lundi 18 juillet 2011

Le fou et la tortue par Philippe Lacoche

Un régal que ce roman où Salatko évalue l'amitié Louis-Ferdinand Céline-Marcel Aymé.

Marcel Aymé, avec sa tête de tortue, avait un sens aigu de l'amitié. Lorsqu'il donnait celle-ci, il ne la reprenait pas : il la poussait jusqu'au bout. On aurait pu penser qu'il avait de la suite dans les idées ; il avait simplement un sens évolué de l'Autre. L'amitié qu'il a dispensée à l'endroit de Céline était sans limite. Il fut l'ami des bons et des mauvais jours de l'écrivain le plus génial, le plus fou, le plus immense et le plus détestable de la terre. Cette amitié, Céline la rendait à Marcel. Mais à sa manière. Et il fallait bien avoir la sensibilité de Marcel Aymé pour comprendre cela. Romancier et nouvelliste de grand talent, Alexis Salatko tourne autour de cette amitié, la flaire, la soupèse, l'évalue grâce à une fiction impeccable, romanesque à souhait. En 1981, le narrateur du roman, dix-sept ans, cheveux longs, fan des Who, des Stones et lecteur de Charlie Hebdo, rompt avec sa famille, tente de rejoindre son frangin, étudiant à Jussieu, s'engueule avec lui, et se réfugie chez Ginette et Maximilien (Max) Hardelot, amis de ses parents, à Draveil, près de Juvisy. Malade, quasiment en fin de vie, Max s'achève au pastis, s'engueule avec Ginette, affiche une humeur épouvantable. Malgré ça, les Hardelot accueillent l'intrus en cavale. Ils le logent dans la chambre d'Alban, leur fils, disparu dans un accident de moto deux mois plus tôt. Max commence par prendre le jeune homme en grippe. Puis il se détend, le regarde différemment( après tout, ce ne serait pas un peu le retour du fils adoré ?). Et finit par lui parler. Il ne s'arrêtera plus de causer. Il passe tout en revue. Son passé, sa jeunesse, sa rencontre avec Ginette, et surtout il évoque ses grands copains d'avant : Céline et Marcel Aymé. Et l'amitié indéfectible qui réunit les deux zèbres. Il y a autour d'eux les ombres frémissantes et agitées de Gen Paul et de Le Vigan. Les portraits sont à cru, taillés dans le vif. Les propos de Céline, souvent extraits de ses œuvres et de ses correspondances, valent bien tous les steaks des boucheries de Meudon et de Courbevoie, tant on rigole. Ce livre teigneux et mélancolique est un pur régal.

Philippe LACOCHE
Service Littéraire n°43, juillet-août 2011.

Ecrivain et journaliste, dernier ouvrage paru : " La maison des girafes " chez Alphée.

> Alexis Salatko, Céline's band, Robert laffont, 2011.



Dans ce même numéro du Service Littéraire, on oubliera deux remarques assassines dans la rubrique "on trouve ça bien, on trouve ça mauvais". Un "Céline à toutes les sauces, ras le bol !" en guise de commentaire pour la réédition de La Bringuebale avec Céline d'Henri Mahé. On attend toujours un jugement sur le texte... Christophe Malavoy se voit aussi malmené : "Un dialogue platonicien qui ne vaut pas tripette. L'avalanche Céline nous pèle déjà le jonc, mais quand c'est du sous-Céline revu et corrigé par un acteur qui se la pète, là, on se la mord !" Ici, nous défendons ce texte, plutôt bien écrit, de quelqu'un qui a lu Céline (ils ne sont pas si nombreux à s'en donner la peine) et en a saisi toute sa sensibilité et toutes ces contradictions.

6 commentaires:

  1. Un roman que l'on rêverait de voir illuminer les salles obscures.

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  2. Vous avez raison de défendre "La Brinquebale", cela va de soi, en particulier dans cette magnifique édition que l'on doit à Eric Mazet, et le sympathique Christophe Malavoy. Le vocabulaire du plumitif de service — pas littéraire pour un sou — évoque irrésistiblement la pire canaille juvénile. Ce commentaire est-il signé ? Il ne faut pas laisser de tels "critiques" dans l'anonymat : son nom connu, on l'évitera désormais avec soin. Un peu d'organisation ne nuit pas, ils sont si nombreux à haïr…

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  3. Quel dommage, en effet, de ne pouvoir mettre un nom sur l'avorton qui, erreur capitale, a osé critiquer Mazet et Malavoy ! Profitons de cet espace de convivialité pour lancer un appel à la délation, afin d'assouvir des haines bien légitimes.
    Pitoyable.

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  4. L'avorton n'a pas du ouvrir la Brinquebale pour écrire son commentaire. Il aurait écrit plus intelligemment. Même en une phrase. Même pour critiquer.

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  5. Il est possible de se distinguer des cons, sans pour autant les désigner à la vindicte des fins connaisseurs distingués, toujours très vifs à défendre une chapelle qui en vaut bien bien d'autres...

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