dimanche 19 mai 2013

Louis-Ferdinand CÉLINE : « J'ai perdu la danse du destin... »

Céline par Sam DILLEMANS (2008)
J'ai perdu la danse du destin, je me suis fourvoyé de figure, enroulé dans la fausse écharpe... [deux mots ill.] sous la lune, d'une crête à l'autre de Paris, sur l'Océan monstre on les voit qui se déchirent les buées, effritent, éparpillent, s'arrachent aux cheminées, sombrent, effacent. C'est ce qui va m'advenir... Ils vont m'arracher le corps et l'âme... J'ai dansé de travers. J'étais trop vieux, c'est une justice, j'ai plus entendu la musique... Lucette me le disait, et même Charmoise mon cher voisin. « Vous vous fourvoyez Ferdinand... » Fallait que je gigue sur la bonne flûte... un certain âge c'est difficile, on s'emberlifique de cadence... un petit contretemps patatrac... la vogue y est plus... il faut plus risquer... la corrida d'homme s'ouvre, ça sonne, je suis bon pour la mise à mort... C'est ma faute aussi j'ai fait le Jacques... Ils rigolent tous sur les gradins... c'est pourri de voyeurs les cités, le monde, l'univers... ça risque rien là sur leurs fesses, assis au soleil, à l'ombre... Si ça trépigne, clame, gesticule la multitude, houle, réclame l'orage, veut des arènes pleines de sang, des animaux à l'agonie qu'on traîne par les pattes, y a que ça qui les affriole, les jubile, les enrage au bonheur. J'aurais dû me douter moi qu'ai fait la guerre 14, déjà bien passé au hachis...

Louis-Ferdinand Céline, Maudits soupirs pour une autre fois, Gallimard, 1985.
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