaringen. Il distille son venin dans sa correspondance dès son retour en France en 1951. « Je me révèle épistolier sur le tard, dans le sens quantitatif. » Sa correspondance prend des allures de plaidoyer. Il tempête, devient irascible, trépigne, se montre grossier, sarcastique. Ses épanchements, ses tournures tendres, il les réserve à son carré de fidèles. À ceux qui l’attaquent il envoie des lettres qui ont des allures d’alphabet morse. Son humeur bilieuse a pour conséquence de trancher de tout et de rien sans nuance. Quoi qu’il en soit, sa forme d’esprit saisit rapidement les rapports les plus éloignés des choses entre elles. Son pessimisme s’accentue avec l’âge. Son corps n’est plus ce qu’il était. « Le monde est rempli de gens qui ont raison – c’est pour cela qu’il écoeure. » Il a préféré son indépendance vagabonde à un engagement quelconque qui limite. Il en veut aux écrivains de son temps de n’être que des couturiers. À lire d’affilée ces lettres, on est loin d’une correspondance entre écrivains de bonne compagnie. On participe en réalité à l’ébullition d’un étonnant cerveau.

Alfred EIBEL
Valeurs actuelles, 10 décembre 2009.

Céline, Lettres, Bibliothèque de la Pléiade, 2009.

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