dimanche 4 octobre 2009

Quand Céline écrivait à Mauriac

La République des livres, 4/10/2009 :

Le 14 janvier 1933,

Monsieur,

Vous venez de si loin pour me tendre la main qu’il faudrait être bien sauvage pour ne pas être ému par votre lettre. Que je vous exprime d’abord toute ma gratitude un peu émerveillée par un tel témoignage de bienveillance et de spirituelle sympathie.


Rien cependant ne nous rapproche, rien ne peut nous rapprocher ; vous appartenez à une autre espèce, vous voyez d’autres gens, vous entendez d’autres voix. Pour moi, simplet, Dieu c’est un truc pour penser mieux à soi-même et pour ne pas penser aux hommes, pour déserter en somme superbement.


Vous voyez combien je suis argileux et vulgaire !


Je suis écrasé par la vie, je veux qu’on le sache avant d’en crever, le reste je m’en fous, je n’ai que l’ambition d’une mort peu douloureuse mais bien lucide et tout le reste c’est du yoyo.


Bien sincèrement je vous prie,


Destouches Céline


Cette lettre poignante adressée à François Mauriac est extraite de “Fragments d’une correspondance inédite”, un ensemble que publie Henri Godard dans la livraison d’octobre 2009 de La Nouvelle Revue Française (285 pages, 18,50 euros). L’éditeur le présente comme un chevau-léger du volume de Lettres que la collection de la Pléiade publiera en novembre. Elle a été maintes fois partiellement citée par différents biographes. L’écrivain y est encore autant Destouches que Céline, et la signature fait sens. Il a n’a pas quarante ans et n’a publié que Voyage au bout de la nuit quelques mois avant ; son correspondant, de neuf ans son aîné, a déjà publié une quinzaine de livres et s’apprête à lancer Le Mystère Frontenac en librairie. Céline, qui lui avait adressé le service du Voyage, réagit à sa réaction.

Il est déjà bien là, dans sa musique propre ; les insultes, la haine, viendront bientôt, lorsqu’il aura enrôlé Mauriac dans son guignol. Ce qui lui fut d’autant plus facile que dès leur première rencontre, avant-guerre rue Lepic, il s’avoua horrifié par son physique prolongé par sa voix. En 1948, de sa prison danoise, Céline lui envoya une bordée : “Canaille par tartufferie… damné imbécile… enfant de coeur ( sic) pernicieux…

Pierre Assouline

3 commentaires:

  1. Ce sont les commentaires de ce Blogue qu’il faut parcourir… Quelle misère pour la plupart, insignifiance crasse. Ça ne rate pas, à chaque fois qu’Assouline cause de Céline, c’est le déchainement des humââânistes du Monde et on constate le niveau.

    Pierre L

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  2. Je ne prends même plus la peine de les lire... à chaque fois tellement caricatural...

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  3. Moi, je ne les lis pas non plus! Une belle lettre de Celine! Dommage qu'il n'y ait qu'une!

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