vendredi 17 juin 2011

Pour Céline, les enchères s'envolent à Drouot - L'Express - 17 juin 2011

Vendredi, une vente était consacrée à l'auteur pour le cinquantenaire de sa mort. Editions originales ou objets plus insolites ont fait s'enflammer les acquéreurs.

C'est bien simple, à l'ouverture de la salle 2 de l'Hôtel Drouot, ce 17 juin, peu avant 14 heures, on se serait cru dans l'une de ces scènes des romans de Céline, où une foule en délire joue des coudes avant de lyncher un innocent. Il ne s'agissait pourtant que de trouver une place pour assister à la grande vente aux enchères organisée par la maison Neret-Minet & Tessier à l'occasion du cinquantième anniversaire de la mort l'auteur de Voyage au bout de la nuit. Dans les travées, on reconnaissait le comédien Jean-Paul Rouve, le biographe et avocat de la veuve de l'écrivain, Me François Gibault ou le jeune célinien David Alliot. Parmi les acheteurs, on remarquait aussi Patrice Espiau, fils d'un juré du Prix Renaudot qui, en 1932, avait fait basculer les délibérations en faveur de Voyage au bout de la nuit. Un connaisseur, assurément...Et puis, alors que les premiers lots étaient déjà vendus, une voix s'élève soudain : " Pourrait-on installer une chaise pour la petite-fille de Louis-Ferdinand Céline ? " On installa une chaise, sur laquelle, une dame discrète vint s'asseoir.
Mais déjà les enchères s'envolaient. Enchères imprévisibles, certains lots estimés très hauts calant assez vite -telle cette édition originale de Mort à Crédit sur papier Japon impérial truffée d'une page manuscrite, partie à " seulement " 50 000 euros (auxquels il convient d'ajouter des frais d'environ 20%)-, d'autres lots montant assez haut -les éditions de luxe des romans de Céline illustrés par Tardi, par exemple (jusqu'à 3500 euros pour un Casse-Pipe).
Les pamphlets ont fait leur petit effet habituel, atteignant des prix fous, poussés par des libraires penchant nettement à droite : une édition originale de Bagatelles pour un massacre sur alfa, avec dédicace, s'est ainsi envolée à 10 000 euros (quatre fois le prix estimé...) et une édition-pirate des Beaux Draps , datant de 1981, s'est arrachée à 1300 euros !
On revenait à des prix plus raisonnables avec les manuscrits : 7500 euros pour 35 pages de Féérie pour une autre fois -prix assez bas- ou 30 000 euros pour une belle correspondance avec le journaliste suisse Paul Bonny. Autre rareté, une lettre à Arletty culminait à 3200 euros...
Parmi les curiosités de la vente : un célinien emportait, pour 1200 euros, le titre de pension définitive d'invalidité à 70% de l'ancien combattant Louis Destouches, alias Céline, " blessé par balle le 27 octobre 1914 ". Un autre passionné, sans doute doté de longs rayonnages, faisait l'acquisition, lui, d'une collection complète du célèbre Bulletin célinien, soit 9 grandes boites reliées, le tout pour 7000 euros ! Enfin, David Alliot s'offrait un ensemble de lettres de Lucette Destouches à Paul Bonny, au prix raisonnable de 800 euros.
Enfin, ultime clin d'oeil, le catalogue de la vente, totalement épuisé, devenait déjà un objet convoité par tous ceux qui n'étaient pas parvenus à se le procurer ! On ne serait pas étonné de le voir passer prochainement dans une vente à Drouot...

Jérôme DUPUIS
L'Express, 17/06/2011


Illustration : lettre de Céline à Arletty de 1947 adjugée 3 200 € hors frais.

12 commentaires:

  1. Indubitablement, le record de cette vente revient au Bulletin célinien de Marc Laudelout, dont la collection complète, estimée 8/900 euros, en a réalisé 7.000 ! Ça, c’est du Belge !
    J’en connais, moi, qui, en 1980, à ses débuts, lui prédisaient cinq ou six livraisons, avant de sombrer...

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  2. Plus de 30 ans de travail... Une performance !

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  3. Mais le plus intelligent est à coup sûr David Alliot d'avoir acheté seulement pour 800 € les lettres de Lucette à Bonny datant du début de l'exil, riches en renseignements inédits sur cette période peu connue.

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  4. Aurons-nous la chance de pouvoir consulter une ou deux lettres, à titre gracieux, et en avant-première, sur le Petiot Célinien ? Est-il raisonnable de prier David Alliot de faire un petit geste, une élégance, en nous procurant ce grand plaisir ?
    Qui ne tente rien...

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  5. J'aime ce côté rêveur chez ECG... mais qui sait...

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  6. J'aime à penser que certains Céliniens, plus aristocrates que d'autres, peuvent se montrer généreux, altruistes... gratuits.
    Il suffit de penser au Petiot Célinien, artisan évangéliste sacerdocien, missionnaire effacé résolument gracieux.
    Vive la Célinie libre !

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  7. Céline est désormais la proie des « spéculateurs ». Toute la vulgarité spéculative lui sera due. Il n’y a plus une cédille célinienne qui ne fasse désormais l’objet d’une surenchère. Et nous serons tous là, la gueule béante, à attendre que des « investisseurs » viennent nous visiter si, d’aventure, nous possédons des documents, ou même, simplement, des souvenirs céliniens. Monnayables, bien entendu. Il n’y a pas d’aristocratie célinienne.

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  8. Savez vous ou peut-on trouver l'ensemble des resultats de la vente ?

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  9. Probablement très bientôt sur le net. Nous en ferons l'annonce.

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  10. Thyssens a entièrement raison : Céline livré à la spéculation c'est à dire aux loups *, tel feu Le Téméraire. Nulle aristocratie là-dedans, uniquement bassesse épicière et calcul intéressé (_"J'achète, je revends", le moteur à deux temps du "free trade"). Le capitalisme est une lycanthropie.

    * Et encore c'est là faire grande injure aux loups...

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  11. Même ceux de Mazeline ?

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  12. Oh ceux-là ! "Célèbres" en décembre 32, oubliés en janvier 33. Loups bien faméliques ! Comment leur en vouloir ? Plutôt au risible jury Goncourt (très court même) qui hurla bêtement * avec eux.

    * Et encore c'est là faire grande injure aux bêtes...

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